Cette année, les sols étaient humides pendant les vendanges. La machine a marqué », déplore Kevin Delalande. Le gérant du domaine de la Semellerie, à Cravant-les-Côteaux (Indre-et-Loire), n’est pas inquiet pour autant. Il sait parer au tassement des sols.
Chaque année en novembre, il sous-sole une quarantaine de ses 48 ha en AOC Chinon. « Notre porteur Pellenc Optimum est équipé pour la récolte, le prétaillage et l’effeuillage, précise-t-il. L’engin est lourd et ses roues tassent l’interrang – planté à 2,05 m – aux mêmes endroits à chaque passage. »
Pour y remédier, « dans les vignes plantées sur des argiles lourdes, en plateau et en plaine, je passe la sous-soleuse chaque année, détaille-t-il. En revanche, dans les parcelles en pente et moins argileuses et les sols de silex, plus drainants, je passe seulement tous les deux ans. »
Kevin Delalande intervient avec une Huard monodent pourvue d’une pointe neuve au carbure. Tracté par un Fendt 209 à quatre roues motrices, l’équipement pénètre et fissure le sol jusqu’à 50 cm de profondeur. Un obus lisseur, fixé derrière la pointe, facilite le drainage de l’eau.
Le viticulteur sous-sole à 4 km/h dans la plaine, un peu moins vite dans les parcelles de silex. Astucieux, il n’enclenche pas le pont avant dans ces dernières. « Lorsque la dent rencontre un obstacle, le tracteur patine, indique-t-il. Aussitôt, je débraye et relève l’outil. Ainsi, j’évite le plus souvent de casser le boulon de sécurité situé sur la dent. »
Kevin Delalande trouve plusieurs intérêts au sous-solage : « On décompacte et on aère le sol. Dans les parcelles en plateau, sur lesquelles l’eau stagne, l’outil a un effet drainant. Il favorise également le développement en profondeur des racines. Enfin, il permet aux vignes de mieux résister aux stress hydriques. » Seule réserve, le prétaillage est retardé car le viticulteur attend un mois après le sous-solage pour éviter de repasser trop tôt sur le sillon créé par la dent.
Au domaine Preignes le Vieux, à Vias, dans l’Hérault, Jérôme Vic est confronté au même problème de tassement des sols, mais à une autre échelle. En effet, avec son équipe, il cultive 280 ha de vignes, plantés à 2,50 m, qu’il entretient mécaniquement, y compris sous le rang.
Pour ce faire, il sollicite fortement son porteur multifonction. Avec cet engin, le vigneron taille 40 % de sa surface mécaniquement, traite un tiers de ses vignes et récolte toute sa production. « Les sols sont tassés », admet-il. Seul remède : le sous-solage.
À cet effet, le domaine possède deux sous-soleuses Cultibio identiques à une dent. Ces outils sont tractés par deux tracteurs interlignes dont un à chenilles qui lui permet d’intervenir aussitôt que cela est possible, dans les sols argileux notamment, grâce à son adhérence et sa portance. Un avantage appréciable pour Jérôme Vic qui sous-sole un rang sur deux chaque année, en alternance, sur l’ensemble de son vignoble. Effectué à 5,5 km/h, ce travail occupe deux chauffeurs à plein temps pendant près d’une semaine et demie.
Au Prieuré de Saint Jean de Bébian, à Pézenas, Stéphane Moreno consacre beaucoup moins de temps à cette tâche. Il y a cinq ans, son employeur a acheté une sous-soleuse neuve Ferrand. « Elle n’a servi qu’une ou deux fois, indique le chef de culture de cette exploitation de 25 ha. On n’a eu aucune difficulté à passer entre 30 et 40 cm de profondeur dans les terroirs calcaires. Dans les sols de basalte, en revanche, ça a été plus compliqué. On a souvent cassé le boulon de sécurité. »
En fait, Stéphane Moreno n’a pas besoin de décompacter ses sols car il prend de nombreuses précautions « pour préserver la structure des sols et les protéger au mieux contre l’érosion et la canicule ». La récolte s’effectue à la main depuis longtemps et le travail du cavaillon avec des outils légers : une décavaillonneuse et des doigts Kress. Chaque année après les vendanges, Stéphane Moreno épand puis enfouit 15 à 20 t/ha de compost pour nourrir et assouplir le sol. Depuis peu, il protège les vignes avec un pulvérisateur Carraro de 300 litres tiré par un quad. Cuve pleine, le tout pèse moins de 800 kg, soit 3,5 tonnes de moins que le Berthoud 1 000 l traîné qu’il tractait auparavant avec un interligne. « Je passe un peu plus de temps, concède Stéphane Moreno, mais je compacte peu le sol. » Au Prieuré Saint Jean de Bébian, la sous-soleuse Ferrand craint de moins en moins de se casser la dent !
Les experts s’accordent pour dire qu’il faut sous-soler 5 à 10 cm sous la semelle compactée, pas davantage. Cette dernière atteint rarement plus de 40 cm, ce que l’on peut confirmer en creusant une fosse pédologique. L’opérateur peut ainsi régler la profondeur de travail au plus juste avec le contrôle d’effort du tracteur ou à l’aide du rouleau si l’outil en est équipé. Les sous-soleuses à dent droite unique avec boulet drainant, utilisées par nos trois témoins, créent une ligne de rupture verticale nette dans le sol. Elles sont indiquées en cas de problème de circulation d’eau et pour décompacter les semelles étroites formées par des roues passant toujours au même endroit. Les lames courbées, de type Michel, bousculent les horizons sur une plus grande largeur du fait de leur forme et parce qu’il faut nécessairement monter au moins deux dents par sous-soleuse. Elles conviennent donc aux vignes plus larges. Courbées vers le milieu du rang, ces dents blessent aussi moins les racines des pieds.