« En 2017, nous avons souffert à la fois des gelées et de la sécheresse, nous amenant à rentrer une très petite récolte par rapport à ce que nous attendons cette année », explique Wolfgang Raifer, directeur adjoint de la Cantina di Soave. Avec une production globale située entre 700 et 800 000 hectolitres, la coopérative compte parmi les plus gros producteurs d’Italie avec quelque 6 000 hectares de vignes dans la région de Vérone.
« Cette année, nos volumes devraient s’inscrire en hausse sensible par rapport à l’an dernier, plus près de la moyenne et comparables à 2016 ». Comme en France, après la sécheresse, les vignobles italiens ont été bien arrosés cette année avec des températures plutôt élevées. « Les précipitations ont été bien étalées. La floraison s’est donc bien déroulée et les stades suivants se sont passés dans de bonnes conditions. Le comptage des grappes a révélé un nombre assez important avec une quantité de baies légèrement supérieure cette année ».
Reconnaissant quelques difficultés dues au mildiou, Wolfgang Raifer affirme que les problèmes ont été bien maîtrisés : « Nous pensions que la situation serait bien pire. Certains producteurs ou parcelles rencontrent des problèmes de façon historique. Nous exploitons environ 200 hectares de vignes en bio mais elles n’ont pas eu à faire face à des problèmes particuliers. Si l’on connaît bien ses vignes, on peut lutter de manière efficace ».
Les vendanges ont débuté en Sicile
Le groupe Caviro, première marque de vin italien dans le monde avec un volume commercialisé de 1,9 million d’hectolitres, a également observé quelques problèmes provoqués par le mildiou. « Dans certaines régions, nous avons eu des attaques de mildiou à cause des précipitations persistantes », reconnaît Giordano Zinzani, directeur œnologique du groupe et par ailleurs président du Consortium des vins de la Romagne. Malgré ces attaques, « le déroulement de la saison a été très régulier grâce aux précipitations pendant l’hiver. Nous n’avons rencontré aucun problème lié aux gelées donc la production se situe dans la norme ».
Avec trente caves adhérentes pour 12 500 viticulteurs dans sept régions, Caviro dispose d’une belle vue d’ensemble du vignoble italien. « La production devrait être de bon niveau dans l’ensemble des régions », estime l’œnologue. « Le millésime devrait s’inscrire dans la moyenne des cinq dernières années et la qualité à l’heure actuelle s’annonce très bonne dans toutes les régions ». La stabilité climatique intervenue fin juillet avec des températures chaudes a eu pour effet d’accélérer la maturation des raisins. Ainsi, les premières vendanges au sein du groupe ont débuté le 26 juillet en Sicile, avec le pinot grigio, et doivent se poursuivre début août avec le chardonnay. Dans les régions du Centre-Nord, Caviro se prépare à vendanger les chardonnays destinés à ses vins de base pour mousseux autour du 8-10 août, pour continuer avec le pinot. « D’une façon générale, la récolte est très en avance cette année », note Giordano Zinzani.
Des hausses à deux chiffres attendues en Vénétie
Dans la région de la Vénétie, dont la production avoisine normalement 10 millions d’hectolitres, un cinquième environ du total national, les services agricoles annoncent une forte augmentation des volumes attendus cette année par rapport à 2017 ainsi qu’un très bon état sanitaire des raisins, pour l’heure. « Des augmentations à deux chiffres sont attendues partout par rapport à l’année dernière, en particulier pour le cépage glera mais aussi, dans une moindre mesure, pour le merlot, le pinot grigio et, dans la région de Vérone, à Valpantena, le corvina pour le Valpolicella avec une hausse de 10%, pour ne citer que ces quelques variétés », détaille l’agence qui fera un point plus complet au 10 août. Les vendanges devraient débuter dans la région autour de la mi-août avec le chardonnay et le pinot grigio pour les vins de base pour mousseux.
Retards dans les retiraisons
En attendant que les vendanges battent leur plein et offrent une vision plus précise des volumes, le marché italien est actuellement calme. « Au cours des derniers mois, l’activité des marchés domestiques et européens s’est ralentie, plus encore que ce à quoi on pouvait s’attendre », constate Luigino Lazzaretto de la société de courtage Intermediazioni Lazzaretto. Et le courtier italien d’invoquer « une baisse significative des ventes, notamment sur le marché britannique » parmi « l’ensemble des principaux embouteilleurs. Cela a provoqué un retard sensible dans les retiraisons sur des contrats actuels ».
Ce ralentissement, conjugué à la perspective d’une bonne récolte italienne en 2018, « a amené les opérateurs italiens à faire face à la probabilité que les prix sur les vins du millésime 2018 seront inférieurs à ceux de la campagne actuelle ». Certains prix ont déjà accusé des baisses. C’est le cas notamment des vins labellisés Pinot Grigio DOC delle Venezie et des Prosecco, note Luigino Lazzaretto. « En moyenne, les offres de prix pour le vrac italien ont régressé de 10% par rapport aux mois précédents, mais les stocks ne sont pas très importants, sauf pour le Pinot Grigio DOC delle Venezie ».
Un retour à la normale attendu
Pour sa part, Wolfgang Raifer de la Cantina di Soave s’attend à « une certaine stabilité des prix. Les caves sont plutôt vides, donc les disponibilités seront normales. Pour ce qui est du Soave, par exemple, il n’y aucun vin disponible actuellement, donc nous prévoyons des prix stables. Il n’y a pas de pression sur les prix ». Giordano Zinzani se montre plus circonspect : « Les prix sont montés en flèche suite à la récolte de 2017 en raison des très faibles rendements affichés par l’ensemble des régions. Il nous semble désormais difficile de maintenir ce niveau de prix. Néanmoins, il est encore trop tôt pour prévoir les différentes tarifications. Nous devons attendre la fin des vendanges ». En conclusion, Luigino Lazzaretto note que « la confiance règne » quant aux volumes prévisibles cette année. « Tout le monde espère que la récolte sera au moins normale avec un retour à la normalité en matière de prix ».
La Cantina di Soave, qui représente environ 50 % de l’appellation du même nom, mais compte aussi des vignes dans les aires de Valpolicella (1 200 ha sur 8 000 ha) et Durello (environ 70 % de la production) a entamé un important programme d’investissements il y a quatre ans. En dehors de la restructuration de son siège, la cave s’est focalisée sur ses installations de mise en bouteille afin de réduire la part du vrac dans ses volumes commercialisés. « Jusqu’à présent, nos ventes en bouteilles étaient plafonnées à 35 millions de cols », explique Wolfgang Raifer. « Notre nouvelle chaîne de mise en bouteille est désormais opérationnelle et la deuxième le sera à la fin du mois d’août ».
Ces investissements s’inscrivent, entre autres, dans le cadre d’un projet visant à interdire la mise en bouteille des vins portant les différentes DOC et DOCG Soave à l’extérieur de la zone. « Cette modification nous permettra de mieux maîtriser la production et l’étiquetage et de proposer aux consommateurs davantage de garanties sur le plan qualitatif. Mais elle doit encore être validée par les pouvoirs publics et l’Union européenne », explique le directeur adjoint de la cave. Quant à donner une date d’entrée en vigueur, Wolfgang Raifer reconnaît que la procédure pourrait être longue. « Nous espérons que la modification sera promulguée d’ici quelques mois, mais ce sera sans doute plus tard ».