Retards de plus en plus importants, coûts qui grimpent et pénurie de conteneurs sont autant de soucis que doivent gérer les compagnies maritimes et commissionnaires de transport, et par conséquent leurs clients. En cause : une montée en flèche de la demande, notamment américaine et depuis le deuxième semestre de 2020, et un afflux de marchandises en provenance essentiellement de l’Asie. « Les compagnies maritimes se sont focalisées sur le déploiement de leurs capacités en direction des routes transpacifiques car c’est là que la demande est la plus soutenue. Par conséquent, il y a beaucoup moins de place disponible pour le transport entre l’Europe et l’Asie ou sur les routes transatlantiques » explique Emmanuel Olivier, directeur des achats de fret maritime au sein de JF Hillebrand, lors d’un webinaire organisé la semaine dernière par le courtier international Ciatti.
Résultat : des ports comme Los Angeles, Long Beach ou New York/New Jersey aux Etats-Unis et certains ports chinois comme Yantian sont complètement saturés. Dans le même temps, si la demande mondiale de conteneurs a progressé de 11 % au premier trimestre 2021, l’augmentation de l’allocation des capacités est estimée à 3 % pour 2020 et 4 % pour 2021. Enfin, les retards à quai et en mer entraînent l’immobilisation des conteneurs : « A travers le monde, 60 à 65 % des navires accusent un retard, et le retard moyen est de 6,5 jours au premier trimestre 2021. Entre 15 et 20 % du parc de conteneurs ne peut être utilisé par les compagnies maritimes. La situation est inédite ».
Certes, les problèmes ont été exacerbés par des événements ponctuels comme le blocage du Canal de Suez en mars et une recrudescence des cas de Covid à Yantian dans le sud de la Chine : la semaine dernière, environ 300 bateaux attendaient de pouvoir accoster dans le port chinois. Mais pour Hillebrand, la situation est tout sauf éphémère. La concentration des compagnies maritimes et les délais de mise en service de nouveaux navires et du développement du parc des conteneurs auront pour conséquence de prolonger les difficultés logistiques actuelles. « D’ici 2023, et en incluant les navires commandés, les principaux transporteurs contrôleront 85 % de la capacité mondiale du transport maritime, ce qui réduira les alternatives », affirme Emmanuel Olivier. « De plus, ce n’est qu’en 2023 que les commandes passées aujourd’hui se traduiront par des disponibilités accrues au service des commissionnaires de transport ».
En parallèle, la demande ne devrait pas s’essouffler d’aussitôt. « Les pronostics font état d’une forte augmentation des PIB et du transport des marchandises qui accompagne la reprise de l’économie ». Pis encore, la hausse des coûts s’accélère : « les coûts des terminaux portuaires augmentent, de même que ceux des équipements (déplacement des conteneurs, fabrication de nouveaux conteneurs et de nouveaux navires), le prix du carburant est en hausse et les frais d'affrètement atteignent des niveaux sans précédent, jusqu’à 150 000 dollars par jour à l’heure actuelle. Par conséquent le coût du fret maritime va continuer à augmenter ». Cela, sans parler des problèmes engendrés par les retards : « en tant que courtiers, notre processus d'approvisionnement commence presque en vérifiant que les acheteurs ont la confirmation de la disponibilité des conteneurs et des délais estimés de livraison de leurs transitaires » explique Florian Ceschi, directeur de Ciatti Europe, qui évoque un doublement du temps de transit : « Entre l'expédition européenne et le dédouanement dans le port d'Oakland, il faut compter 8 semaines contre 4 auparavant ». Et de conclure : « La logistique était un sujet secondaire, mais elle devient aussi stratégique et importante que l’achat de vin ».