Premier pays exportateur de vins parmi les producteurs du Nouveau Monde, et quatrième tous pays confondus, le Chili n’a pas à rougir de ses performances. Mais il cherche désormais à les consolider sur certains marchés considérés comme prioritaires – les Etats-Unis, la Chine et le Brésil et dans une moindre mesure le Royaume-Uni et le Canada – et à s’ouvrir davantage à un public plus jeune, et féminin. Après un premier plan stratégique présenté en 2010, feuille de route destinée à diriger la filière vers 2020, Vinos de Chile vient de dévoiler les orientations qu’il souhaite lui donner sur la décennie à venir. « Estrategia 2025 » comporte quatre piliers que sont la qualité, la diversité, l’image du pays et la durabilité, et l’innovation. Clairement, la filière chilienne souhaite « jeter les bases de son développement à long terme », selon les termes du président de Vinos de Chile, Mario Pablo Silva de la société Casa Silva. Et de préciser : « Les piliers stratégiques ont été soigneusement analysés et nous pensons que ce sont ceux pour lesquels nous disposons d’avantages compétitifs uniques ».
Le triptyque des pays au fort potentiel de croissance
Vinos de Chile a décidé de canaliser une grande partie de ses moyens en direction de trois marchés : les Etats-Unis, la Chine et le Brésil, pays qui figurent déjà dans le peloton de tête de ses destinations à l’export. L’accord de libre-échange conclu avec la Chine en 2005 s’est soldé par une montée en flèche des exportations chiliennes vers le géant asiatique, à la fois en vrac et en bouteilles. Les expéditions en vrac ont quasiment doublé entre 2014 et 2015 pour représenter 27% des volumes totaux, soit 1,04 millions d’hectolitres sur 3,85 Mhl. En revanche, le bilan en termes de prix moyens est moins brillant : la Chine a acheté des vins chiliens en vrac à un prix moyen de 0,55 USD le litre en 2015, à comparer au pic de 1,46 USD atteint en 2011. Néanmoins, la Chine garde tout son attrait pour les exportateurs chiliens. Désormais troisième destination mondiale pour les expéditions chiliennes en bouteilles, le prix moyen de 3,31 USD le litre en 2015 y est plus valorisé que sur d’autres marchés clés comme le Royaume-Uni (2,86 $), le Japon (2,90$) ou les Pays-Bas (2,88$). Une étude de Wine Intelligence aiguise encore plus l’appétit des exportateurs chiliens sur le marché chinois : elle montre en effet que le nombre de consommateurs de vins importés devrait passer de 48 millions en 2015 à 160 millions d’ici 2025. La stratégie qui sera mise en œuvre par Vinos de Chile en Chine impliquera une amélioration de son positionnement à travers des campagnes numériques et un développement des ventes dans les restaurants et les magasins spécialisés.
Les jeunes et les femmes privilégiés aux USA
Pour ce qui est des Etats-Unis, l’organisme de promotion générique cible les jeunes consommateurs, la génération Y plus connue sous le nom de « Millenials », nés à partir de 1980. Un public amateur de vins, ouvert aux cuvées du Nouveau Monde, dont la consommation par habitant se situe actuellement à 18 litres par an contre 12 litres en moyenne. Les femmes constituent également une cible privilégiée, car responsables de 57% des achats de vins aux Etats-Unis, selon Vinos de Chile. Ce dernier est à la recherche d’un lieu pour ouvrir un restaurant icône à New York pour promouvoir les vins chiliens en association avec les mets, et mieux valoriser leur image. Des événements impliquant les consommateurs, les sommeliers et les prescripteurs seront également mis en place, de même que des visites de domaines. Comme pour la Chine, les outils numériques seront fortement exploités car susceptibles de toucher un public jeune et moins coûteux que les méthodes traditionnelles. Enfin, pour ce qui est du Brésil, déjà cinquième destination mondiale des vins chiliens en bouteilles, Vinos de Chile pointe l’important potentiel de développement du marché des vins dans ce pays aux 200 millions d’habitants : la consommation par habitant ne dépasse pas 2,4 litres par an et 63% des Brésiliens ne consomment pas de vins à l’heure actuelle.
