e sujet est sous tension. Pour preuve, dès leur arrivée au colloque « Exposition des populations aux produits phytosanitaires et risques sanitaires », organisé le 14 mars à Rennes (1) au sein de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), les participants ont été accueillis par des banderoles brandies par une vingtaine de militants du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest mais aussi par des victimes. « Nous sommes pour l’interdiction des pesticides », déclare Michel Besnard, le président de l’association. Et de distribuer des tracts dénonçant la tenue de ce colloque qui selon le collectif a pour but de « rendre acceptable l’utilisation des pesticides ». Le ton est donné.
« C’est un sujet de santé publique. Il préoccupe et inquiète nos concitoyens. Nous devons disposer de connaissances scientifiques et travailler dans ce sens pour mesurer les effets sanitaires et déterminer les liens entre l’exposition et les effets sur la santé. Il y a objectivement des atteintes sanitaires avec des effets aigus et chroniques. Il faut travailler sur l’expologie et en tirer les conséquences », a introduit Laurent Chambaud, le directeur de l’EHESP.
Les interventions se sont ensuite succédées. Sylvaine Cordier, de l’Inserm a notamment rappelé les résultats de l’expertise collective réalisée par son institut et publiée en 2013. Ils confirment que les agriculteurs ont globalement moins de cancers que la population générale en raison d’une meilleure hygiène de vie (moins de tabagisme, notamment). Néanmoins chez eux, certains cancers spécifiques sont en excès : cancer de la prostate, lymphome non hodgkinien, myélomes multiples. Par ailleurs l’exposition aux pesticides favorisait le risque de développement de la maladie de Parkinson. De même les expositions aux pesticides intervenant au cours des périodes prénatales et périnatale ainsi que lors la petite enfance semblent être particulièrement à risque pour le développement de l’enfant.
Quelles sont les molécules qui produisent ces effets ? Selon Pierre Lebailly, de l’université de Caen, leur identification est « une gageure » et l’on peut « attendre longtemps ce type de données ». En attendant, il faut avancer.
Thierry Mercier, le directeur adjoint de la direction d’évaluation des produits réglementés à l’Anses a rappelé la procédure d’homologation des produits phytosanitaires. Il a expliqué que le risque pour les riverains était bien pris en compte mais que les modèles utilisés dans ce cadre étaient perfectibles. C’est la raison pour laquelle l’Anses va lancer une étude d’exposition des résidents qui vivent à proximité des vignes. Sa collègue Mathilde Merlo, responsable de l’unité phytopharmacovilance a annoncé que suite à un signalement, l’Anses a demandé à l’Inserm d’étudier s’il y a oui ou non une sur-incidence des cancers pédiatriques en zone viticole.
(1) Colloque organisé par l’académie d’agriculture de France en collaboration avec l’Ecole des hautes études en Santé publique et l’Institut de recherche en santé environnement et travail.
Réduction des tonnages et réduction de l’exposition aux produits phytosanitaire n’est pas forcément compatible. C’est l’un des constats de l’expertise de l’Anses sur l’exposition des travailleurs en agriculture parue en juillet 2016. « L’exposition des travailleurs n’est pas prise en compte dans les stratégies de réduction. Par exemple le fractionnement des doses n’est pas une bonne idée, car l’on fait plus de passages », a expliqué Pierre Labailly, de l’université de Caen. Autre conclusion : les données sont lacunaires et ne reflètent pas la diversité des situations et des personnes. Quelles sont les tâches les plus à risques ? Là encore, les données sont insuffisantes, notamment pour certaines tâches qui résultent de la manipulation de végétaux traités.