D’après les experts, les effets du changement climatique seront simples : il fera plus chaud là il où fait déjà chaud. Et il pleuvra plus là où il pleut déjà. Pour la Gironde, ce sera un réchauffement ! » résume Denis Cheissoux, l’animateur de radio et de la treizième matinée technique du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). Pour se préparer à cette hausse annoncée des températures, le projet HeatBerry de l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV) étudie l’augmentation artificielle des températures de grappes au vignoble. « Il s’agit d’un réchauffement modéré, d’un à deux degrés Celsius, mais prolongé » explique le chercheur Philippe Pieri (INRA-ISVV).
Réalisées en 2015 et 2016 dans le Bordelais, avec des panneaux de polycarbonate* mis aux pieds de cabernet sauvignon et de sauvignon blanc, ces expérimentations microclimatiques commencent à donner de premiers résultats. Que ce soit en termes d’analyse de baies ou des vins obtenus expérimentalement (comparés à chaque fois à un témoin non-chauffé).
Présentant les premiers résultats de cette étude, Philippe Pieri estime que ce réchauffement ciblé des grappes n’entraîne pas de modification physiologique de la vigne. La maturité technologique (soit le rapport sucre sur acide) est plus perturbée pour les blancs que pour les rouges. Pour ces derniers, il y a surtout des variations avec les polyphénols et le métabolisme azoté. Dans tous les cas, les vins issus de grappes « réchauffées » sortent nettement lors des dégustations à l’aveugle.
Dupliqués en Australie (sur cabernet sauvignon à Adelaide) et en Allemagne (sur sauvignon blanc à Geisenheim), ces essais donnent de premiers résultats identiques souligne la chercheuse Laurence Geny-Denis (INRA-ISVV). « On retrouve ces déviations dans les vins. Leur couleur est différente, ils sont plus tuilés. Et les arômes de fruits sont plus mûrs, plus cuits » analyse-t-elle. S’il semble qu’un excès de chaleur entraîne des pertes en anthocyanes et une moindre polymérisation des tanins, la chercheuse reste circonspecte. « Il faut rester prudent » estime-t-elle, tant que l’étude n’est pas achevée.
Optimiste, le chercheur Kees van Leeuwen (ISVV) souligne quant à lui que « la bonne nouvelle, c’est qu’à Bordeaux les années sèches sont majoritairement de grands millésimes. Même si l’on a en tête les jeunes vignes qui souffrent beaucoup. »
* : ce dispositif permet de chauffer uniquement les grappes, sans affecter le reste du métabolisme de la vigne.