uand la MSA du Gard a proposé à Marie-Christine Niel de suivre une formation pour devenir l’une de ses sentinelles, elle n’a pas hésité. « Il y a une dizaine d’années, j’ai vu un viticulteur dans une situation très difficile, témoigne cette pépiniériste et viticultrice installée à Ribaute-les-Tavernes, dans le Gard. Avec son accord, j’ai fait intervenir le service social de la MSA. Son exploitation a été placée en cessation d’activité, ce qui a permis d’arrêter la dégringolade financière et morale de cet exploitant. »
Animée par deux psychologues, la formation dure une journée. Elle a pour but d’apprendre aux participants à déceler les agriculteurs ou les viticulteurs en situation de détresse puis de leur donner des pistes pour amener ces personnes à contacter la MSA en vue de se faire accompagner.
« Nous ne sommes pas qualifiés pour aider les personnes en difficulté. Nous sommes des relais. Nous devons leur faire comprendre qu’il n’y a aucune honte à aller mal, et les orienter vers les personnes qui vont les aider », résume Marie-Christine Niel.
Pour détecter ces situations dramatiques, cette pépiniériste est à l’affût de phrases comme « à quoi bon », « de toute façon ça ou autre chose », ou encore « il faut bien mourir un jour ». Ensuite, selon sa proximité avec la personne concernée, la consigne est de faire simplement état de l’existence du réseau Sentinelle ou d’aller plus loin.
Administratrice de la coop Les Claux des Tourettes, de Mutualia et de la MSA locale, Marie-Christine Niel estime que cette nouvelle charge ne lui prend pas de temps. « Ce n’est pas un mandat, c’est une attitude d’attention envers l’autre, souligne-t-elle. Le réseau Sentinelles est important car c’est un lieu d’échanges. On se rencontre deux fois par an. Si je vois quelqu’un du sud du département qui ne va pas bien, je peux en informer une Sentinelle proche de chez lui. »
Jérôme Fréville, viticulteur à Blaignan-Prignac, en Gironde, est une autre Sentinelle de la MSA. Avant que ce réseau n’existe, il informait déjà cet organisme des situations de mal-être qu’il percevait chez des collègues. Membre du bureau de la MSA de Gironde, de la chambre d’agriculture de Gironde et de l’ODG Médoc et Haut-Médoc, il est amené à voir de nombreux viticulteurs. Lorsqu’il rencontre un confrère qui lui paraît en difficulté, il l’aborde par une phrase du style « tu as l’air fatigué ».
« On se rend vite compte si la personne se ferme ou non, précise-t-il. Si elle se ferme, il ne faut pas lâcher l’affaire. Je reste bien sûr discret sur toutes les situations que je rencontre. Dans le Bordelais, les situations de mal-être sont malheureusement nombreuses. »
Sentinelles depuis peu, ni Marie-Christine Niel ni Jérôme Fréville n’ont eu l’opportunité, depuis qu’ils ont ce titre, d’orienter un collègue vers les services sociaux de la MSA. « Mais mon attitude a changé, assure Marie-Christine Niel. Je suis davantage à l’écoute des autres. Je prends le temps d’avoir de vrais échanges. » La MSA aimerait agrandir son réseau pour couvrir tout le territoire. Avis aux amateurs !
À ce jour, la MSA dénombre 2 854 Sentinelles bénévoles chargés de détecter les situations de mal-être dans le monde agricole. Une Sentinelle doit suivre une formation de sept heures, construite par le Groupement d’études et de prévention du suicide. Chaque MSA anime ensuite son réseau à sa manière. Certaines organisent des retours d’expériences, d’autres envoient des newsletters. Le rôle d’une Sentinelle est de repérer les agriculteurs en difficulté et d’orienter. L’évaluation du risque suicidaire et l’accompagnement ne font pas partie de leur champ de compétences.