ésherber les rangs de vigne en 100 % mécanique ? Pas si simple. Face au coût et aux difficultés d’une telle stratégie, des domaines réintègrent dans leur stratégie des herbicides de prélevée. « Les restrictions liées au glyphosate ont incité de nombreux vignerons à se tourner vers le travail du sol, rapporte Thierry Favier, expert technique vigne du groupe CAPL, dans les Côtes du Rhône. Mais aujourd’hui, certains reviennent à une solution mixte. Entre le prix du GNR qui s’envole, le travail du sol qui est chronophage, la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et les cours du côtes-du-rhône vrac qui s’écroulent, des vignerons n’ont pas d’autre solution. »
Dans le Gard, Blandine Broquedis, responsable du pôle agronomique de Vernazobres Frères, observe la même tendance. « Surtout dans les grosses structures, précise-t-elle. Le travail du sol est chronophage. Les vignerons reviennent à une solution mixte, en positionnant un herbicide racinaire en sortie d’hiver puis en poursuivant par l’entretien mécanique des sols. »
Sébastien Rieublanc, responsable technique R&D chez CIC-Nau, en Nouvelle-Aquitaine note « pour les parcelles à forte problématique graminées, un retour au désherbage d’automne, à base de Kerb Flo (propyzamide) associé éventuellement à une dose de Shark (carfentrazone). Le vigneron peut alors garder sa dose de glyphosate pour entretenir le rang au printemps. »
Dans les vignes dont la flore est composée surtout de dicotylédones, Sébastien Rieublanc observe qu’en sortie d’hiver les vignerons appliquent aussi du glyphosate, mais ils l’associent à un herbicide résiduaire, type Pledge ou Katana, à dose modulée. Ils contrôlent ensuite les adventices avec des disques émotteurs ou des lames, voire avec un passage de carfentrazone ou de pyraflufen pour ceux qui pratiquent l’épamprage chimique.
« Les viticulteurs qui valorisent peu leurs vins vivent les restrictions d’emploi des herbicides comme une contrainte qui pénalise leur rentabilité, confie l’expert viticole. Ils n’ont pas d’autre choix que de conserver des herbicides ».
Camille Huet, responsable marketing chez Philagro confirme le retour des résiduaires, en particulier de Pledge, son herbicide. « En valeur absolue, le nombre d’hectares couverts avec des herbicides de prélevée est stable, mais leur part de marché augmente au détriment du glyphosate. Les herbicides de prélevés représentaient 43 % des désherbants chimiques en 2022 contre 37 % en 2021. L’utilisation de Pledge est en nette augmentation. On est passé de 100 000 ha en 2021 à 130 000 ha en 2022. À cela deux raisons : les restrictions d’application du glyphosate, et la nouvelle classification toxicologique du produit plus favorable à son utilisation par les vignerons. » Ce regain s’observe surtout dans le Sud Est et le sud-ouest de la France selon elle.
Nicolas Fillot, responsable technique pour la société Certis-Belchim qui commercialise le Katana, fait le même constat. « Entre difficultés économiques, prix du GNR et manque de main-d’œuvre, on constate un redéploiement des herbicides de prélevés, bien souvent en combinaison avec le travail du sol ».
À la mi-mars, un autre paramètre inquiète Blandine Broquedis : le manque d’eau dans sa région. « Le vignoble est déjà en situation de stress hydrique. Avec le manque de pluie, on ne peut pas appliquer les herbicides de prélevée. Même si nous avons jusqu’au débourrement pour le faire, la situation est compliquée ». Pour Thierry Favier, « 2023 est une année charnière. Il faudra attendre fin juin pour faire le point sur les nouvelles stratégies de désherbage. »