On n’avait pas besoin de ça ! ». Ce lundi 24 avril, à la cave coopérative les Costières de Pomerols. Jérôme Despey, président de la chambre d’Agriculture de l’Hérault, a exprimé tout le désarroi de la profession face à l’épisode de gel qui a décimé une partie du vignoble héraultais. Après la sécheresse de l’an dernier, la grêle sur le Pic Saint Loup, la tension sur les marchés avec l’arrivage massif des vins espagnols, c’est un nouveau coup dur pour les viticulteurs du département. Selon les premiers recensements, plus de 50 communes ont été touchées dans le Minervois, l’Ouest biterrois, le Piscénois et le bassin de Thau, la vallée de l’Orb et la basse vallée de l’Hérault. Plus de 20 000 ha de vigne seraient concernés, selon les estimations de la Chambre d’Agriculture, ce qui représenterait une perte d’un million d’hl sur la prochaine récolte du département. Le gel s’est produit dans les nuits du 19 et 20 avril, au cours desquelles les températures ont pu chuter jusqu’à -3 °C dans les secteurs les plus gélifs (bords de rivières, bas-fonds..), mais des dégâts ont également été constatés en situation de plaines et de coteaux.


Ce lundi, lors d’une rencontre organisée par la chambre d’agriculture en présence des élus, le visage fermé des directeurs et présidents de cave en dit long sur leurs inquiétudes. « C’est une catastrophe. Nous avons été inondés en 2014, en 2015, nous avons été grêlés et cette année, le gel a ravagé la moitié de notre vignoble. Sur les 300 ha de la cave, 150 sont touchés dont une centaine d’ha très sévèrement. Nos frais de vinification vont exploser et avec des cours à 80 €/hl, c’est l’avenir de la cave qui est en jeu », s’inquiète Philippe Coste, président de la cave d’Hérépian. Les caves coopératives du Picpoul de Pinet, sont elles aussi fortement impactées. A Montagnac et Pomérols, les présidents estiment à 300 ha les surfaces impactées. « Ce sont les vignes les plus fructifères, situées dans les bas-fonds qui sont touchées. On risque de perdre 30 000 hl », confie Christian Boineau, le président de Montagnac.


Au domaine Reine Juliette à Castelnau de Guers, Marion Alliès, qui exploite un vignoble de 40 ha avec son frère Guillaume, déplore la perte de la moitié de sa récolte. « Nous avons 20 ha qui ont été raclés. Nous étions assurés pour la grêle, mais pas pour le gel ». Guy Bascou, président de l’AOC Picpoul de Pinet, confirme l’ampleur de la gelée. « Je n’avais jamais vu ça. Nous avons des dégâts sur 500 ha dans l’aire d’appellation, cela peut représenter 5 à 6 000 hl de moins pour notre appellation. Sur le reste du vignoble, on observe un bon niveau de récolte. Nous allons demander de porter exceptionnellement notre rendement à 66hl/ha pour compenser cette perte et permettre d’alimenter nos marchés ».
Conviés à l’invitation de la Chambre d’Agriculture, les élus ont assurés la profession de leur soutien. Comme ils l’ont fait suite à la grêle au Pic Saint Loup, Région et Département ont promis de « trouver des solutions pour apporter leur aide aux viticulteurs sinistrés ». Des dégrèvements de taxe sur le foncier non bâti et de prises en charge des cotisations sociales vont être demandées par la cellule de crise mise en place par la chambre d’agriculture. Responsables professionnels, administration et élus ont néanmoins réaffirmé la nécessité pour les viticulteurs de s’assurer contre ces risques climatiques. « Combien de récoltes va-t-on perdre avant que l’assurance-récolte se généralise ? Le gel comme la grêle sont des dommages assurables et donc non couverts par les calamités agricoles. Au même titre que l’assurance auto ou habitation, l’assurance récolte est indispensable et doit faire partie des frais d’exploitation », ont-ils plaidé.
Vitisphere met en place une carte collaborative pour rencenser les dégâts. Pour saisir ses dommages, c'est par ici.