Si en France un vin premier prix se vend 2 à 3 euros, l’entrée de gamme est de 7 à 8 € en Irlande. À cause d’importantes taxes à l’importation, les gens dépensent ces sommes pour des produits qui ne sont pas de grande qualité » déplore Julie Dupouy, la sommelière du restaurant étoilé Chapter One à Dublin, rencontrée lors du salon ProWein. Meilleure sommelière d’Irlande 2018, Julie Dupouy a conservé l’accent de son Lot-et-Garonne natal et sa culture française de la consommation de vin avec modération et plaisir.
Cette approche des boissons alcoolisées passerait sans doute pour une hérésie aux yeux du gouvernement irlandais, qui ne cache pas ses aspirations à la restriction par la taxation et la communication. Un projet législatif envisage ainsi d’imposer un message d’avertissement sur risque de cancer sur les bouteilles d’alcool. Les bouteilles de vin étant alors condamnées à ressembler à des paquets de cigarettes.


« Le vin est la cible privilégiée des anti-alcools » note Julie Dupouy, qui rappelle que l’Irlande est déjà, de loin, le pays européen taxant le plus les vins. Sur un prix de vente de 9 euros pour une bouteille de vin tranquille en Irlande est constitué à 54 % de taxe et droits d’accise. Ces droits d’accise sont de 3,19 € pour une bouteille de vin tranquille et de 6,37 euros pour un vin pétillant (contre respectivement 3 et 7 centimes en France) selon le dernier rapport de la Fédération des Boissons Alcoolisées d’Irlande (ABFI). Cette importante taxation favorise les vins d’entrée de gamme du nouveau monde viticole, ce qui pèse sur les exportations des vins français. La France est passée sur le marché irlandais d’une position de leader en l’an 2000 (avec 23 % des volumes importés) à celui de troisième pays fournisseurs (avec 13 % des volumes, derrière le Chili, 27 %, et l’Australie, 17 %).
« Il y a des problèmes de consommation d’alcool en Irlande » reconnaît Julie Dupouy, qui note cependant que les bières sont peu touchées, par rapport aux vins et spiritueux. L’Irlande n’étant pas un pays producteur de vin, la sommelière estime qu’il faut communiquer et éduquer les consommateurs sur la culture du produit pour qu’ils en saisissent. Pour elle, « taxer n’est pas forcément un frein sur la quantité de vin consommé, mais sur sa qualité. La majorité des vins sont achetés en supermarchés, où les consommateurs se focalisent sur les prix et les promotions. » Une approche qui n’aide pas à changer l’approche des boissons alcoolisées, et du danger de leur addiction.
Malgré ces difficultés, Julie Dupouy note que le mouvement des vins biodynamiques, nature et sans sulfites ajoutés s’implante en Irlande. « Quand un consommateur apprend à se soucier de ce qu’il y a dans la bouteille, il s’intéresse aux origines des vins et il n’y plus de retour en arrière » conclut, avec espoir, Julie Dupouy.