Toutes les filières vitivinicoles ont souffert de la pandémie. Mais au-delà de l’impact de la fermeture du circuit CHR et de la complexité des vendanges, le secteur sud-africain a dû surmonter plusieurs volte-face de la part de son gouvernement dans les décisions prises, ainsi que des mesures particulièrement strictes et contraignantes. Pendant six mois, la vente de boissons alcooliques a été interdite en quasi-continuité sur le marché local, le gouvernement ayant invoqué la nécessité d’éviter une surcharge hospitalière provoquée par des incidents liés à l’alcool. Pis encore, les exportations ont été interdites, puis autorisées, puis de nouveau interdites en l’espace de trois semaines en avril, pour finalement reprendre début mai tout en étant entravées par des difficultés logistiques et une météorologie peu clémente.
Tout au long de ce feuilleton, des organismes professionnels comme Vinpro ont tiré la sonnette d’alarme et n’ont cessé de dialoguer avec l’Etat pour le sensibiliser à la situation critique que traverse la filière, déjà exsangue après des années de sécheresse et de manque de rentabilité. C’est justement au moment où les professionnels sud-africains entamaient un tournant, avec des indicateurs qui commençaient à verdir et une situation climatique moins critique que les années précédentes, qu’ils ont été frappés par la Covid-19 et des mesures qui risquent d’entraîner déréférencements et perte de visibilité en linéaire. « Le tourisme et le secteur CHR (restaurants, bars, domaines avec caveau etc) ont été anéantis », déplore par ailleurs Dimitri Coutras, responsable de Wine Intelligence pour l’Afrique du Sud. « Beaucoup d’établissements ont baissé le rideau ».
Dans les caves et les vignes, les préparatifs vont déjà bon train en prévision de la prochaine récolte, faisant craindre au directeur de Vinpro, Rico Basson, la prochaine problématique : « Nos producteurs préparent déjà la récolte 2021 mais avec près de 300 millions de litres de vins excédentaires encore dans les cuves, nous n’aurons peut-être pas assez de place pour accueillir la prochaine récolte. La situation est désastreuse ». D’autant plus qu’elle aura un impact direct sur les prix départ cave.
Commentant la décision du Président Cyril Ramaphosa de lever partiellement les restrictions sur la vente de boissons alcooliques à la mi-août, Rico Basson s’est dit « consterné par l’étendue des dégâts sur notre secteur causés par l’interdiction temporaire des exportations et les restrictions prolongées sur les ventes locales ». Il a qualifié cette levée partielle de « peut-être trop peu trop tard. Beaucoup d’entreprises viticoles ont déjà mis la clé sous la porte et la reprise économique pour le secteur vitivinicole dans son ensemble sera longue ». Vinpro estime que plus de 80 caves et 350 producteurs de raisins vont faire faillite au cours des 18 prochains mois.
Le président de l’organisme, Anton Smuts, attribue certaines difficultés à la configuration du secteur sud-africain : « la filière est dominée par de petites entreprises – 40 % des viticulteurs produisent moins de 100 tonnes et 36 % supplémentaires moins de 500 tonnes par an – dont la majeure partie ne disposent pas de relais financiers leur permettant de surmonter cette traversée du désert économique ». Et de rappeler « qu’un emploi sur une exploitation agricole permet de créer dix emplois sur l’ensemble de la chaîne de valeur ». Alors que le salon triennal Cape Wine, qui devait se tenir en 2021, a été reporté jusqu’en octobre 2022, l’analyste de Wine Intelligence pointe néanmoins quelques petits rayons de soleil du côté du Cap occidental. Outre le développement du commerce en ligne et des ventes directes, Dimitri Coutras se félicite de tous les gestes soutien manifestés à l’égard du secteur sud-africain au cours des six derniers mois, tout comme les initiatives solidaires qui ont rapproché, pour ne citer qu’eux, restaurateurs et domaines.