on constat en surprendra plus d’un. « Pour les producteurs de côtes-du-rhône qui vendent en vrac, les coûts de production n’ont presque pas augmenté en 2022, assure Christophe Tichadou, expert-comptable chez Alliance Expert, à Avignon, et membre du réseau Agiragri. La hausse du coût de l’énergie et du carburant ont impacté les coûts à la marge. On observe aussi des hausses sur le matériel. Le prix des tracteurs devient du délire ! » Selon ses calculs, le coût de production moyen du côtes-du-rhône s’établit à 70 €/hl en vrac.
En revanche, pour les caves particulières, la hausse des coûts est bel et bien substantielle. Christophe Tichadou estime qu’ils sont passés de 1,5 à 1,80 € HT, soit 20% de hausse, conséquence de l’inflation du prix des matières sèches et de l’énergie. S’agissant des charges de personnel, l'expert-comptable estime qu’elles ont peu évolué. « Les vignerons n’ont plus de salariés permanents, comme c’était le cas au début des années 2000, commente-t-il. Ils travaillent avec des prestataires et des occasionnels. Ils privilégient la mécanisation dès que c’est possible. »
« Si le coût de production du vrac a peu varié, son prix de vente, en revanche, a été divisé par deux en un an, passant de 150 €/hl en 2021 à 70 €/hl en 2022 pour le côtes-du-rhône rouge, affirme Christophe Tichadou, qui conteste les statistiques d’InterRhône. Pour le vrac, nous n’avons plus de levier pour faire baisser les coûts de production. Un vigneron qui vend en vrac a intérêt à produire des vins de pays ou des vins de France car les rendements sont plus importants. Il y a trop de volatilité sur ce marché pour gagner sa vie. Dans dix à quinze ans, le négoce disparaîtra car il aura malheureusement fait disparaître les vignerons qui vendent en vrac. »
La situation économique des caves particulières est meilleure. Elles ont augmenté leur prix de 5 % et ont vu leurs ventes progresser de 10 à 20 %. « Les caves particulières vendent aux professionnels à des prix situés entre 2,5 et 3,5 € HT, et entre 5 et 6 € HT aux particuliers, poursuit l'expert-comptable. Elles valorisent bien leur production. »
En Champagne, vignoble qui se porte bien, les producteurs de raisin ont vu l’augmentation de leurs coûts compensée par la hausse de 5 à 10 % des prix d’achat. Pour les vendeurs en bouteilles, c’est une autre histoire. Le centre de gestion CDER estime que le coût de production des bouteilles est passé de 10,80 € HT en 2021 à 11,10 € HT en 2022, soit une hausse de 3 %. « Sur les premiers bilans que nous avons, le coût des intrants a progressé de 50 à 80 %, complète David Ménival, directeur filière champagne au Crédit Agricole Nord-Est, celui du carburant de 70 %, le coût de la main-d’œuvre de 6 % et celui des fermages de 3,5 %, . Les premiers retours sur les hausses des tarifs des vignerons montrent qu’elles s’élèvent en moyenne à 3 %. Cela couvre la hausse des coûts de production mais pas l’inflation. Les vignerons auraient dû augmenter leurs prix de 6 à 7 %. »
Bertrand Trépo, responsable communication et marketing du CDER, partage son analyse. « Depuis 2014, la vente en bouteilles est de moins en moins rentable pour les vignerons en Champagne. Pourtant, ceux qui ont augmenté leurs prix n’ont pas vu leurs ventes baisser. Nous accompagnons avec succès des vignerons qui repositionnent leur marque et augmentent leurs tarifs de 2 € par bouteille. Ils changent alors de clientèle, qui va comparer leur champagne à celui des grandes maisons, plutôt que comparer le prix actuel à celui d’avant. »
En Saône-et-Loire, CerFrance 71 publiera au début du mois de mars la rétrospective Vitiscopie, qui détaille des coûts de production des vignerons, selon qu’ils sont coopérateurs ou vendeurs de bouteilles. En attendant, les premiers résultats des exercices clos fin juillet 2022 commencent à être connus. « Les charges opérationnelles des coopérateurs, qui s’élèvent en moyenne à 3000 €/ha, ont progressé de 20 à 30 %, explique Émilie Golin, conseillère de gestion à CerFrance 71. La part des engrais est passée de 10 à 15 %. La main-d’œuvre est l’autre gros poste en hausse. Les vignerons peinent à trouver des salariés et font appel à des prestataires ou à des sociétés d’intérim, ce qui coûte plus cher. Les coopérateurs n’ont pas beaucoup d’autres leviers que de travailler en Cuma pour baisser leurs coûts de production. »
Les vignerons en cave particulière, de leur côté, sont parvenus à appliquer une hausse moyenne de leurs prix de 20 %. « Ils ont augmenté leurs tarifs fin 2021 en raison du gel, précise Émilie Golin. Cette hausse a été bien été acceptée par les acheteurs et couvre celle des coûts de production. Nous sommes dans une dynamique porteuse. »
Toutes ces régions espèrent que la récolte 2023 sera généreuse et leur permettra d'absorber la hausse des charges qui continue de progresser depuis quelques mois, notamment l’électricité.
« Le prix d’un enjambeur a doublé en quinze ans ! Il faut mutualiser du matériel », conseille Bertrand Trépo, du CDER. Le partage du matériel pour diminuer les coûts, c’est un leitmotiv des centres de gestion. Certains vignerons le font déjà sur un ou plusieurs outils. « Le travail en Cuma progresse en Saône-et-Loire, précise Émilie Golin, de CerFrance 71. L’objectif est de réduire les coûts mais aussi de parer au manque de main-d’œuvre. De moins en moins de monde sait conduire un tracteur. » Ainsi, travailler en Cuma permet d'envisager d’embaucher et de fidéliser un tractoriste.