ontrer la bio. C’est le message – et la vertu – des “Bio pratiquent”, des rendez-vous organisés tout au long de l’automne par la Coordination agrobiologique des Pays de la Loire qui invite les producteurs à visiter leur collègue en bio dans tout type de filière : lait, viande, volaille, légumes… et viticulture.
Côté viticole, c’est le Domaine du Clos de l’Elu à Saint-Aubin de Luigné en Anjou qui a ouvert ses portes – et un peu plus – le lundi 20 novembre sur le thème : “conversion bio : 7 ans après”. Charlotte et Thomas Carsin ont raconté, simplement, sincèrement, leur parcours, sans éluder leurs erreurs, leurs paris – gagnés ou perdus.


Finistériens, sans attache angevine, ils se sont installés en 2008 à la suite de deux frères sur une vingtaine d’ha menés en conventionnel et dont la production était vendue en direct. “Pas très cher”, sourit Charlotte. “On a été séduit par le potentiel des terroirs du domaine. J’ai eu rapidement des envies de telle ou telle cuvée. Mais au départ, on pensait conserver la clientèle en reproduisant les mêmes types de vins et en apportant des nouveautés, mais rapidement, elle nous a lâchés. On ne fait jamais pareil que son prédécesseur”. Pari perdu de ce côté.
Pendant deux ans, le couple travaille d’arrache-pied. “Comme des bourrins”, avoue Thomas. “On était mal équipé, on tâtonnait sur certains points, par exemple, quand on a décidé de passer en bio, on n’a converti que 10 ha, pour ne pas aller trop vite. Erreur… Surtout, on avait tellement le nez dans le guidon, qu’on n’a pas pris le temps d’aller voir les autres vignerons du secteur”. Un élément essentiel pour Philippe Delesvaux, producteur voisin, installé depuis 40 ans, et 20 ans de bio au compteur. “Les erreurs coûtent cher. Il faut échanger avec les vignerons, notamment sur les investissements en matériel”.
“On essaie des choses. On réfléchit tout le temps. Sur tout”.
Et tout particulièrement sur les outils de travail du sol. “C’est le souci n°1. Les maladies, ça se gère assez facilement avec beaucoup d’observation, mais l’herbe… Dans nos terroirs de schistes, on n’a pas le droit de laisser de l’herbe sous le cavaillon, c’est trop concurrentiel. Ici, on fait une moyenne de 30 hl/ha. Il faut commencer fin mars-début avril pour ne pas se laisser déborder. Si on commence trop tard, c’est la galère”, détaille Thomas. Mais rien ne se fait automatiquement. “On essaie des choses. On réfléchit tout le temps. Sur tout”.
Si les débuts commerciaux ont été compliqués, heureusement pour le jeune couple, le choix de vinifier des cuvées haut de gamme a rapidement payé auprès d’une nouvelle clientèle : CHR, cavistes, export. Pari gagné. Le prix moyen des bouteilles est passé d’à peine 2,50 € HT à 9 aujourd’hui. Le chiffre d’affaires a donc progressé régulièrement tous les ans. Un argument pour convaincre les banquiers de suivre l’aventure, car côté rentabilité, il a fallu attendre neuf exercices pour commencer à dégager un résultat positif. “Sachant que nous avons fait le choix de nous rémunérer dès le départ”, souligne Thomas. “Pas question de vivre comme des miséreux. Mais il a fallu être persuasifs avec les banquiers, et leur démontrer que tout cela était un vrai projet d’entreprise”. Un peu plus à l’aise, mais avec une trésorerie toujours compliquée – comme beaucoup – désormais, le couple et ses trois salariés s’attaquent à une nouvelle étape, un nouveau pari : le passage en biodynamie.