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Vers une distance de sécurité de 10 m pour tous les produits y compris les bios et les biocontrôles
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Protection des riverains
Vers une distance de sécurité de 10 m pour tous les produits y compris les bios et les biocontrôles

L’apparition, dans les AMM de produits bio et de biocontrôle, de distances de sécurité censées protéger les personnes présentes et les résidents suscite l’incompréhension. Ce n’est pourtant que le début. A terme, tous les produits se verront affecter une DSPRR de 10 m.
Par Christelle Stef Le 27 février 2023
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 Vers une distance de sécurité de 10 m pour tous les produits y compris les bios et les biocontrôles
Cyclistes sur un chemin au milieu des vignes, en Alsace. - crédit photo : Claudius Thiriet
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0 m incompressibles. Telle est la distance de sécurité que doivent désormais respecter les vignerons entre le dernier rang traité et l’espace fréquenté par les personnes présentes et l’espace susceptible d’être fréquenté par les résidents (DSPPR), s’ils traitent au Vitisan, un produit de biocontrôle à base d’hydrogénocarbonate de potassium. Cette nouvelle contrainte est entrée en vigueur en février 2022. Avant cette date, Vitisan était autorisé sans distance de sécurité. Mais Andermatt, la société qui le commercialise, avait demandé une extension d’usage de son produit – initialement autorisé uniquement contre l'oïdium – sur le botrytis. C'est à cette occasion que l'Anses lui a attribué une DSPPR de 10 m, alors même que ce produit est sans classement toxicologique. Une décision totalement inattendue pour la firme.

« Pour toutes les cultures pour lesquelles nous avons demandé des extensions d’usage, Vitisan se retrouve désormais avec une DSPPR, déplore Andermatt. En revanche, dans le cas des cultures pour lesquelles nous n’avons pas demandé de nouveaux usages, comme la pomme, par exemple, notre produit reste sans restriction. Vitisan est un produit bio, il est inscrit dans la liste des produits de biocontrôle et sa matière active n'engendre pas de résidus. Nous ne comprenons pas cette décision. »

Plusieurs produits concernés

Vitisan est l’un des premiers produits de biocontrôle à supporter cette nouvelle disposition. Mais il n’est pas le seul. Des soufres se retrouvent avec la même distance de sécurité. C’est le cas des produits Lucifere/Startup, de Phyteurop, et Afesul liquide 800 super micronisé, d'Afepasa. Des phosphonates, également: Tenrok, d’Adama ; Mikonos Evo, de Phyteurop ; Savial Forte, d’UPL. Ainsi que des produits à base d’huile essentielle d’orange douce comme Sinala, d'UPL, ou Prev-Am Ultra/Orocide, d'Ascenza. Des mesures embarrassantes pour toutes ces entreprises.

Faut-il s’attendre à une généralisation des DSPPR sur tous les produits, y compris ceux bio et de biocontrôle ? Oui, répond l'Anses sans détour. « Conformément à la réglementation européenne en vigueur, la fixation d’une distance de sécurité vis-à-vis des personnes présentes et des résidents concerne tous les produits phytopharmaceutiques, indique l'agence, de biocontrôle ou non. L’exemption relative aux produits de biocontrôle concerne uniquement (...) les produits qui n’ont pas encore de distance fixée par l’AMM [lire l'encadré]. ».

Aussi incompréhensible qu'imcompressible

Cette DSPPR remplace la DSR (distance de sécurité riverain). En viticulture – considérée comme une culture haute –, elle est au minimum de 10 m. Et contrairement à la distance de sécurité riverain, il n’est pas possible de la diminuer, encore moins d'y déroger, même en utilisant un pulvérisateur homologué pour réduire la dérive. Au contraire, l’Anses peut même fixer une condition supplémentaire à l'emploi d'un produit, en imposant qu'il soit appliqué avec un matériel réduisant la dérive d’au moins 50 %.

