Élu du 17 février 1906 au 17 février 1913 à la présidence de la troisième république, Armand Fallières aura laissé à la postérité un bon mot (adressé à son successeur, Raymond Poincaré : « la place n’est pas mauvaise, mais il n’y a pas d’avancement. ») et un poème vigneron (selon la tradition, voir encadré). Il faut dire que ce natif de Mézin (Lot-et-Garonne) était vigneron et ne comptait pas cesser son activité malgré ses charges nationales. « Toute la France entend alors parler de son clos du Loupillon : quand vient la saison des vendanges, le président quitte l’Élysée pour cueillir ses grappes » rapporte Bruno Fuligni, dans La Folle Histoire : les Gourmands Mémorables (éditions Prisma, 2015) et deuxième numéro de la revue 12°5 (publié en 2017), ajoutant que « le coup de génie d’Armand de Fallières sera de ne pas vouloir changer ses habitudes : présidence de la République ou pas. Sans conseillers en communication ni agences ruineuses de fabricants d’image, le Président Fallières forge sa légende en étant lui-même. »
Si son septennat est marqué en 1907 par la signature en août de la triple entente entre la France, la Grande-Bretagne et la Russie, cette année marque pour le vignoble une crise particulièrement douloureuse. Dans le Midi, la gestion gouvernementale des révoltes de 1907 laisse un souvenir violent : Armand de Fallières laisse le champ à Georges Clémenceau, chef du gouvernement et ministre de l’Intérieur, pour mater la situation insurrectionnelle qui gonfle dans le Languedoc, face à la surproduction. Si le « premier flic de France » est critiqué pour sa gestion violente des manifestations, le président vigneron est également pris à partie pour sa passivité calculée. Il est ainsi tourné en dérision sur une carte postale le caricaturant en tonneau : « ne venez pas me dire que l’on fraude les vins du Loupillon ! » À l’époque, d’autres caricatures le montrent en Bacchus et déclinaisons alcooliques, transformant le clos Loupillon en Roupillon.
N'ayant pas réussi à abolir la peine de mort (mais ayant usé de la grâce présidentielle), Armand de Fallières n’a pas réussi à faire infléchir la délimitation de la production des vins de Bordeaux. Souhaitant que le Lot-et-Garonne y soit inclus, il a dû se faire à une restriction au seul département de Gironde en 1911.
Se retirant de la vie politique après 1913, le président-vigneron aura eu une longue carrière politique : maire, conseiller général et député de Nérac, également sénateur et président du Sénat, successivement ministre de l'Intérieur et des Cultes, des Affaires étrangères, de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, de l'Intérieur, de la Justice… Il disparaît le 22 juin 1931 à Mézin.
« Le feuillage le plus joyeux
À la plus merveilleuse ligne,
Au contour le plus gracieux,
C’est celui qui pousse à la Vigne.
La fleur, la plus divine fleur,
Teinte exquise, parfum insigne,
Délicate et chaste couleur,
C’est celle qui naît de la Vigne.
Le breuvage le plus vermeil,
Le plus cordial, le plus digne,
Est celui que le gai soleil
Nous prépare au fruit de la Vigne.
Et le feu le plus pétillant
S’allume quand on se résigne
À détruire le pauvre plant,
Le plant généreux de la Vigne. »