Qu’il faut se méfier des contaminations tardives. « Dans le Val de Loire, l’oïdium est arrivé autour du 21 juillet, à fermeture de grappe, alors que d’habitude, à ce stade, on réfléchit à arrêter la protection », illustre Louis Chevrier, responsable technique cultures pérennes chez Bayer. Dans les Pyrénées-Orientales, Marc Guisset, conseiller à la chambre d’agriculture, confirme : « On a de plus en plus de développements tardifs, et moins d’attaques précoces. Il faut rester vigilant en début de protection et ne pas baisser la garde durant la période sensible, soit de la floraison jusqu’à la nouaison, même si la météo n’est pas favorable. »
En maîtrisant la vigueur, et en aérant le feuillage. L’oïdium aime l’ombre. Pour lutter, « recherchez l’ensoleillement et la lumière sur les feuilles et sur les grappes », résume Lilian Bachellerie. Le conseiller indépendant en Gironde et à Bergerac-Duras met en avant l’intérêt d’un effeuillage précoce à fin floraison s'il est manuel ou à basculement des grappes s'il est mécanique, à raison d’une face côté soleil levant. Pour aérer la végétation, Marc Guisset insiste aussi sur l’importance d’un bon palissage. Les conseillers recommandent également de bien raisonner la fertilisation, pour éviter des parcelles trop vigoureuses.
Grâce à certains modèles. SOV en Bourgogne et Oïdi en Champagne estiment un risque potentiel en sortie d’hiver. Mais, au final, ce sont les conditions météo de l’année qui déterminent la pression. De son côté, Bayer met en avant l’intérêt de son outil d'aide à la décision (OAD) Movida Grape Vision. D’autres modèles comme Potentiel Système, RIMpro, Promete existent, mais selon Marc Guisset, « pour l’instant, les modèles ne sont pas suffisants pour estimer la pression du parasite ».
Dès 2-3 feuilles étalées dans les situations les plus à risque. C’est le cas pour les cépages à drapeaux. « Même si, en pratique, les vignerons démarrent plutôt lorsqu’il y a 3 à 5 feuilles étalées », observe Marc Guisset dans les Pyrénées-Orientales. Pour ce conseiller, « le plus efficace est de supprimer les drapeaux à la main, une opération que l'on peut faire en même temps que l’ébourgeonnage, et de traiter juste après ». Sur les parcelles sans drapeaux, mais à historique, il recommande aussi un démarrage à 2-3 feuilles étalées ou à 3-4 feuilles, selon la sensibilité des cépages. Les autres parcelles peuvent attendre 7-8 feuilles étalées. Pour Franck Mazy, consultant viticole qui intervient en Champagne, mieux vaut débuter à 3-5 feuilles étalées dans les parcelles à historiques, et à 5-7 feuilles dans les autres. Dans le Bordelais et le Bergeracois, Lilian Bachellerie déclenche également les traitements à 3 feuilles étalées dans les zones à historique, « mais si la météo n’est pas favorable, avec un grand ciel bleu, je peux attendre un peu ». Dans les autres parcelles, il préconise de débuter la protection oïdium en même temps que celle contre le mildiou.
Avec du soufre. Franck Mazy recommande ainsi de démarrer avec 8 kg de soufre mouillable. De son côté, Lilian Bachellerie préconise, pour les programmes sans CMR, un premier traitement associant « 5 à 6 kg de soufre et 0,6 % d’huile essentielle d’orange ». Dans les parcelles qui n’ont pas d’historique oïdium, Bayer conseille de démarrer avec une association de Sonata (Bacillus pumilus) et 5 l de Maxisoufre (soit 3,5 kg de soufre), deux produits de sa gamme, ou avec Maxisoufre solo. « Et dans les parcelles à historique, Prosper (spiroxamine) est indiqué », ajoute Louis Chevrier. La spiroxamine est intéressante, car elle est dotée d’une action curative. Toutefois, comme elle est classée CMR, « les viticulteurs y ont de moins en moins recours », observe Lilian Bachellerie.
