n matière de politique de santé, il y a autant de politique que de santé. Alerté par la filière vin lors du dernier salon de l’Agriculture sur la campagne « la bonne santé n’a rien à voir avec l’alcool » du nouvel an 2023, le président de la République, Emmanuel Macron, n’avait pas caché son irritation : « il n’a visiblement pas été consulté et n’a pas apprécié » rapportait en février Jérôme Despey, président du conseil spécialisé vin de FranceAgrimer. Lors de cette rencontre sur le stand du Comité National des Interprofessions de Vins (CNIV), Emmanuel Macron avait ainsi déclaré prôner la « modération plutôt que l’éradication » dans la consommation de vin. « Ça nous va bien ! » réagissait Samuel Montgermont, le président de Vin & Société, prônant une consommation modérée, et l'ayant fait savoir par une lettre à Emmanuel Macron ayant interpellé l'Élysée et permis de crever l'abcès.
Conséquence de cette prise de position présidentielle, trois campagnes prévues de la fin 2023 au début 2024 par l’agence nationale Santé Publique France ont été suspendues cet été. D’abord la communication "Ne laissez pas l’alcool vous mettre KO" dévoile France Inter ce jour, évoquant une campagne réalisée sur mesure pour la coupe du monde de rugby qui se déroule ces mois de septembre et octobre, avec « un “coach de supporters”, physique de costaud, devait rappeler aux spectateurs d’éviter “les abus d’alcool, disait le slogan resté dans les cartons ». Autre campagne débranchée selon FranceInter avant d’être opérationnelle en novembre, celle “quand on boit des coups, notre santé prend des coups” qui « elle montrait des personnes en train de boire un verre, avec sur l’autre partie de l’image les messages de prévention suivants : “boire de l’alcool multiplie les risques de troubles du rythme cardiaque” ou encore “boire de l’alcool multiplie les risques d’AVC hémorragiques” ». Dans son édition du 12 juillet dernier, le Canard Enchaîné évoquait également l’annulation de « la rédiffusion (télé, radio et réseaux sociaux) au début de 2024, du spot "la bonne santé n’a rien à voir avec l’alcool" ». Et rappelait le retrait gouvernemental de l’initiative du "Dry January", ou mois sans alcool, déjà suite à une opposition d’Emmanuel Macron en 2019.
S’il y a trois campagnes annulées, Santé Publique France va en déployer deux autres contre les excès auprès des jeunes : « "c’est la base" reprend les principes d’une précédente campagne diffusée en 2019, à savoir : "faire attention à ses amis s’ils boivent trop", "boire aussi de l’eau en soirée" et "ne pas oublier de manger" » rapporte FranceInter, qui fait réagir Myriam Savy, la directrice de la communication de l’association Addictions France : « les campagnes de prévention à destination des jeunes ou des femmes enceintes ne dérangent pas les alcooliers car elles sont ciblées » contrairement aux campagnes annulées qui « visent la population générale qui consomme de manière régulière de l’alcool. On leur dit ‘l’alcool comporte un risque pour la santé. C’est un facteur de risque de cancer’. Et ça, la filière alcool n’aime pas. »
Ce dont ne se cache pas Vin & Société dans son dernier rapport d’activité, où l’association confirme : « les politiques de santé publique doivent-elles traiter tous les citoyens de manière indifférenciée, alors même que leur état de santé et leurs comportements sont différents, ou bien doivent-elles prendre en compte ces différences pour arriver à élaborer une véritable politique de prévention constructive et efficace ? Nous espérons que poser la question soit également y répondre. »