L’impact du changement climatique sur la viticulture est l’un des grands défis auxquels la communauté internationale du vin est confrontée*. Vagues de froid, grêle, incendies de forêt et inondations sont autant de manifestations de l’évolution climatique, avec les effets dévastateurs que l’on connaît sur les vignobles et les caves. S’y ajoutent des catastrophes naturelles comme les tremblements de terre et les éruptions volcaniques. Dans ce contexte, une équipe de chercheurs pluridisciplinaire, dirigée par le Dr James Daniell de l’Institut de Technologie de Karlsruhe, a examiné l’impact de ces événements sur les différents vignobles du monde et l’influence exercé par le changement climatique sur le secteur vitivinicole. Fin avril à Vienne, l’équipe a présenté un indice mondial des risques.
L’Argentine la zone la plus touchée au monde
A l’échelle mondiale, les régions viticoles de Mendoza et de San Juan en Argentine s’avèrent être les plus exposées aux conditions météorologiques extrêmes et aux aléas naturels. En 2016, le phénomène El Niño a provoqué une baisse de 29% de la récolte argentine (9,4 Mhl,), amenant l’Argentine à perdre ainsi plus de 5 millions d’hectolitres de vins par an par rapport à 2013 et 2014. Cette année, ce sont des gelées printanières qui auront impacté les volumes élaborés. Globalement, la région de Mendoza subit la quasi-totalité des catastrophes naturelles dont notamment la grêle, les gelées, les inondations et même des tremblements de terre. En deuxième place des régions les plus exposées selon l’indice se trouvent Kakhétie et Ratcha en Géorgie, suivies de Cahul au sud de la Moldavie, le Nord-Ouest de la Slovénie, Yaruqui en Equateur et Nagano au Japon. L’étude englobe au total plus de 7 500 vignobles et 110 000 caves dans 131 pays. D’après ses données, « aucune région viticole au monde ne reste à l’abri des conditions climatiques extrêmes ou des catastrophes naturelles ». L’impact économique de ces dernières est colossal, dépassant 10 milliards USD par an, au plus bas mot. Il porte aussi bien sur le manque à gagner que sur la perte de production et les installations endommagées.
Parmi les phénomènes ayant l’impact le plus significatif car assez généralisés figurent les vagues de froid, gelées et autres orages de grêle. L’étude rappelle que ces dernières semaines, des gelées ont frappé la plupart des régions d’Europe, les zones les plus touchées se situant en Slovaquie, Bosnie, Serbie, Hongrie, Autriche et en République Tchèque. Viennent ensuite les orages de grêle, qui représentent « l’une des plus grandes menaces annuelles pour les vignerons européens ». La Bourgogne comme le Piémont en Italie se trouve particulièrement concernés par ces deux phénomènes. L’Europe n’est pas la seule région du monde concernée : « dans le monde entier, les vignobles subissent au moins un orage de grêle par an… », notent les chercheurs. « Les analyses coûts-bénéfices montrent généralement que les vignes destinées à l’élaboration de vins de qualité devraient être protégées par des filets anti-grêle… susceptibles de sauver la récolte en cas de gros orage de grêle… des assurances ou des méthodes moins coûteuses convenant mieux aux autres vins ». Les cinq régions les plus concernées par la grêle sont Mendoza en Argentine, le Piémont et les Alpes en Italie, Cahul en Moldavie, la Géorgie et l’Aragon en Espagne.
Les tremblements de terre moins fréquents mais potentiellement dévastateurs
Même s’ils sont moins courants dans les régions viticoles, les tremblements de terre représentent aussi une menace importante pour le secteur du vin. Au cours des dernières années, ils ont touché de manière significative le Chili, la Nouvelle Zélande et les Etats-Unis, des événements moins graves ayant impacté d’autres régions du monde. Au Chili, plus de 1 250 000 hectolitres de vins ont été perdus en 2010, sans compter les dégâts matériels sur les caves, voire aussi les oenothèques. « Un investissement de quelques dollars dans des mécanismes de stabilisation…peuvent souvent éviter des millions de dollars de pertes » estime l’étude.
Le réchauffement climatique peut faire des heureux
Enfin, quant aux effets du réchauffement climatique, ils sont plus ambivalents. « Les régions viticoles en Angleterre, au Canada et dans le nord de la Chine vont probablement augmenter de manière significative leur production de vin, développer leurs parts de marché et améliorer la qualité de leurs vins », prédit le Dr Daniell. Il note par ailleurs que les vignerons disposent de nombreuses méthodes pour lutter contre les effets du changement climatique, citant l’adaptation de l’encépagement et l’optimisation des dates de récolte. Les scientifiques prédisent que les vignerons « tireront profit de nouveaux cépages et de technologies novatrices pour optimiser la production et réduire l’impact des pathogènes biologiques et des insectes, tout en trouvant de nouvelles méthodes pour lutter contre les événements climatiques extrêmes ». D’ici là, l’impact le plus négatif concerne l’Italie et l’Espagne du Sud, l’Egypte, Merti Jeju en Ethiopie, le nord du Mexique, l’Inde du Sud, le nord de l’Argentine et le sud du Brésil. A contrario, l’Europe du Nord, le Canada, le nord des USA, le Royaume-Uni, la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande et le nord de la Chine en tirent profit.
Une cartographie mondiale des risques
L’objectif du nouvel indice est d’identifier les risques à l’aide d’outils de modélisation climatique et de permettre aux producteurs de faire les bons choix en matière d’encépagement, de protection de matériel vinicole et de dispositifs dans le vignoble pour lutter contre les phénomènes climatiques extrêmes. Un site internet – www.winerisk.com – résume les résultats de l’étude, dont certaines données remontent à 1900, avec des cartes des zones les plus à risque et l’impact économique des aléas naturels. Même si ce type d’outil ne modifiera pas le cours du changement climatique, il peut au moins aider le secteur à faire les bons choix en matière de protection et à mieux planifier les adaptations nécessaires grâce à la mise en place d’un historique pour tracer les évolutions. Le savoir c’est le pouvoir.
*Une conférence sur cette thématique est prévue le 18 juin pendant Vinexpo, en présence de John P. Holdren, ancien conseiller du Président Barack Obama, Directeur de Recherche à Harvard et expert en sciences de l’énergie et des changements climatiques ; Miguel Torres, PDG de Bodegas Torres ; Gaia Gaja, co-propriétaire des Vignobles Gaja en Italie ; et Kathryn Hall, ancienne ambassadrice américaine et consultante en commerce international, propriétaire de Hall Vineyards en Napa Valley (Etats-Unis), l’un des rares vignobles à avoir obtenu la certification LEED Gold.