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Marché espagnol
« Nous sommes à une période charnière »

Les chiffres publiés la semaine dernière par l’OIV le confirment : l’Espagne a récolté 44,4 millions d’hectolitres de vins en 2018, auxquels s’ajoutent les moûts et les jus. De quoi déstabiliser le marché, d’autant plus que la surproduction risque de devenir chronique.
Par Sharon Nagel Le 19 avril 2019
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u total, l’Espagne a produit quelque 50 millions d’hectolitres de vins, jus et moûts l’année dernière, soit un surplus de 12 à 15 Mhl. Autant dire que l’impact sur les prix et l’activité du marché a été quasi immédiat après les vendanges. « Dès octobre et novembre 2018, tous les acheteurs internationaux et notamment européens, voyant que l’Espagne allait beaucoup produire, sont restés dans une position attentiste. Ils se sont couverts mais à la petite semaine », confirme Nicolas Pacouil, responsable Espagne chez Ciatti à Montpellier. Cet attentisme s’est doublé d’une chute des prix dans le contexte d’une production mondiale en hausse sensible par rapport à 2017. « En janvier et février, les prix en Espagne étaient revenus à des niveaux d’il y a deux ans et les acheteurs continuaient de se couvrir à court terme. Les prix baissaient toutes les semaines donc il n’y avait aucun besoin de se couvrir sur le moyen à long terme. Au final, rien ne s’est vendu jusqu’en janvier/février ». Et puis, la météorologie est venue à la rescousse des producteurs espagnols. « A partir de mi-mars, les opérateurs et exportateurs espagnols ont commencé à faire des appels du pied en direction des acheteurs en faisant valoir les conditions météorologiques. 2018 a été l’un des hivers les plus secs qu’on a enregistrés depuis de nombreuses années. Il a fait très chaud aussi avec des températures qui ont atteint 20-25°C dans la Mancha en février, ce qui est très inhabituel », note Nicolas Pacouil.

 

« Il se pourrait que l’Espagne reparte dans un bon cycle d’export »

L’impact de la sécheresse sur la vigne, mais aussi le risque de gelées étant donné l’avance prise par le cycle végétatif sur le calendrier normal, ont commencé à influer sur les prix. « A partir de la mi-mars, les maisons de négoce ont commencé à augmenter les prix de quelques euros à l’hectolitre. Le marché espagnol est donc assez fébrile car il peut geler jusqu’en mai ». Les quelques précipitations qui sont tombées dernièrement auront permis d’apaiser un peu les tensions, mais pour l’instant elles restent insuffisantes. Par ailleurs, comme le rappelle Nicolas Pacouil, « en général deux grosses récoltes ne se suivent pas. Tout tendrait donc à penser que la récolte 2019 sera moindre qu’en 2018 ». Parallèlement, l’Espagne a profité d’une bonne nouvelle : la récolte dans l’Hémisphère sud sera inférieure aux premières prévisions. Que ce soit au Chili, en Argentine, en Australie ou en Afrique du Sud, les volumes ont été impactés par différentes conditions météorologiques, et par conséquent, les prix remontent. Résultat : « Il y a un regain d’intérêt pour l’Espagne. Les opérateurs internationaux commencent à se couvrir en vins espagnols pour les cépages internationaux – Merlot, Cabernet, Syrah – comme pour les génériques. On remarque même des pays producteurs de l’Hémisphère sud qui n’ont jamais importé des vins d’Espagne songer sérieusement à en importer pour les programmes d’entrée de gamme. Même en ajoutant le transport et les droits de douane, les vins espagnols restent encore compétitifs dans l’Hémisphère sud. Pour l’instant, on est encore en discussion, mais il se pourrait que l’Espagne reparte dans un bon cycle d’export dans le monde entier dans ce contexte ».

 

L’Espagne a retrouvé sa place traditionnelle parmi les acheteurs français

Quid alors des acheteurs français ? Les données portant sur ce début d’année montrent que les importations françaises de vins espagnols ont augmenté, mais s’agit-il pour autant d’une répétition du phénomène qui s’est produit en 2015-2016 ? « Cela fait bien longtemps que les Français importent des vins d’Espagne et d’Italie. La France importe environ 5 Mhl de vins d’Espagne chaque année, et ce chiffre reste stable », affirme le courtier. Si une baisse des importations françaises est intervenue suite à la faible récolte espagnole de 2013, cette diminution a été compensée par une hausse des achats auprès des producteurs sud-africains. Les difficultés de sécheresse en Afrique du Sud, et remontée des prix, ont de nouveau changé la donne. « Pour un acheteur français, l’Espagne est redevenue ce qu’elle était. Il existe un segment VDPCE pour les bag-in-box et les entrées de gamme en GD ».

