ue ce soit dans les courriers des représentants du vignoble (comme la Fédération des Grands Vins de Bordeaux) ou dans les commentaires des lecteurs de Vitisphere (par exemple ici), les prestataires de services viticoles sont la cible fréquente de critiques dans le vignoble sur leur non-respect des gestes barrière à la propagation du coronavirus (voir l’encadré pour leur rappel officiel). Depuis le début du confinement, « nous avons de retours sur certains prestataires qui ne respectent toujours pas les consignes. Nous avons essayé de leur parler, en vain, il y a encore certains prestataires qui agissent comme d’habitude, ce qui n’est plus possible. Si les gens sont stupides, qu’ils assument » soupire Benjamin Banton, à la tête de la société girondine Banton et Lauret (381 salariés, dont 230 en CDI). Vice-président du syndicat bordelais des Entrepreneurs des Territoires, le prestataire souligne que cette mentalité rétive aux changements ne se trouve pas plus chez les prestataires que chez les vignerons, mais que la prestation de reste la rend juste plus visible.
Dans tous les cas, il n’y a pas d’excuses pour les opérateurs n’appliquant pas les consignes de sécurité face au Coid-19. Après un nécessaire temps d’adaptation et d’apprentissage, « la mise en place des mesures barrières est facile dans la vigne » note Sébastien Rigobert, le directeur du prestataire champenois G2V (9 salariés en Champagne pour vingtaine de clients hors vendanges). Pour lui, il s’agit de respecter « l’espacement entre salariés, de ne faire aucun déplacement ensemble dans un véhicule, d’éviter tout rassemblement en bout de vigne pour la pause, de donner la possibilité de se laver les mains… »


« On prend largement nos distances à la vigne grâce à l’espacement entre rangs » confirme Elisabeth Razimbaud, à la tête des entreprises Raz (3 salariés à date dans l’Entre Deux Mers et les Graves). La prestataire bordelais renchérit : « je parle des obligations à mes ouvriers, ça passe très bien, on prend les choses au sérieux. Pour certains, il est sûr que c’est fatigant, ça modifie les comportements, la façon d’être et de penser. Mais on fait avec. Dire que nous prestataires ne prenons pas assez de mesures, c’est complétement faux. »
En matière de respect des nouvelles normes, pour le coronavirus comme d’autres réglementations, il s’agit avant tout d’une « volonté et de remise en cause de ses pratiques pour trouver de nouvelles solutions » résume Benjamin Banton. Globalement serein dans leur capacité à répondre à la demande de main d’œuvre de la filière vin dans les prochaines semaines, les prestataires interrogés espèrent surtout que le confinement n’aura pas à durer trop longtemps, et surtout qu’il ne sera pas durci dans ses modalités d’application.
Ayant publié fin mars un « kit de lutte » contre le coronavirus, le gouvernement liste longuement les bonnes pratiques à adopter dans la filière agricole. Sachant qu’un risque peut en cacher un autre : « assurez-vous que l’attention portée au risque d’infection ne conduise pas à occulter ou réduire l’attention portée aux risques propres des chantiers (risques machines, chutes de hauteur, manutentions, port des EPI, etc.). »
Contre le coronavirus, le plan d’actions se divise en trois étapes principales et une foule de mesures :
En amont des travaux, d’abord « prévoyez la liste de ce qu’il faut absolument : des moyens d’hygiène (savon liquide/gel hydro alcoolique, bidons d’eau claire dans les véhicules/sur les chantiers, essuie-mains à usage unique, sacs-poubelle, lingettes ou produits détergents pour nettoyer les matériels contacts et outils), un affichage des recommandations (mesures barrières, lavage des mains et du gel hydro alcoolique dans les sanitaires, à proximité des bidons d’eau et à l’intérieur des engins et véhicules), des attestations/autorisations de déplacement pour les salariés, un dispositif de sécurité travailleur isolé (téléphone mobile, trousse de secours, etc.), des moyens de communication à distance (pas de partage de papier/crayon, ordinateurs portables et connexion internet, téléphones. » Ensuite, « organisez la journée de travail [en] communiquant les consignes (par téléphone, SMS, e-mail), supprimant les réunions en présentiel, évitant les prises de poste collectives sur un site avant départ vers les chantiers (les salariés se rendent directement sur le chantier et rentrent directement à leur domicile en fin de journée), organisant les embauches en horaires décalés pour limiter les contacts entre les personnes, organisant la réception des matériaux, les chargements/déchargements pour limiter les contacts, organisant l’entretien des tenues de travail au sein de l’entreprise ». Puis « anticipez la coactivité : organisez le flux des personnes dans les locaux de travail (“marche en avant” : flux de déplacement uniquement de l’entrée vers la sortie pour éviter de se croiser, marques aux sols pour le respect d’une distance de sécurité d’au moins 1 mètre entre les postes de travail, limitation du nombre de personnes dans une pièce), organisez les