Une meilleure adéquation entre cépage et terroir
Au-delà de ces trois marchés prioritaires, le Chili souhaite consolider son image de « producteur numéro un de vins premium, durables et variés du Nouveau Monde ». Actuellement, 62 producteurs adhèrent au code de viticulture durable de Vinos de Chile. Ainsi, 70% des vins exportés en bouteilles bénéficient de cette certification. Si les exportations s’articulent principalement autour de quelques grands cépages, avec le Cabernet-Sauvignon comme fer de lance, l’objectif est de faire valoir le patrimoine viticole unique du Chili, et surtout de travailler vers une mise en avant des vins de terroir afin d’améliorer son positionnement prix. « Notre pays est reconnu comme producteur de vins ayant un bon rapport qualité-prix, mais dans les segments moyens-bas », admet Mario Pablo Silva. « Désormais, le grand changement repose sur notre volonté de promouvoir le vin chilien dans des segments plus élevés, en raison de tous les changements qui sont intervenus dans notre manière de le produire. Nous avons commencé à donner la priorité au terroir, en adaptant au mieux les cépages à un lieu donné, et en évitant de les implanter n’importe où ».
Briser le « plafond de verre »
Typicité et terroir sont les deux maîtres-mots que Vinos de Chile souhaite inculquer à l’ensemble des professionnels chiliens, y compris les néo-vignerons qui devront déterminer les terroirs les plus appropriés pour planter chaque cépage. L’objectif est de proposer sur les marchés export, des vins positionnés entre 10 et 20$ et de surmonter les seuils psychologiques actuels. L’organisme générique a également mis en place un projet avec le centre de changement climatique à l’Université catholique de Santiago pour proposer une caractérisation climatique et géologique des zones vitivinicoles nationaux actuels et potentiels en tenant compte du changement climatique et du comportement de certains cépages. La gestion des ressources hydriques fait également partie des sujets de recherche actuels.
Le vrac entrave l’évolution favorable des prix
Vinos de Chile aura fort à faire pour améliorer le positionnement des vins chiliens sur le marché mondial. La part des vins en vrac reste considérable. Elle est passée de 38-45% des exportations à environ 50%, selon une étude sur la compétitivité des vins chiliens publiée par l’Odepa en fin d’année dernière. Confrontés à des problèmes d’excédents, les exportateurs ont adopté une approche plutôt opportuniste, notamment lorsque la sécheresse dans d’autres pays du monde – surtout l’Espagne - y a été favorable, entre 2013 et 2015. « Certains domaines se sont même spécialisés dans la production de ce type de vins pour répondre à la demande mondiale » note l’étude, tout en reconnaissant que le marché mondial évolue aussi dans ce sens…
Le Chili vit actuellement les pires incendies de forêt de son histoire, selon le gouvernement chilien, qui a déclaré l’état de catastrophe dans plusieurs régions du centre-sud du pays. Au niveau viticole, des zones comme Cauquenes, Maule et Colchagua sont particulièrement touchées. Selon la presse locale, de petites vignes abritant des ceps âgés de plus de 150 ans, notamment du cépage local païs, ont été détruites partiellement ou totalement. Les incendies ont également ravagé habitations, caves et autres installations sur une vaste zone de plusieurs dizaines de milliers d’hectares. Si les prévisions de récolte ne sont pas encore connues pour 2017, le courtier international Ciatti a émis dans son rapport mensuel de janvier une première hypothèse – basée sur une estimation locale – d’une production de l’ordre de 11 millions d’hectolitres. Mais les incendies et des conditions météorologiques instables rendent toute estimation aléatoire à l’heure actuelle. Rappelons que le Chili a récolté 10,14 Mhl en 2016, volume en hausse par rapport aux estimations initiales (8-9 Mhl) mais tout de même impacté par le phénomène El Niño. Selon Ciatti, plus de 80% des raisins devant être récoltés en 2017 avaient déjà trouvé preneurs, avant les incendies.