Nous ne pouvons pas accepter une situation où une bodega devrait faire faillite suite à la pandémie de covid-19. Un budget ordinaire ne suffit pas, il faut un budget extraordinaire sur trois ans pour redynamiser le secteur viticole. C’est le message à faire passer » pose Angel Villafranca le président des coopératives agricoles espagnoles, en introduction de la visioconférence du 2 décembre organisé par le Wine Institute, think tank européen des caves coopératives françaises, espagnoles et italiennes.
Réunissant des parlementaires, représentants de la filière et hauts fonctionnaires, cette table ronde remet au centre des débats la question d’absence d’aides financières de la Commission Européenne pour la filière vin. « Au cours de cette année de pandémie, les mesures d’urgence ont été prises en puisant dans les Programmes Nationaux d’Aides (PNA) pour parer au plus pressé » rappelle la députée européenne Clara Aguilera. L’élue espagnole indique que « pour soutenir le secteur en 2021, il faut commencer par mettre à disposition des fonds supplémentaires, avec des mesures spécifiques pour notre secteur. Les fonds du programme espagnol sont déjà engagés, la commission européenne ne peut pas nous dire de déplacer à nouveau des fonds, il n’y a plus rien à déplacer ! »


« Nous avons besoin de ressources supplémentaires » renchérit Teresa Bellanova, la ministre italienne à l’Agriculture interpellant la Commission pour lui indiquer que « la filière vin nécessite une attention particulière » et doit bénéficier d’aides à la promotion exceptionnelles. « Les données sont claires. Nous sommes face à une crise de la demande, c’est à ce niveau que nous devons intervenir » renchérit le député européen Paolo De Castro, qui plaide pour des subventions communautaires à la promotion de l’œnotourisme au sein du marché commun.
Pas de fausse note française dans ce concert de demandes communautaires : « nous sommes face à une crise qui va probablement durer en 2021. Nous avons besoin de pouvoir continuer à accompagner la filière : il faut que la commission européenne nous donne les moyens de le faire » souligne
Philippe Duclaud, le directeur général adjoint à la Direction Générale de la Performance Economique et Environnementale des Entreprises (DGPE). Le représentant du ministère Agriculture appellant d’urgence à un soutien juridique passant par la prolongation d’actés délégués se faisant attendre (voir encadré).
Pour soutenir le vignoble, « la commission a fait tout ce qui était en son pouvoir (aides à la promotion suite aux surtaxes américaines, pour la pandémie lancement de flexibilités pour la distillation, les vendanges en vert, le stockage, les autorisations de plantation…) » répond Maciej Golubiewski, le directeur de cabinet du commissaire européen à l’Agriculture. Faisant état d’un budget européen de 1,9 milliard € pour les programmes vin en 2020, le haut-fonctionnaire estime que « contrairement à ce qui a été dit, il s’agit vraiment d’argent frais. Les enveloppes nationales pour le vin sont régulièrement sous-consommées. La commission s’est assurée que chaque euro de ces programmes a été consommé cette année. »
Concernant les demandes de nouveaux fonds, Maciej Golubiewski se montre clair : « je ne pense pas que vous puissiez toujours attendre un soutien avec un budget spécifique. Il faut regarder dans les outils existants pour sortir de la crise : le fonds de développement rural, le plan de relance… » Rebondissant sur cette déclaration, l’eurodéputé Irène Tolleret, la présidente de l’inter groupe vin du parlement européen, ne cache pas son intérêt pour « la mobilisation du fonds de développement rural. Il est important de sortir de la PAC et d’arriver à faire en sorte que ces fonds puissent bénéficier aux acteurs de la ruralité. »
« Il faut que la commission prenne l’acte délégué qui permette de prolonger en 2021 les mesures de crise et les possibilités de la gérer en 2021 » indique Philippe Duclaud, alors que la France attend impatiemment cette prolongation pour valider ses mesures d’aide au stockage privé (40 millions € de budget).
« Je sais l’attente du secteur depuis mi-octobre, je demande encore un peu de patience. La commission doit suivre sa procédure avant de demander le scrutin du conseil et du parlement. Mais une fois que ce processus sera fini, il s’appliquera rétroactivement à la mi-octobre » assure Maciej Golubiewski.