ignerons attachés à l’organisation traditionnelle de la viticulture, attachez vos ceintures ! Le rapport de l’Institut de recherches économiques et fiscales, un think tank libéral, livre une vision à contre-courant de la politique et règlementation viticole française telles qu’elles sont pratiquées depuis des années. Le point de départ de la réflexion est une question, que beaucoup évite d’aborder : comment expliquer la perte de parts de marché des vins français à l’export (en volume) ? Le rapport rappelle ainsi qu’entre « entre 2000 et 2015, les vins français ont perdu un quart de leurs parts de marché en valeur relative à l’export et la part de leurs exportations mondiales en volume est passée de 25 % à 14 %, concurrencée par l’Espagne, l’Italie et les vins du Nouveau Monde ».
La première conclusion que tire le texte est d’épingler les politiques publiques et les corporatismes en insistant sur leur effet négatif sur la compétitivité des vins français et européens. Constatant que plus de 2000 règlements européens ont été pris depuis 1962, l’étude rappelle que les rapports s’enchaînent pour déplorer la perte de compétitivité des vins européens face au nouveau monde. Ce qui pose la question de leur efficacité. Elle cite également plusieurs études démontrant « le rôle et l’importance de certains lobbies de producteurs pour obtenir des privilèges légaux de la part des institutions publiques et nationales ou européennes ». Or cette participation à la vie publique ne semble pas, non plus, améliorer la compétitivité globale du secteur.
L’étude rue dans les brancards des autorisations de plantation et note que le système de contrôle est devenu « particulièrement complexe à respecter » ainsi qu’ « encore plus ubuesque ». Il demande que soit établi une concurrence libre et non faussée sur les plantations de vigne et qu’il n’y ait plus recours à toute politique de contrôle de l’offre (distillation, arrachage…). Il déplore également les aides à l’investissement qui « risquent de profiter aux acteurs qui connaissent le mieux les démarches administratives ou qui ont des compétences juridiques réservées aux grandes entreprises au détriment des plus petites exploitations ou négociants ». L’étude note à titre d’exemple que, pour l’année 2014/2015, Grands Chais de France a reçu 1.3 million d’euros de subvention, le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux 3.3 millions d’euros et Union des grands crus de Bordeaux a obtenu 700 000 euros. D’une manière globale, le rapport demande une suppression des aides à l’investissement ou à la promotion, sous prétexte qu’elles faussent la compétitivité réelle des entreprises tout en générant un coût pour le contribuable européen.
Le texte fustige également les règlementations portant sur les pratiques œnologiques (comme l’interdiction de chapatilisé ou de couper un vin blanc pour produire un vin rosé), arguant qu’elles empêchent toute innovation sur le secteur et maintient des coûts de production élevés. Pour les rédacteurs de rapport, c’est au consommateur de décider ce qu’il souhaite consommer. Ces règlementations sont, toujours selon l’étude, en fait une « protection de rentes et d’acteurs déjà en place ».
Le rapport s’attaque également au système du contrôle de la qualité. N’hésitant pas à parler de cartellisation des AOC, le texte propose de supprimer le système de certification actuel pour le rendre privé. Cela dans l’intérêt de mettre fin au système trop diversifié des AOC qui n’a pas de justification économique. « Les appellations ne jouent malheureusement pas un rôle déterminant dans les choix des consommateurs et ne sont pas un facteur de compétitivité significatif, sauf pour les vins hauts de gamme ». En privatisant la certification, les auteurs estiment que seuls les labels disposant d’un marché seront maintenus, tandis que les « labels corporatistes disparaîtront ». Sentant peut-être la violence d’une telle proposition, le texte nuance, « abolir les monopoles intellectuels (ndlr : certaines ODG) ne revient pas à la loi de la jungle, mais bien à mettre en avant les certifications les plus adaptées à la demande du consommateur ».