orsqu’en 2017, Pauline Ardois, conseillère viticole à la chambre d’agriculture du Pays de la Loire, est missionnée pour analyser la qualité de l’eau sur le bassin-versant nantais, la concentration en matières actives phytosanitaires avoisinait les 7 µg/l (microgrammes par litre), toutes substances confondues. Cinq ans après, les derniers prélèvements révèlent une concentration de 2,5 µg/l.
« En 2017, ce sont surtout les résidus d’herbicides qui posaient problème, précise Pauline Ardois. Si on prend l’exemple du Flazasulfuron, en 2017, sa concentration dans les eaux était de 0,25 µg/l. Cinq ans après, elle avoisine les 0,0053 µg/l, soit une diminution de près de 98 %. Quant au diméthomorphe, il a disparu. »
Sur le bassin-versant de la Saône, réceptacle de la Bourgogne et du Beaujolais, l’amélioration de la qualité de l’eau est moins spectaculaire. Olivier Fontaine, chef de projet à l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, l’explique : « Au niveau du pont de l’île Barbe sur la Saône, on détecte 40 à 50 substances différentes. L’Ampa – le produit de dégradation du glyphosate – est encore présent dans 80 % des analyses, même si sa concentration est passée de 1,1 µg/l en 2003 à 0,54 µg/l en 2021. »
Comme sur le bassin-versant nantais, le diméthomorphe et le flazasulfuron reculent. Selon Olivier Fontaine, les eaux de la Saône ne renfermaient plus que 0,005 µg/l de flazasulfuron en 2022 contre 0,02 µg/l en 2019, soit quatre fois moins.
En Champagne, Anne-Louise Guilmain, cheffe du service politiques régionales à l’agence de l’eau Seine-Normandie, affirme qu’il est compliqué de conclure à une amélioration de la qualité des eaux du bassin-versant de la Marne. « Certaines molécules persistent pendant dix, vingt ou trente ans après l’arrêt de leur utilisation, souligne-t-elle. Si bien qu’on retrouve encore un métabolite de l’atrazine dans les eaux souterraines, alors que ce désherbant est interdit depuis 2003. Et aujourd’hui, on doit suivre de nouvelles molécules, comme le diflufénicanil [herbicide grande culture, NDLR], dont la présence est l’une des principales causes de dégradation de la qualité des cours d’eau. »
Dans le vignoble nantais, l’amélioration de la qualité de l’eau s’explique par la baisse de l’usage des herbicides et par le reverdissement des vignes. « Les haies plantées aux abords des parcelles freinent la dérive des produits phyto, souligne Pauline Ardois. Comme les bandes enherbées, elles ralentissent le ruissellement des eaux de pluie et aident leur infiltration dans le sol avant qu’elles ne se jettent dans les cours d’eau. Les couverts végétaux favorisent aussi le développement de bactéries et de champignons qui épurent les sols. »
Alexandra Bonomelli, chargée du suivi de la qualité de l’eau au Comité Champagne, confirme : « Même si les IFT herbicides ont été réduits de 80 % entre 2006 et 2022, il est indispensable de réduire les transferts de produits phytosanitaires vers le milieu naturel pour continuer à améliorer la qualité des eaux. Cela signifie un enherbement des fourrières et des parcelles, mais aussi une gestion des effluents de pulvérisation. »
Dans le Midi, Hélène Pringault, coordinatrice agricole de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, souligne que des progrès restent à faire. « Dans l’Aude, sur les zones des captages du Canet et d’Ouveillan, les contaminations aux herbicides ne baissent pas assez pour retrouver une eau de qualité. Depuis un an, les viticulteurs des caves coopératives voisines travaillent au changement de leur pratique : enherbement et zéro herbicide sous le rang. » Un plan d’action a été mis en place pour une durée de cinq ans. Hélène Pringault espère bien que, d’ici 2027, la qualité de l’eau des captages sera restaurée.
Depuis fin 2021, le captage du Fenouillet, situé sur la commune de Vacquières, dans L’Hérault, est sorti de la liste des captages dont le redressement est prioritaire. Son aire d’alimentation couvre 670 ha dont 120 de vigne, le reste étant des garrigues et des prairies. À la fin des années 1990, les analyses révèlent la présence de triazines. « S’en suivent quatre plans d’action pour réduire les herbicides et favoriser le désherbage mécanique, explique Hélène Pringault, de l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse. Le dernier date de 2016 et a abouti à un retour à la normale de la qualité de l’eau en 2021. Entre ces deux dates, la concentration en pesticides est passée de 0,143 µg/l à 0,046 µg/l. »