’affaire démarre le 24 novembre, quand Sandrine Goeyvaerts, journaliste et caviste, découvre la caricature publiée en page 161 du dernier numéro de la revue En Magnum.
Titrée, « le covid oblige à de nouveaux stratagèmes », le dessin met en scène une jeune caviste proposant des faveurs sexuelles à un caviste. « A la commande d’une palette j’enlève le haut, et à la commande d’un container… » lui promet-elle.
Reprochant à cette caricature « un sexisme crasse et idiot », Sandrine Goeyvaerts interpelle les éditeurs de la revue, Michel Bettane et Thierry Desseauve sur ses comptes Twitter et Facebook. La mayonnaise monte. Le soir même, elle reçoit plusieurs SMS du rédacteur en chef Nicolas de Rouyn, parmi lesquels un « Si tu cherches la bagarre, je ne manque pas de moyens ». Elle fait part à ses abonnés de ces menaces.
Le lendemain, Thierry Desseauve publie un droit de réponse sur Facebook. « Jamais, ni Michel, ni moi, n’avons dénigré le rôle d’une femme dans le vin au motif qu’elle était une femme ou boycotté une cuvée au titre qu’elle était réalisée par une femme. L’époque est à l’accusation facile à coups de hashtags stigmatisants » indique-t-il.
Mais l'escalade continue. La Fédération des cavistes indépendants réagit. « Non, ce n’est pas ainsi que les femmes engagées dans la vente des vins et des spiritueux se comportent ! Ce dessin semble plus reprendre un fantasme de dessinateur qu’une réalité quotidienne ! ».
Des centaines de commentaires fleurissent sur Facebook. « Des journalistes du magazine, ou des sympathisants ont commis des posts, concentrés sur quelques comptes, où les insultes fusent » reprend Sandrine Goeyvaerts, qui raconte avoir été harcelée sur sa santé mentale, son physique, ou ses compétences professionnelles « pendant une bonne semaine ». Beaucoup la soutiennent et dénoncent la caricature, comme la journaliste vin du Journal Le Monde Ophélie Neiman.


Même le célèbre avocat Eric Morain s’en mêle. « La révolution verte dans la viticulture est en marche mais il reste une autre Bastille à prendre : celle du machisme et du sexisme qui est partout dans ce milieu. En tant qu’avocat pénaliste, je reçois quantité de témoignages. Pendant des décennies, les hommes se sont appropriés les terrains de la vigne et du chai, et certains, bien installés dans leur confort de guides, de blogs, de soi-disant prescripteurs ou d’invités partout à boire gratis, ne supportent pas que des femmes d’aujourd’hui fassent autre chose que nettoyer les verres qu’ils vident. Il y a des femmes vigneronnes exceptionnelles, des femmes cavistes qui le sont tout autant et les propos indignes du fait de leur sexe doivent être bannis » a-t-il publié sur Facebook ce 2 décembre.
A la lecture de notre article ce 7 décembre, Thierry Desseauve a souhaité s'exprimer. « Nous présentons nos excuses à toutes les personnes, quelles que soit leur sexe ou leur activité professionnelle, qui ont pu se sentir blessées par ce dessin. Pour autant, au-delà de cette planche qui relève de l’art de la caricature - certes difficile en ces temps - de nombreuses réflexions et interventions sur les réseaux sociaux, semblent mettre en cause une ligne « machiste et sexiste » de notre magazine, voire même de ses fondateurs Michel Bettane et moi-même. Ces accusations sont d’une part infondées : la simple lecture des numéros de En Magnum ou de nos guides (« la personnalité de l’année » du guide Bettane+Desseauve 2020 est ainsi une femme) le démontre depuis leur création. Une visite de nos évènements Le Grand Tasting, en France comme à l’étranger, montrerait également que ceux-ci en terme de visitorat comme d’exposants sont certainement les salons viticoles dans lesquels les femmes sont les plus présentes. Ces attaques sont d’autre part insultantes et, pour Michel Bettane et moi-même, absolument contraires à nos convictions personnelles et à nos engagements professionnels depuis trente années d’activité conjointe ».