our fêter l’anniversaire de la marque Mouton Cadet, vin emblématique de Bordeaux, quoi de mieux que de relire son créateur, le baron Philippe de Rothschild ? Dans son autobiographie, Vivre la vigne (presse de la Cité, 1981), l’avant-gardiste évoque la création d’une étiquette comme « bouée de sauvetage qui permet d’écouler les vins en trop non seulement de Mouton Rothschild, mais des nombreux vignobles alentour ». Si la marque Mouton Cadet naît en 1930, elle mûrit dès le millésime 1927, « un vin certes honorable mais n’ayant pas les qualités d’un Mouton Rothschild, d’un premier cru* » écrit le baron, pointant qu’il est « inutile d’être clerc ès marché pour savoir que la marque est un pilote de tout produit. Pour le 1927, inventons une marque spéciale. Voilà la solution ! »
Reprenant le nom d’une parcelle principale du château Mouton Rothschild à Pauillac, les Carruades, Philippe de Rothschild essuie un « échec ! Les Carruades de Mouton Rotschild 1927 passent inaperçus. Il eût fallu beaucoup de publicité. Top coûteuse pour les minables finances de l’époque. » Face à la série des millésimes pluvieux 1930, 1931 et 1932, le baron n’abandonne pas son idée, mais la perfectionne avec « une contremarque » cette fois plus « signifiante ». L’idée d’une étiquette Cadet de Mouton apparaît, comme le baron est le cadet de sa fratrie (James et Nadine). « Mais Cadet de Mouton serait sous-entendre une notion d’origine partiellement inexacte. Mieux vaut Mouton-Cadet » explique Philippe de Rothschild, qui croit dur comme fer dans son idée malgré les premières critiques : « dès le projet connu de Bordeaux, réaction des experts : "insensé, surtout ne faites pas cela. Vous allez causer un tort irréparable à Mouton Rothschild." »


Mais le succès commence et ne se dément pas pour cette nouvelle marque. « 1931. La demande pour Mouton-Cadet est telle qu’il faut une plus grande quantité de vin. Chose aisée avec un vin d’assemblage où se confondent les produits de crus et de vignobles voisins » indique le baron, délaissant en 1932 l’appellation Médoc pour un approvisionnement en Bordeaux. « Bien entendu des précautions sont scrupuleusement prises pour éviter toute confusion possible. Le prestige de Mouton Rothschild doit être préservé. Mieux encore exalté. Il en sera toujours ainsi. Toujours » martèle Philippe de Rothschild, pour qui la complémentarité est parfaite entre vin de marque et de cru : « à côté de la production du château parfois hasardeuse, toujours limitée, se donner un joli vin de grande diffusion, une force de frappe continue, un soutien à la fois financier et publicitaire des vins du château. »
« Cinquante ans plus tard, en 1980, tout ce qui est dit ci-dessus est encore valable. La vaste diffusion de l’un rend l’autre plus convoité, plus rare, plus astronomiquement précieux. Sans malentendu possible. Tel est le verdict des publics unanimes. Au point de susciter certaines jalousies. Hélas, l’inévitable rançon » conclut dans son autobiographie le créateur de la Baronnie (ex-Bergerie).
40 ans après, ce sont les petits-enfants du baron qui poursuivent le développement de la marque, très forte à l’export (60 % des volumes commercialisés). Avec 1 500 hectares de vignes (à 45 % dans les Côtes de Blaye, de Bourg…), leurs 250 vignerons apporteurs sont à 100 % certifiés Haute Valeur Environnementale (HVE) et 20 % optent pour la bio (pour 30 % des surfaces sous contrat). « Aujourd’hui, nous poursuivons l’œuvre du baron Philippe de Rothschild en portant Mouton Cadet vers d’autres horizons, et ce avec une conscience toujours plus aiguë des enjeux environnementaux et sociétaux » indique dans un communiqué Philippe Sereys de Rothschild, à la tête de Baron Philippe de Rothschild depuis 2014.
Pour marquer les 90 millésimes de Mouton Cadet, une étiquette, une caisse et un étui sont mis en marché pour la cuvée 2020. Au-delà de l’emballage, le profil du vin évolue : « Mouton Cadet 2020 se veut aussi le compagnon des nouvelles générations ; il gagne en panache comme en souplesse et gourmandise » avec « un profil gustatif affiné » et « plus fruite » indique un communiqué.
* : Que le château Mouton Rothschild n’était pas à l’époque, prenant cette place dans le classement de 1855 en 1973.
Mis en place sous la direction de la baronne Philippine de Rothschild, le logo de Mout Cadet est le « Barbacchus », né de la contraction entre « Barbe » et « Bacchus ».