La perche était tendue, nous l’avons saisie », rapporte Yann Durrmann, vigneron à Andlau et membre de groupe des jeunes du Synvira, le syndicat des vignerons indépendant d’Alsace. Cette perche, c’était le grand débat national. « Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose : il y a tellement de tâches administratives… »
à rallonge
C’est ainsi qu’il a organisé une réunion à Andlau le 12 mars avec Denis Hébinger, président du groupe des jeunes de Synvira, installé à Eguisheim. Cette initiative lui a paru d’autant plus nécessaire que la grogne contre la paperasse était montée d’un cran dans sa région. Les vignerons venaient d’apprendre qu’ils allaient devoir déclarer leurs sorties de vins par cépage et par appellation et non plus seulement par couleur. « Ceux qui jouent le jeu des terroirs et des grands crus vont avoir quinze, vingt, voire jusqu’à trente lignes à remplir par DRM », s’exclame Yann Durrmann.


Avant la réunion, les organisateurs ont partagé un fichier Excel sur internet, demandant à leurs collègues d’y lister toutes les tâches administratives auxquels ils sont soumis. Résultat : une liste de 70 tâches à faire pour les douanes, la MSA, les impôts, l’ODG, l’interprofession, la Draf, FranceAgriMer, Qualisud, etc. « Avec les nouvelles normes environnementales et sociales, c’est parti pour s’accroître », prévient Yann Durrman. « Je ne suis pas sûr qu’il existe quelqu’un qui sache tout ce qu’il faut faire, avertit Denis Hébinger. Les gens se sentent mal à l’aise. C’est tellement compliqué. On est toujours à la limite de la légalité. »

acceptée

Une trentaine de vignerons ont participé à la réunion du 12 mars. Yann Durrman et Denis Hébinger en ont fait un compte rendu de 12 pages qu’ils ont déposé sur le site du grand débat national et qui a é-été accepté comme contribution à ce débat.
Dans ce document, les deux vignerons rapportent que « les participants pointent unanimement l'absurdité des redondances entre administrations de déclarations et démarches similaires. Pourquoi des administrations demandent-elles au vigneron de leur déclarer ce qu'il a déjà déclaré à une autre administration ? Ne peuvent-elles pas communiquer directement entre elles ? (…)

trois déclarations

Le premier exemple de redondance administrative apparaît lorsque le vigneron arrache ou replante une vigne. Il doit faire trois fois des démarches déclaratives similaires auprès des Douanes, de FranceAgriMer et de la MSA. (…) Un autre exemple de redondance est celui des déclarations trimestrielles des salaires demandées par la CAAA (Caisse d'Assurance Accidents Agricoles) alors que ces données ont déjà été fournies à la MSA. »
Troisième exemple : pour une exportation, il faut remplir un DAE et une déclaration d’échange de biens pour la même administration : les douanes.


Pour mettre fin à ses redondances, les rapporteurs demandent « la création d'un guichet unique déclaratif centralisant absolument toutes les démarches à effectuer auprès de toutes les administrations ».
Deuxième demande, découlant de la surcharge administrative : un régime simplifié pour les petites entreprises. « Quand vous avez deux ou trois salariés, vous avez les mêmes charges que les grosses boîtes », déplore Yann Durrmann. « Cela plombe notre compétitivité », ajoute Denis Hébinger.

de culpabilité

La troisième demande des vignerons porte sur le « développement d'une culture partenariale entre administration et administrés ». Ils rêvent d’une administration bienveillante, au service du public. Au lieu de cela, ils ont affaire à fonctionnaires méfiants, soupçonneux, voire autoritaires.
« Le droit reposant sur la présomption d’innocence, l'administration devrait partir du principe que les administrés sont honnêtes jusqu'à preuve du contraire, écrivent les rapporteurs. Or certains administrés ont l'impression d'une culture inverse au sein de l'administration, les administrés seraient suspects jusqu'à preuve du contraire. (…) Des participants à la réunion s'interrogent sur l'utilité du ton désagréablement sec et du vocabulaire menaçant contenu dans les courriers en cas de rappel d'une obligation oubliée. »

du public

« En conclusion de ces échanges, il apparaît que les vignerons présents ne sont pas contre l'administration ou le fait d'être imposés, mais contre la lourdeur et les excès d'autoritarisme parfois développés par celle-ci. Revenons à la notion de « service-publique ». Le rôle de l'administration est de rendre service aux citoyens et aux entreprises. »
Yann Durrmann et Denis Hébinger sont ravis d’avoir vu leur contribution acceptée par les organisateurs du grand débat national. Pour ce qui est de la suite, ils ne se font pas trop d’illusions. « Ce n’est pas à 35 vignerons, après une réunion, que nous allons tout changer », admet Denis Hébinger. Mais au moins, leur travail a contribué à détailler, pour mieux l’appréhender, cette tare française qu’est l’excès d’administrations. De quoi y remédier enfin ?
Voir le compte-rendu