la différence des autres robots viticoles, Ceol d'Agreenculture n'est pas un enjambeur, mais un chenillard. Autre distinction : ici, pas de batteries, mais un moteur diesel qui entraîne une centrale électrique, laquelle alimente ensuite les moteurs des chenilles, le relevage arrière, les vérins et une tondeuse. Quentin Terrigeol, viticulteur à Saint-Ciers-sur-Gironde, a utilisé un prototype de cet engin en 2021 et 2022. « En 2021, nous l'avons reçu trop tard. Mais cette année, nous avons pu le faire tourner de mars à septembre. Nous avons bénéficié d'un modèle de 110 cm de large qui a travaillé sur une quinzaine d'hectares plantés à 2 m, pour tondre l'enherbement et travailler le sol », détaille-t-il.
Quentin Terrigeol s'en est surtout servi pour tondre ses interrangs. « Ceol étant autonome, j'ai planifié des tontes tous les 7 à 10 jours, alors que je n'aurais pas mobilisé un tractoriste aussi régulièrement. J'aurais attendu que l'herbe soit plus haute pour intervenir. Face aux difficultés de recrutement de main-d'œuvre, un tel robot se révèle vite précieux pour compléter le travail des tractoristes », explique-t-il.
Robot Céol (crédit photo Agreenculture)
Le vigneron a testé plusieurs vitesses de travail. « À 1,5 km/h, on est sur une pelouse de terrain de golf, et à 2,5 km/h, on est plus sur une pelouse de jardin municipal, décrit-il. Mais le point essentiel reste la hauteur du couvert au moment de l'intervention. » Jérôme Asmar, chargé du projet Ceol pour Agreenculture et Pellenc, abonde en précisant que « Ceol n'est pas apte à passer sur des herbes trop hautes. Il faut l'appréhender comme un outil d'intervention régulière dont le travail en autonomie permet d'employer les tractoristes pour d'autres opérations ».
Pour le travail du sol, l'engin était équipé d'un cadre d'une largeur variable de 1,8 à 2,5 m qui pouvait recevoir jusqu'à 6 dents, des disques émotteurs et deux lames interceps. Quentin Terrigeol l'a bien moins utilisé que la tondeuse, se contentant de faire quelques essais. Avec les lames interceps, les tests qu'il a effectués entre 2 et 3 km/h se sont montrés satisfaisants. Au-delà, les choses se sont compliquées, le robot étant moins stable, la qualité du travail a baissé. « Le robot peut travailler jusqu'à 6 km/h, mais il est moins efficace à cette vitesse car davantage secoué. C'est comme avec un tracteur : le travail est moins bon lorsqu'on passe de 6 à 12 km/h. » Quentin Terrigeol avertit aussi de la difficulté du robot à évoluer dans des rangs marqués par des ornières, « en raison de sa garde au sol assez basse ».
(crédit photo Agreenculture)
Lors du travail des interrangs, un autre problème est apparu. Avec 6 dents fixées au cadre, des bourrages se sont produits au point de bloquer l'engin. « Avec un tracteur, cela ne se serait pas produit ; il y a un souci de couple pour tirer l'attelage lorsque ça bourre », observe-t-il. Des bourrages qui n'ont pas eu lieu avec deux ou trois dents seulement. Après ces essais, Quentin Terrigeol juge que pour le travail du sol aussi, il faut compter sur l'autonomie du robot et passer plus régulièrement qu'avec un tracteur.
Équipé d'un réservoir de 40 litres, Ceol dispose de 15 à 20 heures d'autonomie selon la tâche demandée. Comme pour tous les robots, il faut au préalable arpenter les parcelles. Agreenculture s'en charge. « Pour bien repérer les rangs, on équipe chaque bout de rang d'une balise GPS, détaille le fabricant. Puis on dresse des cartes. Lorsque les plantations ont été effectuées manuellement et que les rangs font plusieurs centaines de mètres de long, on observe des déviations de quelques centimètres qu'il faut enregistrer. »
Une fois les parcelles cartographiées, on attribue des missions au robot, avec le parcours à suivre, la vitesse de travail, les réglages nécessaires... « Une fois lancé, Ceol est autonome. Il ne peut pas sortir seul du périmètre de la parcelle, c'est une sécurité », approuve Quentin Terrigeol. Le vigneron girondin apprécie aussi le fait de recevoir un SMS à chaque arrêt du robot que ce soit à cause d'un obstacle ou en fin de chantier. En revanche, il souhaiterait qu'à l'avenir les robots soient géolocalisés sur une application. Pour l'instant, ce n'est pas le cas. « Il faut les suivre visuellement », indique-t-il.
Enfin, pour manœuvrer le robot hors du travail, l'opérateur dispose d'une télécommande pour le guider et gérer le relevage électrique afin d'atteler ou de dételer les outils, ce « qui se fait très facilement », apprécie Quentin Terrigeol.
Présenté pour la première fois en 2020, le robot Ceol en est encore au stade de prototype. Son développement devrait s’accélérer avec la prise de participation, l’an dernier, de Pellenc au sein d’Agreenculture, la start-up toulousaine qui a conçu ce robot. « Sur les prochaines versions, l’électricité sera d'abord stockée dans des batteries avant d'être utilisée pour de meilleures performances. Il y aura également de l’hydraulique », indique Jérôme Asmar, chargé du projet Ceol pour Agreenculture et Pellenc. Autre amélioration prévue : l'intégration de capteurs Lidar et thermiques pour mieux repérer les dangers et obstacles. Pour l'instant, Ceol n'est équipé que de bumpers. Mais on n’en saura pas plus. De même, il ne souhaite pas communiquer de prix, ni de date de commercialisation, alors que ces évolutions sont en cours.