Jean-Michel Geeraert : Ce qui est certain, c’est que depuis 2015-2016 la donne a changé. Ce que nous appelons la dérive climatique se manifeste chaque année et l’agriculture est directement impactée par ces changements. Nos clients ont fait face en 2016 à des excès d’eau (surtout dans le centre de la France, pour les céréaliers), en 2017 il y a eu un épisode de gel très important en vigne (avec un rapport sinistres/cotisations de près de 400 %) et une sécheresse en 2018 et en 2019 (notamment pour l’élevage). En 2020, l’année a de nouveau été marquée par des épisodes de gel en vigne.
Notre agriculture doit se préparer aux conséquences du changement climatique. Sur la base de travaux d’experts, les assureurs estiment que les sinistres climatiques auront doublé en fréquence et en intensité d’ici 2040.
Ce ne sont pas les événements d’une année qui définissent les tarifs de l’année suivante. Notre métier est de lisser les coups durs. Nous raisonnons nos tarifs sur une longue période. Force est de constater que les pertes ponctuelles de 20-25 % sont désormais devenues des pertes régulières de 50-75 %. Les choses s’accélèrent et il n’y a plus de région épargnée. On l’a vu avec les dernières inondations, avec des crues survenues dans des régions où elles n’étaient pas attendues. Les exploitants ayant des réserves physiques, comme on peut le voir en caves, ou numéraires, peuvent passer une année, mais difficilement plus.
Depuis 2005, les assureurs enregistrent un rapport sinistres/cotisations de 105 % ce qui n’est pas une situation équilibrée. Dans un contexte où la fréquence de survenance des sinistres s’accélère, nous avons décidé de majorer les tarifs de l’assurance récolte de 6 % en moyenne. Le coût de l’assurance peut malgré tout être abaissé si des moyens de prévention/protection sont mis en place. Par exemple avec des tours antigel ou de l’irrigation. Le Crédit agricole accompagne ces investissements.
L’une des caractéristiques du monde agricole, c’est qu’à chaque événement climatique important les souscriptions sont fortes. Elles ont ainsi augmenté dans le vignoble en 2018 et en 2019, du fait du gel 2017. Les souscriptions ont doublé depuis l’épisode de gel de 2017. Ainsi, nous assurions 350 millions € de capital en vigne contre 800 millions € aujourd’hui. Mais il y en a eu moins en 2020, ce qui doit nous alerter collectivement.
Nous avons 15 000 clients assurés uniquement contre la grêle et 12 000 supplémentaires pour l’ensemble des risques climatiques. Nous avons 5 200 viticulteurs en portefeuille sur toutes les régions viticoles.
Nous nous réjouissons de cette mobilisation et Pacifica met tout en œuvre pour satisfaire au mieux les conditions de souscription.
Dans le cadre des discussions en cours avec les Organisations Professionnelles Agricoles et le Ministère de l’Agriculture, nous réfléchissons la mise en place d’un dispositif permettant de couvrir les risques extrêmes qui pourrait prendre la forme d’un contrat d’assurance ou d’une rénovation du fonds des calamités agricoles. Une sorte de filet de sécurité accessible au plus grand nombre.