En plus d'être incompressible, cette nouvelle distance de sécurité vise la protection des riverains, des personnnes vulnérables et des travailleurs. Elle s'applique donc aux habitations, aux écoles, hôpitaux et autres Ehpad, ainsi qu'aux usines, ateliers, commerces... Dans tous ces cas, c'est la distance entre le dernier rang traité et la limite de propriété qu'il faut prendre en considération, de manière à protéger les personnes se trouvant à l'extérieur des bâtiments (jardin, cours de récréation...). La DSPPR s'applique également aux "espaces adjacents à la zone traitée, susceptibles d'être fréquentés fortuitement par des personnes pendant ou après le traitement " selon l'Anses. En toute logique, on peut donc supposer que les sentiers et chemins qui bordent les vignes doivent eux aussi bénéficier de cette distance de sécurité.

Un enjeu majeur pour la filière

A l’avenir, il faut s’attendre à ce que tous les cuivres, tous les soufres, et autres produits à base d'huile d’huile essentielle d’orange douce… soient assortis d'une DSPPR de 10 m. Cette distance apparaîtra au gré des homologations, réhomologations ou extensions d’usage que demanderont les firmes. Les produits qui, pour le moment, n’ont pas de DSPPR sont donc simplement en sursis… Mais ils n’y couperont pas.

Seules les substances de base non soumises à AMM et certains produits à faible risque resteront exempts de DSPPR. Dans la première catégorie figurent par exemple les infusions d'écorces d'osier, les décoctions ou extraits de prêle, etc. Dans la deuxième, les phéromones, ou encore l'ABE-IT 56, un mélange de molécules d'origine levurienne.

« Dans les cinq à dix ans qui viennent, on va avoir des DSPPR sur l’ensemble des produits phytos, y compris pour les produits bio ou de biocontrôle. On s’oriente vers une impasse technique sur une surface importante du vignoble, qui ne pourra plus être traitée. On ne pourra plus avoir de vigne à moins de 10 m des habitations. C’est un enjeu important pour la filière », insiste Éric Chantelot, de l’IFV.

En Val de Loire, par exemple, avec une DSPPR de 10 m pour tous les produits, ce sont 5 à 15 % des parcelles qui seraient concernées, selon une cartographie réalisée pour InterLoire par Guillaume Delanoue, ingénieur en viticulture à l’IFV. En Saône-et-Loire, ce sont 800 ha de vignes qui ne pourraient plus être traitées… Cette nouvelle réglementation ne semble laisser que deux alternatives aux vignerons : mettre en place des bandes tampons, ou bien planter des cépages résistants partout où ils devront respecter des distances de sécurité.

 

Des exemptions transitoires

Le message a été mal compris. Pour beaucoup, l'arrêté du 27 décembre 2019 pris par le ministère de l'Agriculture établissait une régle définitive ; il n'en est rien. Par principe, ce texte exempte de distance de sécurité pour les personnes présentes et les résidents (DSPPR) les produits de biocontrôle et les produits à faible risque, en raison de leur dangerosité très limitée. En fait, cette exemption n'est que temporaire : elle n'est valable qu'aussi longtemps que l'AMM d'un produit n'inclut pas de distance de sécurité. Cet arrêté avait été pris afin de poser un cadre, en attendant que l’Anses réévalue chacun de ces produits. Ce que l'agence fait peu à peu, en attribuant une DSPPR à quasiment tous les biocontrôles.

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Tous les commentaires (4)
Steph Le 03 mars 2023 à 22:13:28
Du coup on pourrait proposer une amende a toutes les personnes se baladant dans le vignoble! Pour leurs sécurités bien-sûr!
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doudou Le 03 mars 2023 à 19:11:18
Nombre de sentiers et chemins empruntés sont privés on ferme tout et le problème pour ces parcelles là est résolu pour le reste dur dur
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Obs Le 28 février 2023 à 19:00:04
Une betise de plus... les cyclistes sont toujours à 10 m des vignes et les promeneurs aussi...Il y a tellement plus grave en France.
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Benji Le 27 février 2023 à 18:53:16
On peut remercier la force des lobbys écolos qui ont réussi à décrédibiliser les productions françaises alors qu?aucune vraie preuve scientifique prouvé n?existe ! Et tout les viticulteurs qui ont évolués positivement vers les produits de biocontrole ou non cmr sont les premiers à être les dindons de la farce! J?aimerais savoir combien de pays européens suivent les logiques destructrices de ces militants ?
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