ans la filière de la tonnellerie, « tout le monde sait faire une barrique. Mais seulement avec beaucoup d’empirisme, notamment pour la maîtrise de la chauffe. Désormais il faut amener de l’homogénéité et de la reproductibilité. C’est ce qui est attendu d’une année sur l’autre par nos clients » pose Jean-Charles Vicard, le propriétaire du tonnelier éponyme. Ce 2 juin à Bordeaux Science Agro, lors d’une conférence technique, il faisait le bilan des avancées d’une nouvelle approche technique de la tonnellerie, laissant moins de place aux hasards du vivant et plus de maîtrise œnologique.
Condensé d’un cocktail technique innovant de sélection et de cuisson, la « génération 7 de Vicard » promet ainsi une régularité presque industrielle. Répondant à une demande de respect des terroirs (et de moindre boisage), la fiabilisation de l’approvisionnement est le credo de la tonnellerie Vicard, qui fait face aux enjeux de la maîtrise de l’approvisionnement en bois. Alors que « la matière première est très capricieuse, soumise aux millésimes » résume Jean-Charles Vicard.
« Nerf de la guerre » la sélection des bois chez Vicard se fait désormais moins par le traditionnel tri des grains que par mesure en spectrométrie proche infrarouge du potentiel tannique. Introduite comme analyse de routine en 2012 sur les gammes innovantes, après deux ans d’étude, cette mesure permet d’estimer la concentration en ellagitanins des douelles. Et donc la fraction extractible, autant que la diversité de la matière première. Permettant d’affiner la sélection des bois, la mesure du potentiel tannique distingue les lots en trois catégories (selon les quantités d’ellagitanin : basses entre 2 et 4 000 microgrammes/gramme, moyennes de 4 à 6 000 µg/g et hausses de 6 à 8 000 µg/g). Chacune ayant des potentiels aromatiques différents, la gamme à faible potentiel tannique donnant des arômes plus frais que celle haute, plus sur la chauffe.
À noter qu’à l’usage, cet outil va jusqu’à remettre en cause les concepts de tris par origine géographique. Après deux millésimes de tests des bois de six origines françaises* sur le grand vin du château Latour (en 2013 et 2014), il apparaît que « dans chaque forêt on trouve un mélange des différents potentiels tanniques, selon tes proportions différentes. Et les résultats aromatiques changent en fonction, et même d’une année sur l’autre ! » souligne la consultante Marie-Laure Badet-Murat (Œnologie by MLM). Sachant qu’à ces variabilités entre individus s’ajoutent d’importantes variations au sein d’un même individu (entre cœur et écorce…), cet outil de sélection ne gagne qu’en pertinence.
Si Vicard se flatte des résultats de son potentiel tannique, la tonnellerie Radoux a également développé son propre outil de détection (l’OakScan). Mais « la sélection des bois ne sert à rien si l’on ne peut pas reproduire cintrage et chauffe » assène Marie-Laure Badet-Murat. Sachant que la teneur en ellagitanin décroît plus ou moins fortement selon le type de chauffe, Vicard s’est attaché à affiner ses techniques de préparation des barriques.
À commencer par le cintrage. « Il existe trois façons de cintrer une barrique » énumère Georges Milcan le directeur commercial de VIcard. « Celle traditionnelle au brasero ne permet pas de maîtriser la température de manière homogène. Et celle en immersion dans l’eau chaude pose des problèmes de perte d’ellagitanins. Mais celle couverte par la vapeur est intéressante, étant courte le bois reste sec » s’exclame-t-il. Ce qui explique le passage de Vicard à cette technique depuis 2005.


Pour la chauffe, la traditionnelle flamme nue a été écartée, du fait de sa variabilité et des risques de choc thermique. Elle a cédé le pas à une chauffe graduelle, plus douce et longue. Ce qui aboutit à un système automatisé par radiation thermique. Avec un brasero contrôlé par ventilation, et caché dans un double cône qu’enserre la barrique posée sur un plateau tournant, le cycle étant dans son ensemble couvert pour assurer une homogénéité optimale de chauffe depuis 2011.
« Avec cette rationalisation du système, la chauffe est devenue moléculaire » se réjouit Jean-Charles Vicard. Ayant toujours le souci des montées en températures progressives et des chocs thermiques interdits, il annonce une maîtrise des températures à 3°C près. Sachant que les modifications d’arômes se feraient par paliers de 10°C.
* : Il s’agit des forêts françaises de Bercé, de Darney, de Fontainebleau, de Loches, d'Orléans et du Tronçay.