Selon Laurent Panigaï du Civc (Conseil Interprofessionnel des vins de Champagne), les notions de « compaction » et de « portance » sont deux notions très différentes et souvent confondues. Il est nécessaire de bien comprendre la nuance pour mieux limiter les risques de tassement. Le problème de compaction provient d’une réduction du volume de sol qui correspond à une suppression du volume d’air contenu dans les interstices des agrégats, « tel un tracteur sur une éponge » explique Christophe Didier, responsable des relations techniques Vignoble au Centre Vinicole Nicolas Feuillatte. La densité apparente du sol augmente. Ce phénomène provoque des problèmes de circulation de l’eau, de l’air, réduit le volume de sol utile pour un bon développement du système racinaire, précise Laurent Panipaï.

Le phénomène de portance provoque la formation d'ornières, rendant la mécanisation diffiçile et provoquant des problèmes de ruissellement (© Centre vinicole Champagne Nicolas Feuillatte) La portance correspond à la déformation du sol, c’est à dire à la création d’ornière, sans forcément notion de tassement du sol en profondeur, « un peu comme un tracteur passant sur une motte de beurre » précise encore Christophe Didier. La portance provoque des ornières, rend la mécanisation difficile et canalise l’eau, et entraîne des coulées de boue lors d’intempéries.
Décompactage au printemps
Ces phénomènes dépendent des conditions de passage du tracteur. En sol gorgé d’eau, les interstices des agrégats sont remplies d’eau et donc la compaction est faible, mais la portance mauvaise. A l’inverse en sol humide, la compaction est forte et la portance bonne. Un sol sec sera également plus résistant et moins propice à la compaction.
La texture du sol est également un paramètre important : les sols sableux se compactent plus facilement en profondeur, à l’inverse des sols argileux qui posent plus de problèmes de portance de l’enjambeur. L’enherbement des rangs permet de limiter la portance et la compaction en profondeur car le système racinaire puissant de l’herbe créé une zone très dense en surface. L’apport de mulch d’écorce, s’il permet une bonne portance des sols peut par contre cacher des problèmes de compaction en profondeur. Avec le travail mécanique, le sol peut être ameubli en surface et compacté en profondeur, d’où un risque de coulée de boue.
Pascal Guilbault (Chambre d’Agriculture de Gironde) a également précisé que dès le premier passage du tracteur, la compaction du sol est déjà très élevée. « La vigne n’est pas la culture la plus sensible au compactage, aussi, l’utilisation de décompacteur ne doit pas être systématique » selon l’expert. Le décompactage doit donc être réalisé uniquement si le sol est véritablement compacté. La réalisation d’une petite « fosse pédologique » permet de repérer ces zones compactées pour définir la profondeur de travail et le type de décompacteur à privilégier. Pascal Guilbault préconise un décompactage sur un sol porteur, autrement dit non pas après les vendanges, mais au débourrement.
Le choix des pneumatiques est extrêmement important dans la mesure où « il est l’interface entre le tracteur et le sol », explique Alexis Gourdon, de Michelin Agricole. Pour limiter les contraintes statiques du pneu, il est nécessaire d’augmenter la surface de contact avec le sol.
Un pneu "radial" permet d'augmenter de 20% la surface de contact avec le sol comparé à un pneu "Diagonal" (© Journée Vignoble et Qualité, Centre vinicole Nicolas Feuillatte)
Un pneu radial (à l’opposé du pneu diagonal) permet déjà de gagner 20% de surface en contact par rapport au pneu diagonal, mais l’augmentation de la largeur du pneu et la diminution de la pression sont aussi d’autres éléments à prendre en compte.
Des essais comparatifs menés par le Civc entre deux enjambeurs de poids différents ont été conduits. Ils montrent que l’enjambeur le plus lourd d’une tonne, malgré son poids supérieur, exerce une pression au sol plus faible que le second, grâce à sa monte en pneumatique plus large et gonflée avec une pression réduite. « Le poids du tracteur influence donc dans une moindre mesure ; une tonne d’écart entre deux enjambeurs peut être compensée par une pneumatique adéquate », résume Christophe Didier. « Ainsi, mal chaussé, un gros porteur (l’équivalent d’une tonne d’eau dans la cuve), en période de traitement, tasse autant qu’un rouleau compresseur de travaux publics » ont souligné les experts. Les enjambeurs de faible poids équipés de pneus larges mais de petit diamètre ont tendance à patiner car l’adhérence est faible. On retrouve aussi ce même problème lors des reports de charge. Enfin, « L’utilisation de gros chenillards interlignes hydrostatiques, d’une puissance importante peut être une alternative intéressante » a indiqué François Sorg, vigneron alsacien, lors de cette journée.
Propos recueillis du résumé de la journée Vignoble et Qualité - Centre vinicole Nicolas Feuillate, du 3 avril 2007 à Epernay. Le thème était « Choix et incidences du tracteur-enjambeur ».