Avec la qPCR. Cet outil, développé par Bayer, détecte la présence de spores d’oïdium par analyse génétique, deux à trois semaines avant l’apparition des premiers symptômes. Marc Guisset en reconnaît l’intérêt. Tout comme Franck Mazy, qui le teste au sein d’un groupe piloté par le Comité Champagne : « Cet outil aide à comprendre le démarrage de la maladie et à appréhender la pression. » Toutefois sur le terrain, l’utilisation de la qPCR reste limitée. Ce que reconnaît Bayer. Pourquoi ? D’une part en raison de son coût - 1 500 € pour trois prélèvements -, mais aussi « car les résultats ne sont valables que si l'on arrive à créer un réseau de qPCR au niveau de chaque région », ajoute Hermann Yadjia, chef marché vigne arbo maraîchage chez Bayer. Le kit ne sera donc pas commercialisé cette année, mais la firme continue de l’utiliser dans son réseau expérimental.
Selon la rémanence des produits, la pluie et la pousse de la vigne. En Champagne, « on a vu des cartons en 2021 liés à des délais de renouvellement trop longs », alerte Franck Mazy. Pour ce conseiller, entre les stades 10-12 feuilles étalées et fermeture de grappe, il ne faut pas aller au-delà de la persistance d’action des produits. Mieux vaut renouveler le soufre au bout de huit-dix jours ou après plus de 20 mm de pluie. S'agissant du Maxisoufre, Bayer recommande de le renouveler au bout de sept à dix jours, et au delà de 25 mm de pluie.
Pour les systémiques, les cadences sont de 12 à 14 jours, sauf pour la spiroxamine et pour Luna Sensation/Luna Xtend (trifloxystrobine et fluopyram). Bayer précise que la spiroxamine est à renouveler au bout de dix à douze jours selon la pression et que Luna Sensation/Luna Xtend est efficace jusqu’à 21 jours.
« En général, les vignerons pilotent les renouvellements en fonction du mildiou et mettent l’anti-oïdium en même temps qu'un antimildiou, note Lilian Bachellerie. Mais s’ils gèrent les renouvellements en fonction de l’oïdium et que la météo est défavorable au mildiou, ils peuvent attendre jusqu’à 28 jours après un Luna Sensation/Luna Xtend pour renouveler la protection avec un produit type Dynali (cyflufénamide et difénoconazole), doté d’une action curative. »
La floraison. Franck Mazy conseille d’être particulièrement vigilant en encadrement floraison, période durant laquelle il préfère appliquer des produits haut de gamme comme Vivando (métrafénone), Luna Xtend/Luna Sensation, voire Dynali/Rocca (difénoconazole et cylufénamide). « Et quand le palissage est terminé, si la pression est importante, le viticulteur peut faire un Yaris (fluxapyroxade), mais il est classé CMR », ajoute-t-il. Pour Louis Chevrier, la vigilance s’impose de la floraison à la nouaison : « Un Luna Sensation est tout indiqué durant cette période. » À noter : le soufre mouillable convient très bien pour l’encadrement floraison.
