J’ai bien fait de venir. Je ne savais pas que la dose autorisée avait été si drastiquement réduite. Il faut que je révise mes pratiques. » Coopérateur au Pouget, Pierre Plouzennec s’est déplacé à Saint-Thibéry ce vendredi 18 février pour assister à une formation organisée par la Chambre d’Agriculture de l’Hérault et la coopérative d’approvisionnement de Saint-Thibéry. Une vingtaine de viticulteurs sont venus pour réussir ce nouveau challenge : désherber avec 450 g/ha de glyphosate.
L’affaire est loin d’être un jeu d’enfant. « Avec 450 g/ ha, on n’a plus le droit à l’erreur. Il faut que chaque goutte de produit soit efficace. On oublie le désherbage en plein. Le seul moyen de s’en sortir, c’est de concentrer la pulvérisation sur une toute petite bande sous le rang », annonce d’emblée Christophe Auvergne, conseiller à la CA34.
Le hic, c’est qu’aucune des trois buses actuellement homologuées pour réduire les Zones de Non Traitement (ZNT) ne permet de réduire suffisamment la largeur de traitement lorsqu’elles sont utilisées classiquement. « Dans des vignes plantées à 2,25 m, la bande désherbée ne doit pas dépasser 71 cm pour éradiquer les graminées et 47 cm pour les dicotylédones. Or, dans le meilleur des cas, ces buses couvrent 63 à 72 cm de large », poursuit le technicien. Qu’à cela ne tienne ! Il a trouvé une astuce pour contourner cette difficulté : donner un angle aux buses afin qu’elles crachent leur pinceau de biais par rapport à l’avancement. Dans cette configuration, elles couvrent une bande d’autant plus étroite que cet angle s’éloigne de l’angle droit.
Pour donner le bon angle aux buses, Christophe Auvergne brandit une clé imprimée en 3D. Sur le papier, la démarche semble séduisante. Dans la pratique, la mise en œuvre paraît plus compliquée d’autant que le conseiller commence par plusieurs recommandations. « Il ne faut pas plus de 12 à 17 cm entre la buse et la souche pour bien couvrir la bande sous le pied », précise-t-il tout d’abord. La salle réagit. « Mais la ligne de souche n’est pas forcément rectiligne. Il faudrait un système d’évitement comme sur les interceps », intervient un viticulteur.
Autre point qui soulève la controverse : la consigne de passer sur tous les rangs, car les buses pulvérisent davantage au centre que sur les côtés. La quantité qui arrive de l’autre côté des souches est faible. Il faut donc passer dans tous les rangs pour que les deux côtés de la ligne des souches reçoivent la même dose. « Ce n’est pas génial : on consomme le double de GNR et on tasse les sols. Jusqu’ici, je traitais tous les deux rangs, je ne suis pas sûre de changer ma pratique cette année », confie Pascale Izard-Gaudy, viticultrice à Pomérols.
Enfin, la recommandation de concentrer au maximum le glyphosate dans très peu d’eau fait également débat. « 60 litres par hectare, ce n’est vraiment pas beaucoup. Et on a du mal à voir si on désherbe. Ne serait-il pas possible d’ajouter un colorant à la bouillie ? », interroge un autre viticulteur.
Après la théorie, c'est l'heure de la pratique avec un réglage sur le parking de la coopérative. À nouveau, l’affaire ne se révèle pas si simple. « Il n’y a pas d’autres moyens que de faire des essais en modifiant progressivement l’angle des buses jusqu’à obtenir la largeur souhaitée, explique Christophe Auvergne qui, mètre en main, mesure la largeur de la bande qu’il vient tout juste de traiter. « Cette solution n’est pas géniale. Elle n’est pas des plus simple à mettre en œuvre mais, à ce jour, c’est le seul moyen pour désherber efficacement avec le glyphosate », assure l’expert. L’assistance semble convaincue.
« Je vais m’équiper de ces buses spéciales ZNT que je ne connaissais pas et je vais essayer sa méthode. De toute façon, nous n’avons pas le choix, il faut s’adapter », conclut, philosophe, un viticulteur de Florensac.
« En viticulture, nous sommes mal lotis avec seulement trois buses homologuées pour réduire la largeur des ZNT aquatiques et riverains contre plus de 200 en grandes cultures », souligne Christophe Auvergne. Ces modèles sont : Albuz AVI OC, Lechler IS et Teejet AIUB VS. Toutes trois sont à injection d’air et à jet plat excentré. Elles produisent des gouttelettes lourdes qui résistent mieux au vent et limitent ainsi les risques de dérive. Pour une réduction de 66 % de la dérive, la pression recommandée est de 3 bars pour les modèles Albuz et Lechler, et 2,5 bars pour Teejet.