’est un dossier de plus, et des plus importants, bien visible sur le bureau des viticulteurs : la hausse des coûts de production. Même en Bourgogne, où ce n'était pas un sujet majeur jusqu'ici, il arrive en haut de la pile. Avec une nouvelle approche.
« Chez nous, les coûts de production sont très élevés, autour de 15 000 à 16 000 €/ha, principalement en raison de la grande densité de plantation. Là où nous avons surtout à gagner, c’est sur la main-d'œuvre. Elle représente la moitié des coûts », énonce Benjamin Alban, chef de service vigne et vin à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire.
Pour réduire le recours à la main-d’œuvre, le Vitilab, un service de la chambre, teste la robotisation. « En vigne étroite, les robots coûtent moins cher qu’un enjambeur classique couplé au salaire élevé d’un tractoriste », assure Benjamin Alban. « Le prix d’entrée d’un robot monorang est de 120 000 à 130 000 €. Et pour un robot enjambeur équipé, c’est autour de 130 000 € », complète Guillaume Paire, directeur du Vitilab à Davayé.
Sur son terrain de jeu de 10 ha, Guillaume Paire a testé le robot électrique Ted de Naïo Technologies, le robot à moteur thermique Traxx d’Exxact Robotics et le chenillard électrique pour vignes étroites Jo de Naïo. Son constat : « On gagne un temps important à utiliser un robot car pendant qu’il œuvre, on peut faire autre chose dans les parcelles. Les robots vont changer l’organisation et le rythme du travail dans les vignes », juge l’expert, qui reconnaît n’avoir pas encore chiffré les gains générés par la robotisation.
La qualité du travail est tout à fait comparable à celle d’un enjambeur classique, avec le même débit de chantier. Autre atout, « il n’y a pas de surcoût d’entretien par rapport à un enjambeur classique, voire moins dans le cas d’un robot électrique ».
Au registre des contraintes, « il faut compter les frais d’arpentage des vignes, mais on le fait une fois pour toutes, minimise Guillaume Paire. La législation impose aussi de rester près des robots pour les avoir en vue, mais on peut s'adonner à une autre tâche pendant ce temps. De toutes façons, il faut être présent pour intervenir de temps en temps, comme débourrer les lames ».
Le directeur du Vitilab a également testé le Vineyard Pilot Assistant (VPA) de Braun, un autoguidage des tracteurs interlignes et de leurs outils, qui coûte environ 35 000 €. « Dans des vignes plantées à 2,10 m, on peut travailler près d’un hectare supplémentaire par jour avec des interceps. C’est 10 et 20 % de plus qu’avec un tracteur classique. La vitesse est plus constante à l'autoguidage et on n’a pas à s’occuper du relevage ni de l’abaissement des outils en bout de rang : c’est automatique. »
Il a fait tester le VPA par une vingtaine de tractoristes de toutes générations. « Tous ont trouvé qu’il y avait moins de risques de blesser la vigne, comme cela peut arriver en fin de journée quand on fatigue. » En utilisant le VPA, le tractoriste n’a que les demi-tours à effectuer. « On lâche le volant dès qu’on est dans le rang. Rien n’empêche alors de téléphoner, la cabine se transformant alors en bureau, c’est assez bluffant », s’enthousiasme l’expert après un mois de test du système.
Ailleurs, les experts et conseillers en machinisme mettent en avant des solutions plus classiques. Dans le Languedoc, les Cuma se multiplient en réponse à l’obligation de contenir les coûts. « Toutes les semaines, on reçoit trois à quatre coups de fil de viticulteurs qui veulent nous rejoindre », rapporte Emmanuel Colin, technicien de la Fédération des Cuma de l'Hérault. Surtout, « il se crée de plus en plus de Cuma pour mutualiser un tracteur pour le travail du sol ».
Emmanuel Colin rappelle les vertus de l’écoconduite à ceux qui veulent diminuer leur consommation de GNR. « Il s’agit d’utiliser le tracteur en adéquation avec le matériel attelé à l’arrière. On peut réduire alors la consommation de façon significative. À 1 800 tours/min, on peut obtenir la même puissance qu’à 2 200 tours, effectuer la même tâche à la même vitesse en consommant au minimum 0,5 litres de moins à l’heure. Pour le travail du sol, rien qu’en diminuant le régime moteur, on peut passer de 8 à 10 l/h, à 7-8 l/h », assure-t-il.
Pour contrer l’augmentation des coûts de production, David Clerdan, conseiller à la chambre d’agriculture de Gironde, martèle de tondre moins souvent. « Les vignerons se montrent assez réceptifs à l’idée que tondre tous les mois n’est pas utile ni souhaitable. Il faut éviter notamment de tondre lorsque la vigne a besoin de puiser des éléments minéraux, comme quinze jours avant et après sa floraison. »
Claire Maisonneuve, technicienne d’AgroBio Périgord, ajoute que « les tournières ne sont pas une priorité, autant se limiter à l’interrang. Concernant le moment où tondre, on évite de le faire pendant la croissance des adventices car ces plantes vont chercher à repousser pour aller jusqu’à maturité. Elles vont alors puiser des nutriments qui les rendront particulièrement concurrentielles ». Au contraire, une fois à maturité, elles ne seront plus concurrentielles. « On peut alors laisser pousser l'herbe jusqu'à 40 ou 50 cm de haut, sans risque », poursuit David Clerdan.
Le conseiller s’attaque aussi au tabou du relevage mécanique, dont il s’étonne qu’il soit si répandu dans le Bordelais. « Beaucoup de vignerons pensent encore que les releveuses ne font pas un bon travail. Or, il y a des machines très abouties qui coûtent entre 15 000 et 18 000 €. On est clairement sur une diminution des coûts par rapport au relevage manuel. D’ailleurs, ceux qui s'y sont essayés ne font pas machine arrière. Et si d’aventure on casse un rameau par pied, il n’y a pas de quoi détruire la récolte. » Pourquoi alors ne pas se lancer ?
Créé par le réseau Cuma, Mécagest Pro est un logiciel de diagnostic des charges de mécanisation pour aider les vignerons à faire des choix. « Un viticulteur qui possède trois tracteurs d’occasion pourra trouver utile de simuler ce que lui coûterait d’en vendre un et d’en acheter un neuf », illustre Emmanuel Colin, technicien agroéquipement de la Fédération des Cuma Gard-Hérault.