lors qu’il vient de recevoir un courrier de la direction générale agricole de la Commission Européenne lui expliquant que l’Europe n’a pas de leviers budgétaires pour financer les plans de crises viticoles, Thomas Montagne, le président de la Confédération Européenne des Vignerons Indépendants, ne cache pas son incompréhension, pour ne pas dire sa froide colère face à la mobilisation annoncée de marges sous plafond d’origine agricole pour d’autres usages. « Il n'y a pas d'impossibilité technique, mais politique » résume le vigneron du Luberon, se disant autant europhile que désabusé par le double-langage de Bruxelles.
Proposée par la Commission Européenne ce 3 juin, adoptée ce 24 juin par la commission budgétaire du Parlement Européen et soumise à un vote en séance plénière en juillet (a priori le 8 juillet), la mobilisation de 481,6 millions d’euros de la marge pour imprévu de l’Union Européenne permettrait de financer les communautés d’accueil des réfugiés syriens en Turquie. Avec 400 millions € pour étendre jusqu’à la fin 2021 le filet de sécurité sociale d’urgence (ESSN, bénéficiant à 1,7 million de réfugiés) et 85 millions € pour les transferts conditionnels en espèces pour les dépenses d’éducation (CCTE, bénéficiant aux familles dont les enfants sont scolarisés et ne sont pas contraints de travailler).
« J’entends tout à fait que l’on puisse dépenser de l’argent pour cette cause, mais je trouve inadmissible qu’il soit pris sur l’agriculture, qui ne bénéficie que de 80 millions € (pour les bovins et le lait) après avoir été félicitée pour sa mobilisation pendant la crise » tempête Thomas Montagne. Le président de la CEVI souligne en effet que ces fonds proviennent de la rubrique 2 du budget européen dédiée à l’agriculture, « ce que l’on appelle les marges sous plafond*, reliquat de la Politique Agricole Commune (PAC) ». Entre cette volonté politique d’assistance internationale d’urgence et l’argument d’une impossibilité technique pour aider la filière vin touchée par la crise du coronavirus, le président du CEVI ne cache pas son ressentiment face à Bruxelles.
« Je comprends très bien une politique pour les réfugiés, mais qu’on ne nous dise pas qu’il n’y a plus d’argent pour l’agriculture et que les marges non allouées ne peuvent être mobilisées dans le Fonds Européen Agricole de Garantie (FEAGA) » critique-t-il, soulignant que « la Commission nous a dit qu’il était techniquement impossible d’accéder à cet argent. C’est déplorable, nous sommes une fois de plus le dindon de la farce. » Pour Thomas Montagne, le Commission ne peut que quand elle veut. Un constat désabusé partagé dans le vignoble français.


« Au-delà d’outils, la filière demande depuis le début de la crise des financements à l’Europe. Aujourd’hui, il n’y a pas eu un centime pour la viticulture » renchérit Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France. Le vigneron de Fitou rapportant que « nous avions émis l’hypothèse d’utiliser ces marges sous plafond, mais on nous avait répondu que ce n’était pas possible. Quand on apprend qu’un axe de politique européenne, que je ne juge pas, bénéficie de fonds destinés à la PAC, c’est nous faire les poches. Ce ne pas acceptable. »
* : Un expert des arcanes bruxelloises précise qu’« il s’agit des marges situées dans la rubrique 2 du budget de l'Union Européenne (ressources naturelles), où l'on trouve la PAC, la pêche et l'environnement. Il ne faut pas croire que le budget de la PAC a été touché. Ce n'est pas le cas. Ce qui a été touché ce sont les fonds au-dessus du budget des politiques de la rubrique 2 qui rentrent dans la marge sous plafond. Les marges sous plafond sont une espèce de surplus dont dispose l'UE pour faire face aux imprévus. »