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Ces vignerons ne lésinent pas sur les moyens pour lutter contre le gel
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Aléas climatiques
Ces vignerons ne lésinent pas sur les moyens pour lutter contre le gel

En lutte passive comme en lutte active, les dernières expériences convergent vers un effort maximal dans les moyens d’action déployés. Et peu importe le prix à payer.
Par Vincent Gobert Le 13 mars 2023
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Ces vignerons ne lésinent pas sur les moyens pour lutter contre le gel
Protection des vignes contre le gel par aspersion chez Thomas Rospars, à Montagne Saint-Emilion (33). - crédit photo : © T. Rospars
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lus de doute. Pour lutter contre le gel, il faut avoir la main lourde. C’est ce qui ressort de l’expérience vécue par les viticulteurs de Gironde et du Val de Loire lors des gels de 2021 et 2022. Leurs constats et résultats ont fait l’objet des "Rencontres techniques gel", organisées le 23 février par la chambre d’agriculture de la Gironde au lycée agricole de Bommes (33). En lutte passive comme en lutte active, il faut déployer un maximum d’efforts pour sauver ses bourgeons.

 

Attention aux friches

En termes de lutte passive, l’observation peut payer. Le Château Puyfromage en atteste. « Nous avons travaillé avec Jean-François Berthoumieu, climatologue, sur une zone de 32 ha d’un seul tenant sur les 54 ha du château, décrit Yohann Baudin, le responsable technique. Nous avons caractérisé trois secteurs plus ou moins sensibles au gel. L’un des plus exposés, situé 25 m plus bas que le château, jouxte une forêt de peupliers à l’abandon de 5 ha qui nous appartient. En 2020, à force de brûler de la paille dans ce secteur – ce qui fut par ailleurs inefficace contre le gel –, nous avons remarqué que cette forêt était une réserve de froid. Et qu’elle empêchait la circulation de l’air. L’hiver 2021-2022, nous avons fait une coupe, défriché et replanté. Nous avons tout de suite remarqué une meilleure circulation de l’air. Puis nous avons installé trois tours antigel fixes sur ce secteur, début 2022. Lors du gel d’avril, elles ont réchauffé l’air de 1,5 °C. »

En fait, le Château Puyfromage, qui fait partie du GIEE « Adaptation au changement climatique », n’a pas entièrement rasé son bosquet. « Nous avons maintenu des groupes d’arbres pour former des îlots de biodiversité. On a observé qu’ils n’empêchent pas la circulation de l’air. » Ces travaux ont coûté cher. « Nous les finançons en partie par la vente de bois », précise Yohann Baudin.

Et, comme si ça ne suffisait pas, ce vigneron a introduit de la taille tardive mi-mars 2022, sur un secteur sans tour, moins gélif, mais quand même à risque. Toute méthode est bonne à prendre.

 

Travailler le sol se retarde ou s’anticipe

Pour le travail du sol sur le rang, il faut absolument viser la bonne fenêtre de tir. Guillaume Delanoue, ingénieur à l’IFV d’Amboise (37), est venu l’expliquer. « On a remarqué que, durant trois jours après une intervention, l’humidité relative de l’air au niveau des bourgeons est 30 % plus élevée qu’avant le travail, a-t-il partagé. Or le risque d’augmentation des dégâts est très élevé dans ces conditions. Et surtout selon que le sol est drainant ou non, le cumul de pluies et la température du sol, il faut en moyenne une semaine pour retrouver un équilibre hygrométrique. S’il pleut après un travail du sol c’est pire, il faudra vingt jours ! » Moralité : « Une semaine avant un risque de gel de printemps, on range le tracteur. » C’est l’abstinence !

 

La taille tardive fait des grappes

Viticulteur à Lussac (33), également membre du GIEE « Adaptation au changement climatique », Olivier Chaignaud a observé le bénéfice de la taille tardive dans son parcellaire très morcelé. « Après le gel d’avril 2021, j’ai mis en place un protocole de comptage de mes grappes, explique-t-il. Sur des parcelles bien gélives taillées traditionnellement en janvier je n’ai eu que 4,45 grappes alors que j’en ai eu 7,48 dans les parcelles tout aussi sensibles mais taillées fin mars. J’ai même eu 7,68 grappes sur une troisième modalité : taille de janvier + nettoyage de lattes en avril. »
En 2022, après un gel plus précoce alors que les vignes étaient moins avancées, les différences sont moins marquées. « J’ai compté 8,05 grappes avec la taille aux dates traditionnelles, 10,3 grappes en taille tardive et 9,7 dans la troisième modalité. J’ai testé une quatrième voie avec une taille tardive et un nettoyage des lattes en avril, j’ai alors compté 10,2 grappes. » Conclusion : « C’est vraiment bénéfique de retarder la taille, note-t-il. Cette année, je vais peser les sarments en plus, pour voir si la taille tardive impacte la vigueur. »

