es pépinières ont eu chaud. « Nous avons pris du retard dans nos programmes de greffages car nous manquions de personnel, ce qui nous a amenés à mettre des plants en pépinière un peu plus tard que d'habitude, fin mai début juin. Lorsque la première vague de chaleur est arrivée début juin, les derniers lots mis en terre n'étaient pas assez robustes et il y a eu de la casse. On estime que ces lots auront un taux de reprise de 15 % inférieurs à ceux qui ont été plantés plus tôt », rapporte Pierre-Marie Guillaume, le président du syndicat des pépiniéristes de la région Centre-Est.
Pierre Denis Tourette, des pépinières éponymes à Vogüé en Ardèche a lui aussi vécu une campagne compliquée. Après le gel du 25 avril de l'an dernier, il a décalé son planning pour ne pas mettre ses plants trop tôt en terre. Ce faisant, il s'est retrouvé face à un autre problème. « On a eu des chaleurs extrêmes (35 °C) dès le 15 mai. Nous travaillions de 5 h à 13 h. A midi, la paraffine fondait dans les mains. Les températures avoisinaient les 60 °C au-dessus des plastiques qui couvrent les plants ». Pour limiter la casse et absorber moins de rayons lumineux, ce pépiniériste a utilisé de la paraffine blanche à la place de la rouge.
(Crédit photo Pépinières Tourette)
Il a également arrosé ses plants au canon, en plus du goutte à goutte, pour éviter que les cals ne se dessèchent. Malgré cela, certains n'ont pas survécu.« La réussite des greffages ne sera pas meilleure que l'an dernier. On aura des taux de reprise moyens ».
Mickaël Lys, le président du syndicat des pépiniéristes Charentais détaille : « lorsque l'on met les plants en terre, ils sortent de stratification. Les soudures sont fragiles et gorgées d'eau. Or nous avons eu des températures de l'ordre de 40 °C dès la mi-juin. Les soudures des plants que nous avons sortis peu avant ont brûlé sous l'effet de la chaleur. Ceux que nous avions plantés courant mai ont moins souffert. Pour le moment [mi-septembre], il n'est pas possible d'estimer la perte que cela représente. Nous verrons lors de la récolte et du tri ». Même échos dans le Vaucluse et dans le Val de Loire. « Des plants ont brûlé sous l'effet de la canicule. Les pertes sont variables d'une entreprise à l'autre », rapporte David Gautreau, gérant des pépinières viticoles d'Anjou.
En Alsace, Christophe Hébinger, pépiniériste à Eguisheim a lui aussi « perdu quelques plants ». Mais ceux qui ont survécu à la chaleur sont beaux. « Les pousses sont bien développées, les soudures semblent solides, les plants sont costauds. Ils ont bénéficié de beaucoup de soleil. Et nous avons pu les irriguer sans restriction. La croissance a donc été très soutenue au point que nous avons dû opérer un rognage de plus qu'en année classique. Sur le plan phytosanitaire, l'année a été calme et on a pu garder une part non négligeable de notre production en bio. Rien à voir avec l'an passé », explique-t-il.
Partout, les plants qui ont survécu aux fortes chaleurs sont beaux. « Les pépinières sont bien vertes », assure Mickaël Lys dans le vignoble de Cognac. Mais pour arriver à ce résultat, il a fallu les arroser plus que d'habitude. « A la limite des quotas dont nous disposions », précise son confrère François Bodin, des pépinières Gergaud à Nercillac. Même chose dans le Val de Loire, « A la mi-août, ça commençait à être tendu au niveau de la disponibilité en eau. Nous avons fait un dernier arrosage dans la nuit du 11 au 12 août. Les pluies sont arrivées vers le 17- 18 août avec 15 à 40 mm selon les secteurs. C'était bienvenu », rapporte David Gautreau.
Si les pépinières ont eu de l'eau, ce ne fut pas le cas des vignes-mères de porte-greffes. « Elles ont souffert de la sécheresse, surtout celles qui ne sont pas irriguées, rapporte Giovanni Varelli, le président du syndicat de la pépinière du Vaucluse. Les portes-greffes ont moins poussé que l'an dernier. Leurs bois sont moins longs et de plus petit diamètre. Dans notre département, on s'attend à une petite production de boutures : vraisemblablement 30 % de moins que l'an passé qui était une bonne année. Si la demande est importante pour les greffages de 2023, on risque d'avoir une pénurie, le Vaucluse représentant 60 % de la production nationale ».
« On pense que la récolte des porte-greffes sera réduite d'un tiers », confirme Pierre Denis Tourette en Ardèche. Parmi les porte-greffes les plus impactés selon ses observations : le 3309 du fait de son « enracinement plus superficiel » et le 41 B « souvent installé sur des terrains maigres où il se plaît mieux que sur les sols riches ». Et de se demander si à l'avenir "Si on pourra encore produire des porte-greffes, là où il n'y a pas d'irrigation"...
En Champagne, malgré des greffages en hausse, des plants pourraient manquer pour 2023. En cause : un taux de réussite moyen. C’est particulièrement le cas des plants greffés sur 41 B. Jean-Michel Dumont, le président du syndicat des pépiniéristes de Champagne soupçonne un impact du traitement à l’eau chaude sur un matéreil végétal éprouvé par les attaques de mildiou l'an dernier. « Tous les greffons sont obligatoirement traités à l'eau chaude. Or certains avaient peu de réserves à cause des attaques de mildiou de l’an passé. La quasi-totalité des porte-greffes est elle aussi traité. Or le 41 B reprend moins bien que les autres porte-greffe en pépinière : il racine moins bien et emmagasine moins de réserves ». Delphine Bougès, présidente du syndicat des pépiniéristes de la Gironde et du Sud-Ouest estime elle aussi que le traitement à l’eau chaude des bois avant le greffage a pu avoir un impact sur la reprise des plants en pépinière dans sa région.