Le liage des baguettes avec des attacheurs électriques gagne du terrain. Les vignerons veulent travailler plus vite et faire des liens de qualité constante », constate Bruno de Sivry, PDG d’Exbanor, un fabricant de liens basé en Normandie et qui propose une gamme pour la vigne sous la marque Prothec. Un constat confirmé par Alessandro Zucchini, président de l’entreprise A2E qui distribue plusieurs types de liens en viticulture. « La main-d’œuvre manque, et elle coûte cher. Les appareils électriques sont plus rapides. »
Quels liens utiliser avec ces attacheurs ? Alessandro Zucchini conseille ceux en PVC. « Ils représentent environ 50 % du marché », affirme-t-il. Jusqu’ici, ces liens étaient en PVC oxo-dégradable. Mais ce matériau vient d’être interdit (lire l'encadré). « Ces liens étaient pratiques, résistants et bon marché, poursuit Alessandro Zucchini. Suite à leur interdiction, nous proposons un lien en PVC d’origine végétale et biodégradable. Tous ceux qui l’ont testé en sont satisfaits. »
Jean-Louis Gili est de ce nombre. Installé à Durban-Corbières, dans l'Aude, ce vigneron exploite 39 ha de vignes et utilise un lieur électrique Pellenc, un appareil qu’il juge « très efficace ; c’est un vrai gain de temps ». Quant au nouveau lien, « il est d’aussi bonne qualité que l’ancien et se dégrade plus facilement, soutient-il. Je suis en bio, la biodégradabilité m’importe beaucoup. Le nouveau lien n’est que légèrement plus cher que l’ancien. Je l’ai adopté ».
Prothec propose des liens biodégradables depuis 2019. « Ils ne sont pas issus de la pétrochimie. Ils se dégradent entièrement dans le sol et sont biocompostables », assure Bruno de Sivry. Le PDG d’Exbanor évoque des ventes « en nette croissance. Ce produit séduit des vignerons bio et ceux soucieux de préserver l’environnement. Il représente un surcoût par rapport aux liens en PVC mais la différence est négligeable au vu des économies de main-d’œuvre, car il tombe généralement de lui-même ; il n’est pas nécessaire de le retirer lors de la taille ».
Expert en palissage et auteur du site Technissage.fr, Jean-Marie Leclercq penche plutôt pour les liens en papier armé d’un fil d'acier non galvanisé. « Ils sont résistants, faciles à poser et se dégradent facilement en fin de saison, soutient-il. Les liens en PVC biodégradable ou biocompostable, personne ne les met au compost ! »
« Les liens en papier armé glissent moins bien dans les attacheurs », objecte Alessandro Zucchini. Ces liens n’enchantent pas non plus Aurélien Goy, viticulteur sur quelques hectares à Saint-Maigrin, en Charente-Maritime, et conseiller agro-équipement chez le distributeur Océalia. « Certains vignerons manquent de confiance dans les liens papier, constate-t-il. Ils craignent de les voir générer plus de poussière dans l’attacheur. »
« Il faut choisir des liens de bonne qualité et utiliser un lieur pourvu d’une gaine, afin d'éviter les bourrages et le contact du papier avec l’humidité », répond Jean-Marie Leclercq. Ce dernier recommande également, si les vignes sont exposées au vent, de choisir un fil d’un diamètre assez gros. Il propose sur son site des calculateurs pour faciliter le choix du lien et de l’attacheur.
Quant aux vignerons qui restent fidèles au liage manuel, les uns optent pour des liens métalliques, les autres pour le papier armé. À Valençay, dans l'Indre, Benoît Lagarde a repris le Vignoble Gibault il y a trois ans. L’ancien propriétaire et ses équipes liaient avec des pinces Ligapal et des liens métalliques. Benoît Lagarde n’y a rien changé. « C’est un coup à prendre au début. Mais les ouvriers y sont habitués. Nous n’avons pas de problèmes de bourrage avec ces pinces, ni de casse avec ces liens qui se retirent facilement lorsque l’on tire les bois à la taille. C’est en outre très économique. Mais c’est vrai que le débit de chantier n’est pas optimal. »
Cet autre vigneron, à Cheverny, dans le Loir-et-Cher, reste fidèle le liage manuel, mais avec des liens en papier armé. « Ces attaches sont peu coûteuses. Elles me permettent de fixer solidement les baguettes au fil porteur, comme un lacet sur une chaussure. Et ces liens se dégradent bien en fin de saison. Mais cela prend plus de temps qu’avec un lieur électrique. »
Aurélien Goy est plus nuancé sur la question du débit de travail. « Lors d’un essai que nous avons fait il y a quelques années, le liage avec la pince Ligatex avait été presque aussi rapide qu’avec des attacheurs électriques. Il faut savoir bien s’en servir. Certains ont du mal à comprendre le fonctionnement de cette pince et perdent patience. » Le viticulteur l’utilise depuis longtemps sur son exploitation. S’agissant des liens, il a choisi des métalliques qui ne s’oxydent pas. « Ces liens sont résistants. Pour les enlever, il faut tirer assez fort ou les couper. La pince et les liens sont fiables et peu coûteux. C’est un atout lorsque l’on fait appel à une main-d’œuvre occasionnelle ».
La loi Anti-gaspillage et économie circulaire, dite Agec, interdit depuis le 1er janvier 2021 l'usage des plastiques oxo-biodégradables, ou oxo-dégradables. Ceux-ci contiennent des additifs permettant leur dégradation en fragments sous l’effet de la lumière. Ils disparaissent ainsi du paysage, mais ils subsistent dans l’environnement sous forme de microparticules car ils ne sont pas biodégradables. Les liens en PVC oxo-dégradables pour l’attachage des baguettes sont concernés par cette loi. « Ces liens fonctionnaient très bien, mais leur interdiction est légitime pour le respect de l’environnement, commente Alessandro Zucchini, président de l’entreprise A2E, qui en distribuait. La Cruz, notre fournisseur, a donc lancé un nouveau lien en plastique d’origine végétale et biodégradable. Il coûte un euro plus cher par bobine, mais il est aussi résistant que le PVC oxo-dégradable. » Les liens de ce dernier type restent autorisés à la vente jusqu’à épuisement des stocks.