Clément Desbois : La crise du coronavirus a complétement désorganisé le transport mondial. Dès février la Chine a été très impactée alors que c’est un expéditeur majeur. Avec moins de fret, les compagnies maritimes ont réduit leurs capacités en retirant des navires du service (ils ont été mis à l’idle) et en mettant de plus petits containeurs à la place pour maintenir le taux de fret à l’équilibre entre l’offre et la demande. Mais la forte reprise du commerce mondial cet été a entraîné un volume énorme et soudain entre les Etats-Unis (où la consommation est soutenue) et l’Asie (qui n’a pas été touchée par une deuxième vague de covid).
Pour répondre à cette demande lucrative, les compagnies maritimes mobilisent leurs bateaux et leur équipement sur cet important flux transpacifique. Ce qui déséquilibre les flux mondiaux. En Europe il n’y a plus assez de containers (surtout les Reefers permettant de maintenir une température constante à 15°C pour les grands vins). Ce manque d’équipement est exacerbé par le manque de place sur les bateaux qui ne peuvent pas transporter de containers vides pour recréer les stocks. Toute la chaîne logistique est déséquilibrée à cause de la vision court-termiste des compagnies maritimes cherchant la tradelane la plus lucrative.
Quelles sont les conséquences en termes de surcoûts et de délais pour les expéditions de vins et spiritueux ?
Les coûts pour un container augmentent de 20 % pour un envoi transatlantique (Union Européenne-Etats Unis), pour atteindre 2 000 à 2 500 dollars (soit 1 700 à 2 100 euros). Pour un transport de l’Europe à la Chine, la surcharge est de 100 %, passant de 500-600 $ à 1 000-1 200 $ (soit de 400-500 € à 800-1 000 €). La hausse est brutale. Normalement, les contrats avec les transporteurs maritimes évitent de telles surcharges, mais ils ne tiennent plus leurs engagements et profitent du rapport de force pour imposer ces hausses. Nous sommes obligés de l’accepter et de le répercuter sur nos clients.
En termes de délais, les commandes américaines pour la fin d’année ont été très tendues. Pour le nouvel an chinois, le manque de place complique les choses. Et il y a un autre phénomène, la congestion des containers dans les ports. Les containers s’empilent dans les terminaux avec les procédures de lutte contre le covid, ce qui occasionne des délais supplémentaires en bout de chaîne. C’est le cas au port de Los Angeles, mais aussi des ports anglais avec les incertitudes sur le Brexit.
Combien de temps cette situation devrait-elle encore durer ?
La gymnastique devrait encore être difficile pour 6 à 8 mois, avant un retour à la normale. Il n’y a pas de raison que les compagnies ne réussissent pas à rééquilibrer l’offre et la demande. Mais il reste encore de nombreuses inconnues (crise économique, relocalisation des flux…).