éuni ce 20 octobre, le conseil spécialisé vin de FranceAgriMer ne peut éviter le sujet qui enflamme actuellement le vignoble : le lancement de PestiRiv, une « étude d’exposition aux pesticides des riverains de zones viticoles et non viticoles » menée en 2021-2022 par l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (Anses) et l'agence nationale de santé publique (Santé Publique France) sur six bassins viticoles avec des prélèvements de cheveux et d’urine de 3 350 participants adultes et enfants (dont 2 250 à moins de 500 mètres de vignobles). Inédite, cette étude d’exposition à 50 phytos viticoles doit faire appel à la collaboration de la filière viticole pour obtenir a posteriori les plans de traitement des parcelles à proximité des foyers suivis. Une collaboration qui est loin d’être gagnée pour les instances viticoles.
Présidant le conseil spécialisé vin, Jérôme Despey rapporte que « la filière a unanimement dit qu’il est pertinent d’étudier [l’exposition aux pesticides], surtout pour nous qui sommes les premiers exposés (viticulteurs, salariés, famille…). Mais il est perturbant que la filière n’ait pas de réponse à ses questions sur le protocole et la méthodologie de l’étude, alors qu’il y a communication dans la presse. »


Dévoilées dans un courrier à la préfecture de Nouvelle-Aquitaine du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), ces réticences portent sur le protocole expérimental qui est marqué par la surreprésentativité du vignoble girondin dans le périmètre d’étude (la moitié de l’échantillon pour le CIVB, un tiers selon l’ANSES), sur l’accompagnement de la publication de ces résultats (notamment dans les médias grands publics), sur l’absence de résultats tirés de l’étude préliminaire réalisée en 2019 (à Bordeaux et en Champagne)… et sur l’absence de réponses à ces interrogations techniques. « Cela pose la question de la volonté de l’Anses [et de Santé Publique France] de collaborer. On a l’impression que les conclusions existent déjà et qu’il n’y a rien à dire » indique Jérôme Despey, qui précise ne pas avoir siégé aux réunions entre agences sanitaires et interprofessions.
Indiquant échanger avec les représentants de la filière viticole et réaliser des réunions en région pour expliquer le protocole arrêté, Ohri Yamada, le responsable de la phytopharmacovigilance à l’Anses, explique à Vitisphere que « la part importante en Gironde [tient à] la méthodologie de l’étude. Cette dernière se base sur deux critères : une zone à dominante viticole (pour qu’il n’y ait pas d’autre sources de pesticides qui pourraient interférer sur les mesures) et la présence d’habitations. » L’expert ajoute que « on ne peut pas douter du sérieux et de l’intégrité d’agences scientifiques, comme Santé Publique France et l’Anses, sur l’honnêteté intellectuelle dont on va faire preuve pour restituer nos résultats. On fera tout notre possible pour rendre compte de ce que les données disent, pas plus et pas moins. »
Jouant la carte de la pédagogie et de la porte ouverte*, l’Anses et Santé Publique France doivent déployer dès octobre la première campagne de prélèvements auprès des 3 350 participants tirés au sort. Un calendrier trop rapide pour la filière vin qui conditionne son soutien à l’étude. « Aujourd’hui, tant que la filière n’aura pas de réponses à toutes ses questions posées, c’est qu’il n’y aura pas de volonté de collaboration de l’ANSES avec le secteur viticole » indique Jérôme Despey, qui précise regretter d’en arriver à cette position de retrait tant qu’il n’y aura pas de dialogue constructif.
* : Comme en évoquant la nécessité d’intégrer un représentant du vignoble au comité de suivi de PestiRiv.