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Les conditions de travail lors du relevage des vignes à la loupe
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Travaux en vert
Les conditions de travail lors du relevage des vignes à la loupe

La MSA des Charentes a étudié la pénibilité du relevage dans quatre exploitations qui ont mis en place des pratiques facilitant cette opération. Chacune d’entre elles présente des avantages et des inconvénients.
Par STEF, Christelle Le 29 juin 2022
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 Les conditions de travail lors du relevage des vignes à la loupe
Damien Renaud, viticulteur à Boutiers-Saint-Trojan (Charente) a participé à l'étude de la MSA. Pour effectuer le relevage, il a investi dans une releveuse-palisseuse Pellenc équipée d'une écimeuse - crédit photo : MSA des Charentes
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oins de stress avec des écarteurs

À Givrezac, en Charente-Maritime, chez Emma Marquizeau, la grande majorité des vignes sont équipées d’écarteurs de fils releveurs. Ici, le relevage s’effectue en deux passages. Lors du premier, les ouvriers « tricotent » les rameaux, c’est-à-dire qu’ils les font passer à l’intérieur des fils releveurs. Au second, ils ferment les écarteurs, posent des agrafes entre les fils releveurs et tricotent à nouveau les brins pour les faire tous rentrer dans le palissage. 

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Vigne équipée d'écarteurs (crédit photo MSA des Charentes)

En  juin 2021, la MSA des Charentes s'est rendue sur cette exploitation comme dans trois autres ayant retenu des solutions pour réduire la pénibilité du relevage. Son but : mesurer l'impact de ces pratiques. Les résultats viennent de tomber. « Les écarteurs sollicitent moins le dos que les releveurs classiques car ils sont situés à hauteur d’homme, ce qui évite de se baisser, détaille Bruno Farthouat, conseiller en prévention à la MSA des Charentes, à l'origine de ce travail avec sa collègue Angélique Pierre. Ils permettent aussi d’étaler le relevage dans le temps et de réaliser un travail très soigné. Mais la sollicitation cardiaque est malgré tout importante car la végétation étant haute et dense, les bras sont le plus souvent en hauteur. La nuque et les épaules sont aussi très sollicitées pour les mêmes raisons. Ici, la pénibilité est davantage liée à la hauteur de la vigne – le fil à relever est situé à 110-125 cm et le fil relevé à 135 cm – qu’aux écarteurs. On pensait que le bénéfice des écarteurs serait plus important. »

Ces résultats ont aussi surpris les personnes qui travaillent sur le domaine. « Elles ont connu les vignes sans écarteurs. Selon elles, pas de doute : c’est mieux et plus reposant avec les écarteurs. Elles ne s’attendaient pas à ce qu’une telle fatigue articulaire ressorte alors que cette année, où tout a poussé très vite et tôt, les écarteurs nous ont permis de tout relever en un seul passage et à temps. Nous sommes convaincus de leur intérêt et nous allons équiper les vignes qui ne le sont pas encore », précise Emma Marquizeau, qui exploite 21 ha de vignes dont une vingtaine en production.

Fignoler derrière une releveuse, plus pénible qu'attendu

Damien Renaud, viticulteur à Boutiers-Saint-Trojan (Charente) sur 40 ha, a aussi participé à l'étude de la MSA. Lui a investi dans une releveuse-palisseuse Pellenc équipée d’une écimeuse. Ici, un opérateur suit la machine à pied pour contrôler le travail, remettre en bonne place les fils si besoin et intervenir en cas de bourrage. Le chauffeur et l’opérateur étant tous les deux tractoristes, ils se relayent à ces deux tâches. Puis, après le passage de la machine, une équipe fignole le relevage à la main.

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Relevage mécanique (crédit photo MSA des Charentes)

Cette organisation permet de réduire les équipes et d'augmenter le débit de chantier. Toutefois, sur le plan qualitatif, il y a eu un peu plus de casse de rameaux et plus d’entassement que lors du relevage manuel, mais dans une proportion qui reste acceptable. Sur le plan de la pénibilité, « il y a moins de fatigue articulaire pour ceux qui passent après la machine car ils n'ont pas à relever, indique Bruno Farthouat. Malgré cela, leurs épaules et leur nuque sont pas mal sollicitées. Et le rythme de celui qui marche derrière la machine est assez soutenu. »

