a HVE, une tromperie ? « Ridicule », répond Sébastien Michelas, à la tête du domaine Michelas Saint-Jemms, 52 ha en AOC Crozes-Hermitage à Mercurol-Veaunes, dans la Drôme. Pas question pour lui de renoncer à ce label, qu’il a adopté en 2014 par « conviction et par philosophie ». « Je vends toute ma production en bouteilles auprès de particuliers, de la restauration et à l’export. Mes clients ne me demandaient pas cette certification. Sur le plan commercial, elle ne m’apporte rien. D’autant plus qu’elle souffre d’un manque de communication. Mais elle m’a permis de mettre un nom sur mes pratiques culturales qui favorisent la biodiversité, comme l’installation de couverts végétaux, la plantation de haies ou la pose de nichoirs », explique-t-il.
Opposer HVE et bio ? Un non-sens pour ce viticulteur qui est également en bio depuis 2022, qui considèrent que « les deux certifications sont complémentaires. Il n’y a pas matière à débat ».
La guerre entre bio et HVE paraît tout aussi absurde à Jean-Michel Garnier. « On oppose les gens. C’est stupide. La HVE est un chemin pour aller vers le bio », précise le propriétaire du Domaine des Noëls, 22 ha à Bellevigne-en-Layon, en Maine-et-Loire. D’ici à cinq ans, il pourrait passer en bio. Mais il se pose des questions : « Le marché du bio semble saturé. Il sera peut-être difficile de trouver des clients. »
Jean-Michel Garnier s’interroge aussi sur l’intérêt de rester en HVE. « Le nouveau cahier des charges paraît beaucoup plus restrictif. Du coup, on pourrait y renoncer même si le négoce en est friand », indique-t-il.
Ce producteur d’Anjou et de Coteaux du Layon écoule 70 % de sa production en vrac et 30 % en bouteilles. Il est certifié HVE depuis six ans. Même s’il doute de l’intérêt de le rester, il se dit fier d’apposer le macaron sur ses bouteilles. « Ce label nous demande des efforts. Nous devons respecter des indices de fréquences de traitement, travailler les sols, ce qui suppose d’investir dans des interceps. Alors autant le faire savoir », déclare-t-il.
À Combaillaux, dans l’Hérault, Bruno Le Breton, vigneron négociant à la tête des domaines de la Jasse et Montlobre – 50 ha en propre, 1 million de cols –, cumule les certifications : première exploitation dans le département à obtenir le label HVE en 2013, engagement dans la RSE en 2015, Terra Vitis en 2017, société à mission en 2021 et B Corp en 2023. « La certification HVE m’a permis d’expliquer à nos clients nos actions en termes de développement durable. 52 % du vignoble est enherbé de façon permanente. Nous ne faisons que quatre à six traitements par an. Il y a cinq ans, nous avons abaissé le poids de nos bouteilles de 600 à 500 g et bientôt nous passerons à 450 g. Enfin, à partir de cette année, nous enlevons les capsules de surbouchage de toutes nos bouteilles, soit 600 000 de moins », expose-t-il.
En tant que négociant, Bruno Le Breton a incité la dizaine de viticulteurs auxquels il achète des vins à passer à la HVE. Sauf que, avec le durcissement du cahier des charges, ils auront plus de mal à obtenir la certification. Pour le moment, Bruno Le Breton n’a pas évoqué la question avec eux. « C’est trop tôt. Nous attendons d’avoir toutes les données. S’il faut payer plus cher nos viticulteurs, nous le ferons. Nous nous adapterons », dit-il, redoutant que certains renoncent à la certification.
Quant à ses clients, « ils sont très attachés à la HVE ; ils tiennent notre engagement dans le développement durable ». Selon lui, cette certification reste une condition d’accès au marché. « Mais elle ne répond pas aux attentes liées à l’épuisement des ressources de la planète et au dérèglement climatique. Il faut créer des puits à carbone, régénérer les sols. La HVE est largement incomplète de ce point de vue. »
À Igé, en Saône-et-Loire, le domaine Fichet, 25 ha, a acquis la certification HVE il y a quatre ans, poussé par certains de ses importateurs. « On faisait de l’enherbement, du travail du sol un rang sur deux et du désherbage mécanique sous le cordon, sans être labellisé, explique Pierre-Yves Fichet, le cogérant. On peut adopter des pratiques sans être labellisé d’autant que ce label, en fait, on l’achète. Tous les ans, il faut passer un audit qui coûte de l’argent. »
Le domaine Fichet vend toute sa production en bouteilles. Abandonner la HVE ? « Cela nous mettrait en difficulté par rapport à certains importateurs. » Bien qu’il ne soit pas fan du label, Pierre-Yves Fichet le défend : « Dire que la HVE est une tromperie, c’est absurde. C’est un premier pas vers le respect de la nature. » Et si on lui parle d'une opposition entre Bio et HVE, « une tempête dans un verre d’eau », rétorque-t-il.
Frédéric Hansmann, 7 ha en AOC Alsace, à Mittelbergheim, dans le Bas-Rhin, certifié HVE depuis 2018, produit 560 hectos dont il vend 80 % en raisins ou en vrac, le reste en bouteilles. Lui non plus n’entend pas se défaire du label : « Je serai en grande difficulté, car 80 % de ma production part auprès d’acheteurs qui veulent du HVE », souligne-t-il.
En 2018, il répond favorablement au négociant Hauller qui cherchait des volontaires pour se lancer dans ce label. Huit viticulteurs d’Alsace acceptent. Frédéric Hansmann est l’un d’eux et ne le regrette pas. « Le HVE est une démarche intermédiaire entre le bio et l’agriculture conventionnelle. C’est l’antichambre du bio. J’aime ce label, il joue sur la biodiversité et sur l’amélioration des pratiques environnementales. » Alors, même si le Conseil d’État devait le remettre en cause, c’est sûr, Frédéric Hansmann continuerait dans cette voie plus respectueuse de la nature. Comme beaucoup d’autres.
Le 23 janvier, un collectif de sept associations emmenées par la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) fait savoir qu’il dépose un recours devant le Conseil d’État pour obtenir l’annulation de la certification HVE. Pour ces associations, la mention Haute Valeur environnementale est une « tromperie du consommateur dans la mesure où la promesse d’excellence environnementale sous-entendue par le nom du label et exigée dans la loi n’est toujours pas remplie par le nouveau référentiel ».