arche arrière toute : « l’Indication Géographie Protégée Sud-Ouest ne naîtra pas » pose Michel Defrancès, le vice-président de l’Interprofession des Vins du Sud-Ouest (IVSO). Jouant les arlésiennes depuis des années, ce projet d’IGP régionale a été officiellement suspendu sine die cet été. « Les principaux demandeurs ont renoncé sans conclure les débats. L’IGP Côtes du Tarn était moteur, c’est désormais un secteur qui a besoin de stabilité » explique subtilement Michel Defrancès.
Toujours à cheval entre deux régions administratives (avant l’Aquitaine et les Midi-Pyrénées, maintenant la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie), la mention Sud-Ouest est critiquée par une part croissante d’opérateurs de Gaillac, qui souhaitent se positionner sous l’ombrelle Sud de France. En témoigne le changement de présidence de l’organisme de défense et gestion de l’IGP Côtes de Tarn en septembre dernier. Portant le projet d’IGP Sud-Ouest, Christophe Bou a été remplacé à la tête du syndicat viticole par Alain Gayrel, dont le négoce commercialise des « vins Occitanie Sud ».
Entre les deux écoles, l’affrontement est désormais ouvert. « J’arrive dans un champ de mines » estime ainsi Alain Gayrel. À l’heure du centenaire de la première guerre mondiale, la comparaison peut étonner, mais elle résume bien la tension qui entoure l’IGP Côtes du Tarn : « tout a commencé en 2014 avec les nouvelles régions, mais je ne suis pas sûr que le Tarn soit prêt à l’armistice en 2018 » analyse, en "off", un négociant. S’il est source de tension à Gaillac, l’enterrement du projet IGP Sud-Ouest n’émeut pas dans le reste du bassin. « Nous n’y étions pas favorables, nous avons déjà l’IGP Comté Tolosan comme socle régional » estime ainsi Alain Desprats, le directeur du syndicat des vins IGP Côtes-de-Gascogne.


À double fin (neuf AOP et une IGP), « le vignoble du Tarn est en souffrance, et l’on n’arrive pas à s’entendre. Il y a deux stratégies qui s’affrontent » analyse Francis Terral, le président de la cave coopérative de Vinovalie, qui est un défenseur de la stratégie Sud-Ouest. Se disant désormais « spectateur » de la situation, il s’inquiète d’un possible rapprochement des Côtes du Tarn d’IGP languedociennes : « nous sommes partisans de ne pas déshabiller le rayon Sud-Ouest, ce qui risquerait de fragiliser les AOP, au risque de perdre le rayon. Vinovalie a toujours défendu que pour tenir le rayon Sud-Ouest dans son ensemble, il faut garder toutes ses composantes, plutôt que de les voir migrer vers d’autres IGP. Comme Pays d’Oc ou Terres du Midi… »
Présents à la dernière assemblée générale de l’IVSO et pressés de demandes, Jacques Gravegeal et Ludovic Roux, les présidents de ces deux IGP méditerranéennes n’avaient pas fermé la porte à une telle possibilité (voir encadré). « Nous avons le choix entre le TGV du sud de la France et la micheline du Sud-Ouest » s’enthousiasme encore un vigneron de Gaillac. Mais cette option n’est plus à l’ordre du jour corrige Alain Gayrel. « À court terme, il n’y a pas de projet avec les IGP Pays d’Oc ou Terres du Midi. Cela a été un temps évoqué, mais a été décliné par les principaux intéressés » ajoute le président du syndicat des Côtes du Tarn. Qui ne souhaite pas en dire plus sur les projets qu’il a actuellement en tête.
Désormais simple membre du conseil d’administration de l’ODG, Christophe Bou reste le président de la Fédération Régionale des IGP du Sud-Ouest, tout en conservant son flegme au milieu des divisions. « Une stratégie ne s’invente pas, c’est toujours très difficile à construire, il faut fédérer plus large… et ne pas se tromper. Je pense que les esprits vont se calmer et l’économie fera que l’on reviendra à une stratégie qui conviendra à tout le monde » estime-t-il. Soulignant au passage que la réflexion sur l’IGP Sud-Ouest n’était pas aboutie et que la décision est simplement ajournée.
Faisant sien la position de la région sur « les horizons Occitanie et Sud-Ouest », Christophe Bou ne les juge pas irréconciliables (« il peut y avoir l’Occitanie Sud-Ouest et l’Occitanie Sud de France »). L’IGP Comté Tolosan attend désormais la décision des côtes du Tarn pour communiquer sur son repositionnement. Des propositions devraient être dévoilées cette fin d’année, ne reste plus qu’à faire consensus pour débloquer la situation. Sinon, « l’immobilisme est en marche et rien ne pourra l’arrêter » disait l’ancien président du Conseil, Edgar Faure, cité fort à propos par un opérateur de Gaillac.
« À l’époque [de l’assemblée générale de l’IVSO,] nous avons été sollicités sur les modalités de fonctionnement et d’intégration à Pays d’Oc » se souvient Jacques Gravegeal, le président de l’interprofession des vins de Pays d’Oc IGP. « J’ai précisé qu’il ne pourrait y avoir de réflexion que si l’IVSO donnait son aval, en vertu d’un gentlemen’s agreement. Pour ma part, je verrais d’un mauvais œil qu’une IGP départementale du Languedoc rejoigne le pôle PACA… Il n’y a eu aucune sollicitation depuis. Et aucune décision, que ce soit en "on" ou en "off". Libre à eux de poser la question, ce n’est pas moi qui susciterai quoique ce soit. » précise le président d’Inter Sud de France, qui vient de présenter un plan de la filière régionale conjointement avec l’IVSO (cliquer ici pour en savoir plus).