Comme Emma Marquizeau, ces observations ont surpris Damien Renaud. « Nous pensions qu'avec le relevage mécanique, la tâche était nettement plus facile pour les personnes qui fignolaient le travail après le passage de la machine, dit-il. Mais on a vu qu'elles maintenaient beaucoup leurs bras en hauteur et que l’opérateur qui suit la machine marchait beaucoup. Cette année, nous avons donc changé d’organisation ; le chauffeur a travaillé seul. Ça a bien fonctionné. Au vu des conditions, nous étions bien contents d’avoir cette releveuse-palisseuse. »

Moins d’efforts avec une deuxième paire de fils releveurs

Troisième viticulteur audité, Thomas Palissier, à Saint-Fort-sur-Gironde. Ce vigneron a installé deux paires de fils releveurs sur la plupart de ses 50 ha de vignes. D'après lui, c'est un vrai gain de temps. Lors du premier passage, les ouvriers relèvent la première paire de fils et tricotent les brins. Lors du second, ils relèvent la première paire de fils au niveau supérieur et mettent la seconde paire à la place de la première. Si l’opération est réalisée à temps, il n'est plus nécessaire de tricoter à ce stade.

« L’ajout d’une deuxième paire de fils releveurs se développe à Cognac », observe Bruno Farthouat. Cet investissement permet d’étaler le relevage dans le temps. Il procure une bonne qualité du travail avec très peu de casse. Néanmoins, les épaules des ouvriers sont toujours très sollicitées car « ils relèvent deux fois ». Idem pour le dos, surtout lors du second passage quand les opérateurs doivent relever quatre fils. L’amplitude cardiaque (écart entre les fréquences cardiaques mini et maxi durant le travail) reste importante. Travailler avec deux paires de fils releveurs nécessite aussi une certaine attention. « Les néophytes peuvent se tromper d’accroche », constate Bruno Farthouat. 

 

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Bruno Farthouat, conseiller en prévention à la MSA des Charentes (crédit photo Christelle Stef)

C’est la raison pour laquelle Thomas Palissier a choisi des fils de couleur jaune fluo pour la seconde paire afin qu'ils soient bien identifiés par les opérateurs. Selon lui, le relevage à deux fils offre davantage de confort. « L’étude met bien en évidence qu'on fait moins d’efforts et de va-et-vient par rapport au relevage classique. Les ouvriers qui travaillent de cette manière depuis trois à quatre ans déjà sont très satisfaits. Le relevage à deux fils permet de fidéliser le personnel », note le viticulteur

Moins de pas avec un déplacement « en carré »

La MSA s'est aussi penchée sur la manière de travailler de l'entreprise Georgeon qui possède 75 ha de vignes et réalise de la prestation de services dans un rayon de 20 km autour de Segonzac. Pour le relevage, elle emploie une cinquantaine de saisonniers. Jusqu’à l’an passé, ils relevaient en un seul passage en se déplaçant en carré. Avec cette organisation, chaque ouvrier gère son allée. Il relève d'un côté un rang puis se retourne pour relever l'autre rang et tricoter, et ainsi de suite. « Ce qui fait la différence, c’est qu'ici on relève en une fois. C’est un gain de temps. Mais cela demande une très bonne organisation, les personnes ne devant pas être trop décalées les unes des autres. Cela demande beaucoup de rigueur car il faut relever, agrafer et tricoter en même temps », détaille Bruno Farthouat.

Finalement, il y a un peu moins de fatigue articulaire que lorsque les personnes travaillent en vis-à-vis. Mais les épaules restent très sollicitées ainsi que la nuque car les ouvriers sont souvent amenés à se retourner pour voir où se trouve leur collègue. Le dos, lui, l’est un peu moins. La cadence étant très soutenue, l’amplitude cardiaque reste très élevée. Au niveau qualitatif, comme il n’y a qu’un passage, il y a un peu plus d’oubli de rameaux. 

« Cette organisation était appréciée de l’une de nos chefs d’équipe. Mais elle est partie à la retraite et les autres chefs d’équipe ont souhaité revenir au relevage classique en face à face », rapporte Lucie Georgeon, gérante de l’entreprise.

Des mesures précises

En juin 2021, la MSA a mené une étude dans quatre exploitations qui ont mis en place des techniques pour faciliter le relevage – écarteurs, deuxième paire de fils releveurs, organisation du travail, mécanisation partielle – afin de voir leur impact sur les conditions de travail. À cette fin, elle a travaillé avec un cabinet d'ergonomie. Dans chaque exploitation, les experts ont filmé deux travailleurs puis étudié leurs postures pour voir quelles étaient les articulations les plus sollicitées lors du relevage. Ils les ont également équipés d’une montre qui a mesuré leur fréquence cardiaque. Ils ont pour finir évalué la qualité du travail. 

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