Conférence

Et si vous pensiez « émissions de carbone » ?

itisphere : Tout d'abord, pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le projet « 4 pour 1000 » ?

Christophe Gaviglio : C'est une initiative lancée en 2015 par des scientifiques, pendant la COP 21, mais qui a fait l'objet de peu de communications : les sols ont un rôle important à jouer dans la compensation des émissions de gaz à effets de serre liées aux activités humaines, estimées à 9,6 giga tonnes de carbone par an. Ils en stockent 2400 gigatonnes !

Augmenter à l'échelle mondiale cette quantité de carbone stocké de 0,4% par an, ou 4°/00, , ce qui est très peu, permettrait de compenser ces émissions humaines et ainsi stopper l'augmentation de la quantité de CO2 rejetée dans l'atmosphère.

Ramenée à l'échelle d'un territoire ou d'une filière, chaque viticulteur, avec ses surfaces de vigne, peut contribuer en participant à la captation de carbone.

Vitisphere : Cet objectif est-il atteignable en viticulture ?

CG: Oui, a priori, il l'est. Les taux de matières organiques sont faibles en viticulture, en moyenne entre 1 et 2% maximum. Un enrichissement de 0,4% est plus facile à faire sur sols pauvre, par comparaison à des sols déjà riches en MO. Cela me paraît donc attteignable dans la plupart des situations et selon les pratiques mises en oeuvre...

Vitisphere: Quelles sont ces pratiques qui favorisent le stockage du carbone?

CG: D'une façon générale, toute pratique d'enherbement ou de couvert végétal inter-rangs des sols, qui accroit la captation du carbone atmosphérique par photosynthèse, participe à diminuer le carbone atmosphérique.  L'idéal étant le couvert permanent, qui stocke de façon plus durable le carbone par rapport au couvert temporaire.

Qu'il soit semé ou naturel, on estime que l'enherbement apporte environ 300 kg de carbone/ha/an ; il y a assez peu de différences entre les deux. Le travail du sol en revanche contribue au déstockage, lié à l'accélération du processus de minéralisation de la matière organique et du cycle du carbone. Les éléments sont rendus absorbables plus rapidement par la plante, pour ensuite être exportés.

Tous les viticulteurs qui pratiquent l'enherbement contribuent donc au stockage du carbone ; mais un enherbement n'est pas facile non plus dans tous les contextes pédoclimatiques, en cas de problème de sécheresse par exemple...

Compléter par un apport de matière organique stable, avec un rapport C/N élevé, qui se dégrade donc lentement, comme du fumier, peut permettre de dépasser largement l'objectif.

Vitisphere: Inversement, quelles pratiques sont émettrices, comment réduire ces émissions ?

CG: Pulvérisateur, effeuilleuse, travail du sol...Toutes les opérations mécanisées, énergivores, sont émettrices de carbone. Même si la viticulture reste une petite contributrice par comparaison aux vinifications et surtout à la commercialisation des vins, des marges de progrès importantes existent, notamment en optimisant l'existant. Cela peut passer par le nombre d'interventions, un meilleur réglage des matériels, un bon entretien, une vitesse de travail accélérée, ou encore l'écoconduite, par la formation des tractoristes...

(*Propos tenus lors des Assises des vins du Sud-Ouest, qui se sont déroulées le 17 janvier 2020 à Toulouse)