u’il soit grommelé ou aboyé, c’est un discours que l’on entend toujours dans le vignoble : l’injonction sociétale à réduire les phytos est nulle et non avenue, étant formulée par des urbains n’y connaissant rien à rien. Que ce soit à la réalité du vignoble (agronomiquement et économiquement), à la dangerosité des matières actives (par rapport à ce que l’on trouve dans l’environnement citadin), etc. Pour ces vignerons critiques, ces appels à la réduction drastique des intrants reviendraient à se plier à des diktats hors-sols, ramenant la viticulture à des techniques passées, caduques et improductives.
Comme souvent avec des jugements caricaturaux, le constat est en partie vrai : en effet, les contraintes de rendement et les efforts agroécologiques du vignoble sont méconnus du grand public. Mais un anathème vigneron des demandes sociétales serait également hors-sujet : voire tout autant hors-sol. Que les fondements de cette tendance sociétale soient discutables est de peu d’importance face à l’évolution que cela engendre. Si certains ne sont pas sensibles aux débats sur le développement durable, la réalité des marchés qui en découle reste incontestable. S’entêter à rejeter ces appels au changement revient à se couper des attentes de transparence et de réassurance des citoyens/consommateurs. L’approche passéiste tient moins dans le refus d’une remise en question des pratiques de la chimie que dans le refus de suivre les tendances de son époque.
Générant une crise technico-économique pour les domaines devant évoluer à marche forcée et à marge fondue, cette transition agroenvironnementale présente aussi l’opportunité de réinventer les pratiques vitivinicoles pour coller aux attentes du moment et se préparer à la nouvelle donne climatique. S’il y a beaucoup de fers au feu, avec leur lot d’investissements et de risques, cela doit permettre au vignoble de gagner en durabilité, en sens et… en valeur foncière. Sans adaptations, le patrimoine actuel sera amené à vieillir et à ne plus être dans le match.