En mandarin, le mot "vendre un produit" peut se traduire par "s’arracher un produit"… Quand on met en vente, les gens peuvent se battre » note tranquillement Ruiyang Lin, le PDG du groupe Shanghai Dowell Trading (SDT). Un sourire malicieux au coin de l’œil, l’ancien comédien parle en connaissance de cause, ayant démontré ce 20 avril à Bordeaux la fièvre acheteuse qui peut secouer son réseau Tin’Secret (TST), qui passe par l’application de messagerie WeChat (l’équivalent chinois de Whatsapp).
En 18 minutes de ventes privées, les 450 000 de cols de la marque Haussmann portant la bannière Tin’Secret se sont effectivement arrachées. « Il y a trois références conçues exprès : un Haut-Médoc Cru Bourgeois (vendu 25 euros), un Bordeaux supérieur (41 €) et un Pays d’Oc IGP cabernet sauvignon (78 €) » énumère Pierre Jean Larraqué, le PDG du groupe Larraqué Vins International. « Nous avons construit nos produits selon les desiderata du goût chinois : un profil plus concentré, un degré alcool de 13-14° et très peu d’acidité. Et avec les dorures sur les étiquettes pour plaire aux consommateurs asiatiques » précise-t-il.


Cette vente privée constitue le deuxième évènement vin réussi pour TST, qui en a déjà commercialisé 500 000 cols italiens de la famille Martini le 17 décembre 2017 (en 18 minutes et 45 secondes). Pour la gamme Haussmann, la première commande s’élève à un million de cols au total. Déjà conséquentes, ces opérations ne sont qu’un commencement pour le groupe TST, qui affiche l’ambition de devenir le premier opérateur de vins rouges en Chine. « Aujourd’hui, il manque en Chine une marque forte pour déterminer la confiance des consommateurs dans les vins rouges » analyse Ruiyang Lin. Qui fonde son business plan sur l’accessibilité à des flux par les réseaux sociaux.
« Les autres discutent, nous vendons ! Sur internet aujourd’hui, tout le monde cherche à attirer des consommateurs. Mais les beaux sites et produits ne suffisent plus » explique l’entrepreneur, qui met donc à profit son réseau de 5 millions de vendeurs, qu’il constitue depuis 3 ans sur WeChat grâce à une politique de prix ouvertement agressive. Cette communauté de vendeurs fait office de relais d’offres commerciales auprès de leurs propres contacts WeChat, touchant ainsi 40 millions de clients (sur 1 milliard d’utilisateurs de WeChat). Ce modèle de groupe Tupperware 2.0 repose sur des commissions de 80 % sur la marge, TST assurant la logistique.
Pour développer son activité vin, TST recherche des cautions, qualitatives dans la filière. Ce qui fait passer le groupe chinois par des familles au prestige établi, comme les champagnes Héritage du duc d’Orléans dont 30 000 bouteilles ont d’ailleurs été vendues ce 20 avril. Se souvenant avoir rencontré les acheteurs de TST lors du salon de Chengdu, Pierre Jean Larraqué confirme que sa gamme a retenu leur attention pour son image familiale. Sa stratégie de marque passant par le concept de « couple du vin », aux côtés de sa femme Nathalie Larraqué-Haussmann (directrice générale d’Haussmann Famille et descendante du baron Eugène Haussmann). La capacité d’assurer un approvisionnement croissant achevant de convaincre ses partenaires chinois.
Le groupe Larraqué n’est en effet pas moins ambitieux que TST, visant à terme le million d’euros de chiffre d’affaires réalisé en Chine, avec la consolidation de ses bureaux locaux. « On espère être une alternative aux grands groupes avec nos produits de récoltants » résume Pierre Jean Larraqué. Reposant sur 1 450 hectares vinifiés l’an dernier (dont 60 % en propre), le groupe français a commercialisé 20 millions de cols pour un chiffre d’affaires de 65 millions d’euros en 2017. Lancée en 2009, la marque Haussmann doit représenter 5 millions de cols en 2018.