Un biocontrôle, un soufre ou une spiroxamine. « Les soufres mouillables et les poudres ont une action curative. Ils peuvent aider à enrayer une attaque », observe Marc Guisset. Si l’attaque a lieu à la fermeture de la grappe et que les températures ne sont pas caniculaires, le conseiller recommande 8 kg de soufre mouillable puis de positionner le traitement suivant sept jours plus tard. En Champagne, Franck Mazy privilégie un traitement à base de spiroxamine (Prosper, Hoggar), ou 4 à 6 kg de soufre mouillable associé à de l'huile essentielle d’orange, même s'il pointe l’impact de cette dernière sur les auxiliaires. Il recommande aussi en curatif l’Armicarb (hydrogénocarbonate de potassium), associé à 8 kg de soufre. Chez Bayer, Hermann Yadjia met en avant le Prosper, à raison de deux passages espacés de sept jours (avec un maximum de trois dans l’année), et le soufre poudrage. En Gironde, Lilian Bachellerie préconise l’huile essentielle d’orange et un effeuillage pour mettre les grappes à la lumière, l’oïdium étant sensible aux UV : « L’objectif, c’est de rester en dessous des 3 % de grappes touchées pour éviter les mauvais goûts dans les vins. »
En cas de forte pression ou d'attaque. « Les poudrages créent une rupture dans les programmes », explique Marc Guisset. Toutefois, comme le rappelle Franck Mazy, plusieurs conditions doivent être réunies pour qu'ils soient efficaces : « Il faut au un température d'au moins 22-24 °C, sans aller au-delà de 27 °C pour éviter tout risque de brûlure. Il faut aussi un temps lumineux et pas de pluie dans les deux-trois jours après le traitement, l’idéal étant même qu'il ne pleuve pas durant toute la semaine suivant l’intervention. » De son côté, Lilian Bachellerie ne préconise pas de poudrage, d’abord pour préserver les salariés qui réalisent les travaux en vert dans les vignes et parce que cela impose un matériel adapté.
En ne traitant pas quand il fait trop chaud. Bayer conseille de ne pas intervenir avec Maxisoufre si les températures dépassent 28-30 °C durant 24 heures. « Au-delà de 30 °C, il y a un risque », appuie Marc Guisset qui recommande de stopper les traitements 48 heures avant de fortes chaleurs annoncées. « De toute façon, lors de fortes températures, l’oïdium ne se développe pas », rappelle-t-il. Et attention aux doses : « En cas de fortes chaleurs, il faut se limiter à 4 kg de soufre, en complétant avec un produit de biocontrôle », précise-t-il. En Champagne, Franck Mazy apprécie l’effet de l’Héliosoufre, « car il colle au feuillage. Mais à partir de 25-26 °C, mieux vaut repasser sur un soufre mouillable classique, car les dérivés terpéniques présents dans Héliosoufre risquent de favoriser des brûlures ». En Gironde, Lilian Bachellerie recommande de suivre les préconisations des fabricants et, dans la mesure du possible, de finir les traitements assez tôt dans la journée, avant que les températures montent.
À la fermeture de grappe si la situation est saine, sinon à la véraison. À fermeture, « s’il y a de l’oïdium, on poursuit la protection, en veillant au respect des délais avant récolte des produits », explique Hermann Yadjia chez Bayer. « En fin de programme, les viticulteurs privilégient souvent le soufre », observe-t-il. Pour Marc Guisset, il faut arrêter à fermeture de grappe voire tout début véraison en cas de symptômes, mais pas au-delà : « La bataille contre l’oïdium se gagne avant. Après, on ne sera pas efficace. »
En Champagne, « en général, c’est le mildiou qui guide la stratégie », explique Franck Mazy. Le conseiller propose donc de terminer la protection avant début véraison avec 8 kg de soufre associé à 200 g de cuivre. Le cuivre présente l’avantage d’avoir une action sur les cléistothèces, la forme de conservation hivernale de l’oïdium.
En suivant les recommandations de la note technique nationale. L’objectif est d’alterner les modes d’action et les familles chimiques. L’objectif est d’alterner les modes d’actions et les familles chimiques. La note 2022 recommande de limiter les SDHI, comme le fluopyram et le fluxapyroxade à deux applications par an, avec de préférence une application au maximum par classe chimique. Elle limite également les IDM (IBS groupe 1) comme le difénoconazole à deux applications annuelles (avec une seule application par substance active). La spiroxamine est également restreinte à deux applications. Les aryl-phényl-kétones (métrafénone, pyriofénone), les AZN (proquinazide) et la cyflufénamide sont limitées àune application. Toutefois, pour ces trois dernières familles, une application supplémentaire peut être effectuée si la durée de protection le nécessite. Les QoI-P ne sont plus recommandés sur l’oïdium depuis 2019.