La carotte avant le bâton
Macron transforme l'interdiction du glyphosate en crédit d’impôt pour les agriculteurs qui s’en passeront avant 2022

Le Sénat a adopté un amendement créant un crédit d’impôt d’un montant de 2 500€ pour les agriculteurs qui se passeront du glyphosate en 2021 et 2022, date à laquelle Emmanuel Macron a repoussé son interdiction. L’Etat abonde aussi la prime à la conversion des agroéquipements.
Lors de la séquence sur l’écologie de son interview à Brut du 4 décembre, le président de la République est revenu sur sa promesse d’interdire le glyphosate en 2021.
A LIRE AUSSI
Emmanuel Macron a admis que priver les agriculteurs français de cette molécule les mettrait dans une situation trop délicate vis à vis de leurs voisins européens. « Ça créé de la distorsion. On va continuer à manger les mêmes aliments en les important de Belgique, d’Italie ou d’Espagne qui eux continuent à utiliser le glyphosate. Si on l’interdit, on sacrifie notre agriculture. Quand on veut lutter contre les pesticides, c’est l’Europe le bon niveau ».
Le chef de l’Etat a fait le parallèle avec les insecticides néonicotinoïdes dans la culture de la betterave sucrière dont l'interdiction en France a été repoussé il y a quelques semaines.
« Il y a des aussi filières qui ont souffert d’autres phénomènes qu’on n’avait pas prévus. Par exemple, la viticulture était en train de sortir du glyphosate mais elle a eu les taxes américaines, elle a perdu beaucoup en rentabilité, elle a dû ralentir » a-t-il reconnu.
Emmanuel Macron espère faire avancer le dossier glyphosate lors de la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022. Le sort de la molécule sera définitivement tranché le 15 décembre de la même année.
Pour encourager les agriculteurs à passer le cap avant 2022, il a promis la mise en place d’un crédit d’impôt. Dès le lendemain, les sénateurs ont voté un amendement au projet de loi de finances 2021.
Il instaure un crédit d’impôt temporaire d’un montant de 2 500€ pour soutenir les entreprises agricoles qui déclarent en 2021 et/ou 2022 qu’elles n’utilisent plus de produits phytopharmaceutiques contenant du glyphosate. La mesure « vient en complément des crédits d’impôts pour l’agriculture biologique et la Haute Valeur Environnementale » précise ce 7 décembre le Ministère de l’agriculture. « Ce crédit vise les filières les plus impactées économiquement, ce qui est le cas en particulier de la viticulture, l’arboriculture et des grandes cultures ».
Lors de son interview, Emmanuel Macron a aussi assuré vouloir apporter « une solution aux agriculteurs ».
« Les jeunes qui s’installent ont autant envie que vous de se débarrasser des pesticides et des herbicides. Ils travaillent 75 à 80 heures par semaine pour un revenu parfois en dessous du revenu minimum. Si je leur dis d’aller débroussailler à la main ou à la machine, ce sont des dizaines d’heures de plus par semaine » a-t-il expliqué, en indiquant avoir revu le budget de la recherche à la hausse pour « trouver de nouvelles techniques, des intrants moins toxiques ou des innovations comme les cépages résilients ».
Le Ministère de l’agriculture annonce en plus aujourd’hui abonder de 80 millions d’euros supplémentaires la prime à la conversion des agroéquipements prévue dans le plan de relance, désormais dotée de 215 millions d’euros, pour « compenser les coûts induits par la sortie du glyphosate pour les agriculteurs, qui, sauf à se convertir au bio, ne bénéficient pas de création de valeur immédiate ».
Se basant sur les travaux de l’INRAe, le gouvernement rappelle que la sortie du glyphosate entraîne une perte d’excédent brut d’exploitation (EBE) allant jusqu’à 16 % pour en grandes cultures et 7 % en viticulture, « soit un surcoût moyen de 250 € par hectare ».
La réaction de Générations Futures ne s’est pas fait attendre longtemps. Elle a déjà lancé une pétition invitant les internautes à demander à Emmanuel Macron de tenir sa promesse d’une interdiction du glyphosate « maintenant ».
L’association annonce également ce 7 décembre attaquer en justice les cinq premières nouvelles autorisations de mise sur le marché (AMM) de désherbants à base de glyphosate délivrées par l’Anses le 8 octobre dernier. Elles concernent le Gallup 360 K, le Krypt 540, le Kyleo, le Touchdown foret et le Touchdown system 4. Seul ce dernier herbicide est autorisé en vigne.