alibrée pour ouvrir un débat national sur l’essai en AOC des nouveaux cépages résistants, la mesure agroenvironnementale choc des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieurs vient de remporter son pari. Ce 15 juin, le Comité National des vins d’appellation de l'Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO) a en effet validé la formation « d'un groupe de travail sur l'évolution de l’encépagement », comme l’indique un communiqué laconique. Présidé par le vigneron Philippe Brisebarre (président du Comité Régional de l’INAO en Val de Loire), le groupe de travail doit rendre ses conclusions avant la fin 2018*.
Votée en février dernier, cette mesure bordelaise souhaite revendiquer en AOC des cépages non-inscrits dans les cahiers des charges, sans qu’il y ait déclassement. Le dispositif étant fermé aux grands cépages régionaux (chardonnay, grenache, pinot noir, syrah...), et plafonné à 5 % de l'encépagement total du domaine et de 10 % de l’assemblage final. Actuellement, ce dispositif est purement inenvisageable par les réglementations françaises et, surtout, européennes.
« Nous avons fait une proposition de modification de notre cahier des charges en sachant qu’elle n’est pas conforme à la doctrine de l’INAO » reconnaît Bernard Farges, le président de l’Organisme de Défense et de Gestion des Bordeaux et Bordeaux Supérieurs. Porteur d’une demande iconoclaste, il revendique la nécessité de préparer la réglementation à la future mise à disposition de cépages résistants adaptés à la typicité des AOC. Il s’agit également de libérer l’expérimentation des nouveaux cépages résistants dans le vignoble, sans contrecoup économique. Ces messages ont porté auprès des autres bassins viticoles, tout aussi intéressés par des vignes résistantes au mildiou et à l’oïdium demandant moins à l'absence de traitements phytosanitaires.
Si la filière française se montre attentive, elle reste bloquée par la réglementation européenne, interdisant tout cépage non issu de vitis vinifera dans la production de vin d’appellation. Président de la Fédération européenne des vins d’origine (EFOW), Bernard Farges a évoqué ce sujet avec la direction générale de l’agriculture de la Commission européenne. Il en nourrit l’espoir de pouvoir intégrer ce sujet aux discussions sur la prochaine Politique Agricole Commune. Ce sera d’ailleurs l’un des messages qu’il présentera la semaine prochaine au commissaire européen à l’Agriculture. Phil Hogan assistera en effet au premier Congrès National de la Viticulture (le 6 juillet à la Cité du Vin, à Bordeaux), et visitera à cette occasion l’Institut Supérieur de la Vigne et du Vin (ISVV), qui mène justement des expérimentations sur les cépages résistants.
* : Témoignant d’une nouvelle étape dans la diffusion des cépages résistants (après l’intégration directe au catalogue français de cépages résistants déjà inscrits dans d’autres pays européens).