es immatriculations ne mentent pas. En 2022, selon les données d'Axema, le syndicat des constructeurs, plus d’une machine à vendanger (MAV) automotrice neuve sur deux vendue en France est une New Holland Braud (NH). En effet, sur les 487 MAV immatriculées pour la première fois l'an dernier, 52 % sont des NH, 29 % des Pellenc et 18 % des Grégoire. Déjà en 2021, NH avait raflé 47 % de parts de marché.
Cette position dominante de New Holland s’explique d’abord par l’histoire de Braud, précurseur de la MAV. « Des vignerons ont toujours été Braud, raconte Christophe Auvergne, conseiller à la chambre d'agriculture de l’Hérault. Il y a un attachement et une fidélité à la marque, une part non rationnelle dans leur choix. »
Au fil du temps, Braud puis New Holland ont développé une large gamme d’automotrices. Mais ils ont aussi tissé un réseau de distribution très dense. Comme en Gironde. « New Holland a la plus grosse part de marché parce que sa force commerciale est très importante et cela depuis longtemps, analyse David Clerdan, conseiller à la chambre d’agriculture. Cela fait vingt ans que je vois ce réseau dense de concessions qui ne bouge pas. » À l'inverse, chez Grégoire, « il y a eu des changements de distributeurs à au moins deux reprises en peu de temps », dessine David Clerdan. « Nous sommes un peu soumis aux fusions-acquisitions chez les concessionnaires, admet Christophe Baron, responsable de la communication chez Grégoire. Mais nos concessionnaires arrivent à ouvrir de nouvelles bases. »
Atout supplémentaire de NH, « c’est un “full liner”, reconnaît Jacques Servoles, responsable MAV Pellenc. Chez ses concessionnaires, tous les tracteurs et MAV sont de la même couleur. Cette grande ligne de produits, c'est un gros argument pour les viticulteurs qui ont d'autres productions agricoles. » « Et le SAV de NH est le plus performant », ajoute David Clerdan.
La mécanique fait aussi vendre. « Presque tous les entrepreneurs du Bordelais sont NH parce que ces marchines répondent bien dans les parcelles en pente, explique David Clerdan. Elles passent partout. Elles ont un gros moteur, un gabarit imposant et un bon empattement. Les Pellenc ont un plus petit gabarit, qui a ses avantages, mais elles peinent davantage dans les pentes. » « Grégoire est jugé un peu lourd », avance Sylvain Sals, directeur de la FD Cuma de l'Hérault.
Côté NH, attention cependant à ne pas s’endormir sur ses lauriers. « Si la Noria plaît toujours, elle demande un lourd entretien, souligne Christophe Auvergne. C’est plus compliqué à nettoyer. Heureusement, NH a modernisé ses MAV avec un système de prénettoyage. Mais il y a aussi l’usure. Tous les cinq ou six ans, il faut dessouder les rails en concession et les changer. »
Cet expert ajoute que les concurrents de NH ne manquent pas d'atouts. « L’Optimum est apprécié pour sa capacité à effectuer des demi-tours dans des tournières étroites, rapporte-t-il. J’ai aussi de très bons retours au sujet des petites MAV Grégoire, comme les GL7.4, de vignerons qui ont environ 60 ha et veulent maîtriser leur vendange. »
L’égrenage peut aussi faire la différence. « 80 % des MAV Pellenc achetées ces trois dernières années dans le réseau Cuma Méd. sont équipées d'un égreneur, observe Sylvain Sals. Les Cuma qui ont des caves particulières comme adhérents achètent plutôt Pellenc et celles dont la majorité des adhérents est en cave coopérative préfèrent New Holland. Comme les coops ont des égrappoirs, elles n’ont pas besoin d’égreneurs embarqués. La polyvalence est un autre atout de Pellenc : ses prétailleuses et tailleuses sont réputées. »
À l'arrivée, la bataille se joue souvent sur le terrain financier. « Je sais que NH a fait un effort pour un viticulteur YouTubeur pour une question d’image », confie Christophe Auvergne. Grégoire aurait, lui, la réputation de faire des offres lorsqu’il veut à tout prix placer une machine. « Nous proposons depuis l’an dernier une offre de financement, décrit Christophe Baron, de chez Grégoire. Notre objectif est d’avoir un accord rapide de crédit puis de concrétiser avec une signature numérique. » Vendre une MAV, ça n'a (presque) pas de prix.
« L’essentiel des ventes pour la vendange 2023 s'est fait à la fin de 2022, décrit Jacques Servoles, chez Pellenc. À ce moment-là, la crise des rouges n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui. Aujourd'hui, les prix des vins s’effondrent. Par endroits, ils ne se vendent plus. J'ignore ce que ça donnera pour nos ventes futures. » « Les ventes ont tendance à se tasser », observe de son côté Christophe Baron, chez Grégoire. « En vigne étroite, le marché est là, assure Philippe Boisseau, responsable marketing NH. En revanche, en vigne large, la situation est compliquée. » « Les ventes chutent dans le Gard, les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse, observe Renaud Cavalier, conseiller à la chambre d'agriculture du Gard. New Holland comme Pellenc sont concernés. C’est lié à la mauvaise conjoncture économique. »