déplacements vers les chantiers (pas de transport collectif : utilisation individuelle des véhicules, si covoiturage : deux personnes par véhicule avec installation en croix : devant gauche/derrière droite, intervenir sur les chantiers les plus éloignés en début de journée ou en début de semaine pour éviter le cumul de fatigue), organisez les vestiaires (flux d’entrée et de sortie : une personne à la fois dans le vestiaire, ou fermez l’accès aux vestiaires. Préconisez les changes dans le véhicule du salarié), organisez les pauses pour déjeuner (priorisez le retour à domicile pour le déjeuner, le repas pris seul à bord de son véhicule, ou le repas pris en extérieur si la météo le permet) et dans la journée (en salle de pause sous réserve d’une organisation stricte des mesures barrières : aération 3 fois par jour nettoyage des surfaces utilisées après chaque convive, nettoyage des machines (micro-onde, machine à café) après chaque utilisation, usage de couverts personnels, fluxd’entrée et de sortie distincts,distancede sécurité entre les personnes : au moins1 m, limitation du nombre de personnes présentes en fonction de la taille de la salle) et organisez le local fumeur (limitez à deux personnes avec une distance de sécurité d’au moins 1 m, pas d’utilisation de gel hydroalcoolique et pas de partage de cigarette ou d’e-cigarette). »
Sur le chantier agricole : « dans les parcelles, privilégiez l’activité individuelle et isolée (avec dispositif de prévention du travailleur isolé) sur des parcelles différentes, avec plusieurs rangs d’écart ou du travail en décalé. Quand l’intervention à plusieurs sur une même tâche est indispensable, constituez des binômes, trinômes qui ne changeront pas jusqu’à nouvel ordre. Privilégiez le travail côte-à-côte plutôt que face-à-face avec toujours la distance de sécurité entre les personnes. Pour se passer les charges, pratiquez la pose et la dépose pour éviter le passage direct entre les opérateurs. Limitez les rotations de poste dans la journée. Privilégiez les outils individuels. L’outillage et le matériel partagé doivent être régulièrement nettoyés à chaque transmission d’un individu à l’autre et lors de la prise et la fin de la journée de travail. » Pour ce qui est de la conduite de tracteurs, « limitez la présence en cabine à une seule personne. Attribuez un seul et unique véhicule/machine par personne. Si le véhicule de chantier doit changer de conducteur, nettoyez le volant, les commandes, les poignées, etc. Mettez en œuvre les gestes barrières lors des phases d’attelage/dételage des outils, si vous travaillez en binôme. Aérez les cabines des engins. Travaillez vitres baissées. » Pour les machines agricoles, « isolez les postes de travail par des séparations physiques (plexiglas, contreplaqué), réduisez le nombre d’opérateur sur la machine en adaptant la cadence. » En matière d’Equipements de Protection Individuelle (EPI), le gouvernement conseille « le port des gants de travail de protection pour éviter les coupures, le cambouis et pour faciliter le lavage ultérieur des mains. De se laver les mains chaque fois que l’on met et enlève un EPI (gants, lunettes, combinaison, casque). Attention : les gants contaminés portés au visage peuvent être source d’infection. Privilégiez les lavages fréquents des mains à un port permanent de la même paire de gants. » Pour les travaux à l’intérieur de bâtiments, le « principe de base est d’espacer d’au moins 1 m. les postes de travail par marquage au sol. Si besoin, poser des séparations physiques entre chaque poste (paravent, plexiglas, film etc.). Veiller à ce que le salarié reprenne le même poste de travail chaque jour. Adapter le travail en équipe sur les chaines de production (station de conditionnement, chaine d’embouteillage) : augmentez les plages horaires de la production, dédoublez les équipes, prévoyez un temps suffisant pour le changement d’équipe. » En matière de vente au public, « le client ne touche pas les produits, le service est assuré par un salarié/exploitant équipé de gants. Les produits sont déposés sur le comptoir par le vendeur, puis dans un second temps pris par le client afin de respecter une distance minimale de sécurité. Privilégiez les modes de règlements “sans-contact”. »
Doivent être surveillés par l’encadrement « le respect des distances de sécurité. La disponibilité des produits nécessaires à l’hygiène. Le nettoyage des outils, habitacles de véhicule, volant, commandes, poignées de porte… en fin de journée de travail. La bonne ventilation des locaux et des engins plusieurs fois par jour et en fin de journée. L’élimination correcte des déchets dans des sacs fermés hermétiquement en fin de journée (présence du virus constant dans le temps sur différents support inorganiques). Procédez à des retours et partages d’expériences des aléas de la journée pour adapter l’organisation du travail et les mesures initialement prévues. Prenez des nouvelles de l’état de santé (éventuels symptômes, ressenti psychologique, appréhension, incompréhension, etc) de vos collaborateurs régulièrement. »