 

« A l’avenir, la surproduction espagnole va devenir un problème chronique », estime Nicolas Pacouil, courtier chez Ciatti à Montpellier

 

« Les vins les plus basiques pourraient finir à la distillerie ou à la casse »

Reste à savoir ce que vont devenir les 12-15 Mhl de volumes excédentaires produits par l’Espagne en 2018. Des disponibilités en baisse au Chili et en Australie pourraient-elles encourager les acheteurs chinois à revenir vers l’Espagne ? Pour l’instant, les Chinois ont très peu influencé le marché espagnol : « Ils ont très peu acheté. Il y a une forte volatilité dans les stratégies d'achat des clients chinois, pouvant sans difficulté passer d'un sourcing espagnol à un sourcing chilien ou australien en l'espace de 6 moins, encouragés par des accords douaniers préférentiels avec ces deux derniers pays, et inversement si le contexte leur est favorable », observe Nicolas Pacouil. De plus, la qualité de ces vins excédentaires est plutôt médiocre. « L’année est caractérisée par de petits degrés et de faibles intensités colorantes sur les rouges parce que la vendange a été grosse. Il y encore beaucoup de vins très standards qui ne trouvent pas preneurs ». La distillation et les moûts concentrés rectifiés restent des variables d’ajustement, quoique peu rémunératrices. « Tout dépendra de l’Hémisphère sud et du potentiel de récolte à venir. Si la pluviométrie récupère et que l’Espagne part sur une récolte de 40-45 Mhl, cela va poser problème. Les vins les plus basiques pourraient alors finir à la distillerie ou à la casse, à 20 euros l’hectolitre. Il y a une chance pour que les vins basiques soient bradés ou distillés ». Pour autant, le courtier évoque un marché à deux vitesses. Aux côtés de ces vins très standards, il y a aussi des vins qualitatifs avec de bons degrés et de bonnes couleurs qui sont à l’équilibre. « Il y a du stock mais on encourage les acheteurs à travailler sur leurs prévisionnels pour les mois à venir, et à être prêts à acheter rapidement quand il le faudra, dans un scénario où il ne pleut pas ».

 

Une image de pays fournisseur de vrac

Même si des conditions météorologiques difficiles, une diminution de la production dans l’Hémisphère sud et un regain d’intérêt de la part des acheteurs internationaux pourraient venir sauver la filière espagnole, la question de la pérennité de son modèle se pose. « L’Espagne devient compliquée parce qu’avec les aides à la restructuration, 50 Mhl va devenir une moyenne. Dans la Mancha, un gros tiers du vignoble a déjà été restructuré, palissé et irrigué donc ces vignes auront des rendements réguliers d’année en année. Sur une année normale, l’Espagne est en croissance au niveau de la production. C’est paradoxal vu l’orientation globale de l’Europe. A l’avenir, la surproduction espagnole va devenir un problème chronique », estime Nicolas Pacouil. Certaines grosses caves coopératives tentent de revoir leur modèle d’entreprise en favorisant la bouteille au détriment du vrac, et en lançant leurs propres marques. Mais le courtier reste sceptique quant à leur capacité à chambouler le modèle existant. « Le problème de l’Espagne c’est qu’elle a toujours été considérée comme un pays de vrac où les Européens – les Allemands et les Français par exemple – venaient s’approvisionner pour faire de la réexportation en bouteilles. L’objectif des caves coopératives est de sortir d’une logique 100% vrac et de développer des marchés export en bouteilles. La difficulté, c’est qu’il n’y a plus beaucoup de pays en forte croissance. Les Etats-Unis sont arrivés à l’équilibre au niveau de la demande. L’Asie et la Chine sont des marchés très variables et demandent des prix extrêmement bas, donc il vaut mieux faire du vrac. De plus, même si les plus grosses caves coopératives – qui peuvent produire 2 millions d’hectolitres – arrivent à commercialiser quelques millions de bouteilles, cela reste peu par rapport à leur production et ne constitue donc qu'un complément d'activité et de diversification, au même titre que la vente de moûts. De plus, les vins ainsi vendus sont positionnés dans une catégorie de produit peu valorisable, sur des marchés très concurrentiels ».

 

La pluviométrie sera déterminante

A plus court terme, les opérateurs espagnols doivent gérer la fin de cette campagne au mieux. « En Espagne, nous sommes à une période charnière. Tout va se décider entre les mois d’avril et de mai. Le marché peut aller autant à la hausse – une hausse toutefois modérée, les prix ne vont pas doubler en un mois – qu’à la stabilité, selon la pluviométrie, avec un risque de baisse de marché à l’orée de l’été. Il y a un mois, on trouvait de tout à 25-30 euros à l’hectolitre, maintenant les prix sont remontés. C’est une période clé », conclut Nicolas Pacouil.

 

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