Impasse technique
2 % du vignoble alsacien directement menacé par la ZNT à 10 mètres

Les Zones de Non Traitement (ZNT) aux pesticides inquiètent en Alsace, où la configuration des parcelles limite le déploiement de matériels de pulvérisation confinée et où la réflexion sur une charte riverains orientée sur les produits bio se voit mise en défaut.
Imposant à proximité des habitations des Zones de Non Traitement (ZNT) dans le vignoble dès la prochaine campagne (10 mètres en général, 3 à 5 m selon le matériel de pulvérisation et 0 m pour les biocontrôles), le nouvel décret interministériel encadrant l’usage agricole des pesticides cause la stupeur dans le vignoble d’Alsace, où le mitage urbain est commun. « On nous dit que si l’on n’a pas le bon matériel de pulvérisation, on ne peut pas réduire les distances. Le vignoble alsacien n’est pas adapté à cette réglementation [et à la liste de matériels agréés par le ministère de l’Agriculture pour réduire la dérive]. Il y a un enjeu de configuration : nos parcelles sont escarpées, avec des vignes hautes et étroites » soupire Christian Kohser, membre du bureau de l’Association des Viticulteurs d’Alsace (AVA).
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En charge du dossier, le vigneron souligne qu’en Alsace, « il n’y a que deux panneaux récupérateurs et, en étant optimistes, une cinquantaine de matériels agréés pour la réduction de la dérive… Il n’existe pas de matériel adapté aux coteaux. Et les buses antidérives ne suffisent pas d’après le texte. »
D’après les premières estimations de l’AVA, 300 hectares de vignes alsaciennes seraient directement concernés par la ZNT à 10 m (soit 2 % des 15 600 ha au total). Faisant de l’Alsace l’un des vignobles les plus impactés par le nouveau décret (après la Champagne, où 1 000 ha seraient touchés, soit 3 % des 34 300 ha). « La surface pourrait être plus importante, selon le positionnement de chaque ZNT par rapport à l’ensemble de chaque parcelle » précise Christian Kohser. Soulignant qu’il faut permettre aux viticulteurs de continuer leur vignoble. Ce qui était le but de la charte riverains en réflexion, qui a pris du plomb dans l’aile en étant marginalisée par la nouvelle réglementation.
Travaillant* sur une charte de bon voisinage entre riverains et vignerons depuis la fin 2018 (et des situations conflictuelles), l’AVA a opté pour la réduction de l’exposition par la limitation des produits de traitement. Et non par la mise en place de distance de sécurité, comme le gouvernement, l’AVA souhaitant maintenir l’activité viticole dans toutes les situations. « On s’est mis à la place du riverain, qui ne veut plus entendre parler de glyphosate et de CMR [pesticides classés Cancérigènes Mutagènes et Reprotoxiques]. Pour répondre aux attentes sociétales, notre charte propose de n’utiliser que des produits bio et de biocontrôle pour traiter à proximité des habitations » explique Christian Kohser.
Mais cette approche se heurte à la réglementation arrêtée par le gouvernement. « Le cuivre n’est pas un produit de biocontrôle susceptible de traiter entre 0 à 10 m des riverains. S’il n’y a pas de cuivre, le problème du mildiou se pose. Et je ne connais pas de solution de biocontrôle » regrette Christian Kohser. Validée par le conseil d’administration de l’AVA, la charte riverains voit son avenir mis en suspens. Tout comme une partie du vignoble alsacien, qui n’est pas la moins réputée. « Une grande partie des parcelles concernées [par les ZNT] sont en appellation grand cru » souligne Christian Kohser, ajoutant qu’« il serait extrêmement dommageable de perdre des surfaces valorisées alors que le vignoble alsacien connaît des difficultés économiques. Le préjudice est important. Si l’on ne peut pas traiter, la vigne ne produit pas de récolte. »
* : Avec l’associations des maires, la chambre d’agriculture et des représentants du milieu associatif.