l a failli tout lâcher. Abandonner son projet de construire un nouveau bâtiment de stockage des bouteilles et du matériel agricole de 540 m2, couvert de panneaux photovoltaïques. « On a lancé notre projet fin 2021, explique Julien Ilbert, propriétaire du Château Combel-la-Serre, 23 ha en AOC Cahors, à Saint-Vincent-Rive-d'Olt, dans le Lot. Puis la guerre en Ukraine s’est déclarée. Dès janvier 2022, les prix des matériaux de construction ont pris une terrible hausse. Or on n’avait pas encore l’accord de la banque, ni d’Enedis. Le permis de construire était en cours d’instruction. On se sentait dans une impasse. » Sauf que le manque de place lui impose de persévérer. Finalement, il obtient le permis de construire en juin 2022.
L’investissement se monte à 180 000 €, dont la moitié pour les panneaux photovoltaïques qui vont entrer en fonctionnement dans quelques semaines. Orientés plein sud, ils produiront 100 kWh.
Julien et Sophie Ilbert (crédit photo DR)
Julien Ilbert a passé un contrat avec Enedis, qui va lui acheter toute son électricité à un prix fixe pendant vingt ans. L’investissement, lui, est prévu pour être remboursé au bout de dix-sept ans.
Non loin, à Lacapelle-Cabanac, toujours dans le Lot, Benoît Aymard, propriétaire du Clos d’Audhuy, 15 ha pour une production de 70 000 cols, aurait lui aussi pu stopper net son projet. En 2020, il décide d’octroyer à son chai une extension de 200 m2 destinée au stockage de bouteilles et de matières sèches. Pour alléger le coût de ce bâtiment, mais aussi parce que c'est sa philosophie, le vigneron entend l’équiper de panneaux photovoltaïques. En janvier 2022, il demande à Enedis un devis concernant le coût de raccordement. « Il a fallu cinq mois pour l’obtenir », rouspète-t-il. En mai, le prix tombe : 6900 €. Le vigneron tousse. « Si cela avait été plus cher, on aurait tout arrêté », indique-t-il.
Malgré ce tarif, il poursuit son projet, pour un investissement global de 170 000 € dont 26 000 € de panneaux photovoltaïques et 6900 € de raccordement. Les panneaux, de 36 kWh, sont installés sur 200 m2 depuis novembre 2022. Enedis s’est engagé à acheter l’électricité au tarif de 0,1064 €/kWh pendant vingt ans, ce qui rapportera à l’exploitation 4500 € par an.
Benoît Aymard estime que l’affaire est rentable. « Mais les investissements sont lourds, prévient-il. Il faut être prêt à prendre le risque. Il faut aussi être patient – nous attendons toujours le raccordement –, se confronter à l’administration... Ce n’est pas de tout repos. »
A Vauvert, dans le Gard, la hausse des coûts ne freine pas Rémy Dupret. A la tête du Mas du Vistre, 75 ha en AOC Costières de Nîmes, il se dit prêt à installer 200 à 300 m2 de panneaux sur un bâtiment de stockage. Un investissement de 200 à 250 000 €, pour une électricité qui sera autoconsommée. « Même aujourd’hui, les panneaux photovoltaïques restent rentables, assure-t-il. Avec l’augmentation très forte des prix de l’électricité, et face à cette incertitude sur l’avenir, nous devons aller vers l’autonomie énergétique, même partielle. »
Un tel investissement ne serait pas une première pour ce viticulteur. En 2010, il s’est doté de 630 m2 de panneaux sur trois bâtiments : habitation, stockage des vins et chai. Les raisons ? « La revente d’électricité me rapporte en moyenne 60 000 € par an, indique-t-il. Cela constitue mon assurance contre les accidents climatiques. »
A l’époque, il a investi 530 000 € dans les panneaux, leur installation, leur raccordement au réseau électrique… dont la moitié pris en charges par des subventions de la part de la Région et de l’Europe. « Les prix des panneaux étaient élevés mais les aides de la Région et de l’Europe ont couvert la moitié de l’investissement, précise-t-il. Ces institutions poussaient à l’équipement en panneaux photovoltaïques. On était au début de leur implantation. »
Avec le recul, Rémy Dupret conseille de se montrer très attentif au choix de l’entreprise pour la pose et la maintenance des panneaux. « Il prendre une entreprise sérieuse, qui a pignon sur rue, et ne pas se fier uniquement aux prix de panneaux qui pourraient être très attractifs. » Histoire que la fée électricité ne s’avère pas être cauchemar.