 

Les tours antigel fonctionnent, mais à certaines conditions

Fort du suivi de 350 tours en Cuma, Anthony Chambrin, animateur de la FRCuma Centre-Val de Loire, avertit : « L’efficacité des tours est différente selon que l’on a affaire à des gels radiatifs ou à des gels advectifs. Dans le premier cas, les résultats obtenus en 2021 dans le cadre du projet Sictag montrent qu’une tour classique protège en moyenne 5 ha, contre 3 ha dans le second cas, qui plus est en chauffant. »

En outre, le projet Sictag a permis d’entamer un travail de vérification inédit. La mesure des rafales de vent produites par une tour Orchard Rite à 2 pales, à 9 m de hauteur et qui tourne sur elle-même en quatre minutes. « On se rend compte que cette tour émet deux rafales importantes par cycle, explique Anthony Chambrin. Ce sont des vents à 72 km/h et de 450 m3/seconde. Ce qui est très différent des données constructeurs qui donnent 200 km/h et 600 m3/seconde. On monte donc un protocole pour confirmer nos mesures ».

 

Points chauds versus chaudière

« En dehors de ces rafales, les valeurs sont très différentes, détaille Anthony Chambrin. On a relevé 20 km/h à 30 m de la tour. Puis 40 km/h à 40 m et enfin 20 km/h à 80 m de la tour. Conclusion : il faut installer des points chauds à moins de 30 m des tours et plus loin, quand la vitesse de l’air chute à nouveau. Car, à ces endroits, il y a moins d’air qui arrive. Si l’on place une chaudière au pied des tours, par exemple une Thermoboost de RN7, on gagne de 1,5 à 2 °C avec des pics de 3 degrés toutes les 4 minutes. Cela fonctionne. Mais le rendement n’est pas folichon : on ne récupère que 25 % de la chaleur produite. On remarque aussi que si l’on arrête le chauffage, en 10 minutes la température redescend. »

Anthony Chambrin a fait d’autres mesures. « On a aussi vérifié qu’une tour fixe à 2 pâles fait bien prendre des degrés, qu’il y a une inversion thermique en cas de gel radiatif, pointe-t-il. Car il y a beaucoup de littérature, mais absolument aucun protocole de mesure ! Résultat : quand la tour est en route, on gagne de 1 à 1,5 °C au niveau des bourgeons. Ça peut même atteindre 2 °C toutes les 4 minutes, soit la durée de rotation de la tête. »

Enfin, Anthony Chambrin rappelle la base. « Une étude météo est plus que nécessaire pour décider de l’emplacement de tours antigel ! Grâce à cela, la Cuma des vignobles à Quincy a placé des tours dans les endroits les plus froids pour qu’elles soient efficaces. » Puis, une stratégie plus fine s’impose. « Dès 2016, pour le remplacement des vieilles tours et l’extension de notre réseau, nous nous sommes inspirés des maillages réalisés en Nouvelle-Zélande pour couvrir au mieux les secteurs gélifs, précise Luc Tabordet, le président de cette Cuma. Cette stratégie d’installation continue chaque année. Il y a maintenant 70 tours à Quincy ! »

 

Aspersion

Quant à l’aspersion, elle suppose aussi de sortir les grands moyens pour porter ses fruits. Thomas Rospars, vigneron sur 25 ha en cogestion familiale à Montagne Saint-Émilion, en a témoigné. « Notre aspersion consomme 40 m3/ha/h. Comme on protège 10 ha, on consomme 400 m3/h. À raison de 12 heures par nuit et deux à trois nuits d’affilée, en général, les années de gel, il faut de grosses réserves. Heureusement, nous avons la chance de disposer d’étangs. Et nous avons deux pompes de sécurité en cas de panne car une fois l’aspersion démarrée, il ne faut surtout pas l’arrêter. C’est un système très lourd qui a nécessité de gros travaux. Quant au prix de l’installation, il faut compter dans les 10 000 €/ha. Mais, en 2021, on a pu sauver les vignes de gels de - 4 °C. D’après mes calculs, si je gagne 30 hl/ha sur une période de dix ans le système est payé. De toute façon, je me dois de satisfaire mes marchés, de garantir ma production. » Dans la salle, des voix acquiescent. « Quand on veut sauver sa récolte, on paie le système de lutte. Dans ce cas-là, peu importe le montant de l’investissement. »

La tonte sur la sellette

La tonte est au menu des expérimentations de l’IFV en 2023. « On suppose qu’une tonte tardive, par exemple trois jours avant un gel, aggravera les dégâts de gel par rapport à un témoin non tondu. C’est sûrement quelque chose qu’il faudra aussi arrêter », a déclaré Guillaume Delanoue, lors sa présentation. En cause, le dégagement de l’humidité par l’herbe coupée, ce que l’IFV se chargera de vérifier. Affaire à suivre.

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