e soyez pas importun, n’allez pas dire à Aubert de Villaine qu’il est un érudit de la vigne. Le cogérant du prestigieux domaine de la Romanée-Conti en serait bien embarrassé et serait contraint de se qualifier de simple vigneron. Et d’ajouter qu’il est probablement le plus vieux de toute l’assemblée. Ce qui était pour le coup proche de la réalité, ce 24 janvier à la Cité du Vin, le vigneron se trouvant face à un auditorium comble, majoritairement composé d’étudiants bordelais (de l’Université d’Œnologue à l’INSEEC). Ces derniers n’ont pas été déçus d’être venus se nourrir des expériences de cette figure du vignoble bourguignon, à défaut de ses vins, il faut le dire bien inaccessibles pour le commun*.
S’étant converti avec Lalou Bize-Leroy à la viticulture biologique en 1985, et s’essayant à la biodynamie depuis 1996, Aubert de Villaine résume sans ambages son parcours vers la viticulture alternative : « ce qui est le plus important, c’est le passage en bio. La biodynamie apporte beaucoup, mais de manière plus ténue. Supprimer les produits de synthèse permet au sol de revivre. Avec la biodynamie, on arrive à une plus grande finesse de maturité. Ce que l’on attend d’un grand vin, c’est d’être concentré (avec une expression forte) et transparent (que le cru soit facilement identifiable). »


Partageant une expérience, qu’il précise être purement personnelle et sans universalité, Aubert de Villaine ajoute, qu’au domaine de la Romanée-Conti, « notre biodynamie n’est pas philosophique, elle est concrète. Pragmatique ». Reconnaissant travailler avec ses préparats à la liaison « des énergies telluriques et cosmiques au développement des forces de la vie », il soutient pratiquer une biodynamie « concrète. Ça n’enlève pas de poésie dans le vin. » Il revendique ainsi une approche scientifique du travail du sol, s’inspirant des préceptes de Claude Bourguignon (dont les pratiques sont pourtant loin de faire consensus auprès de ses anciens collègues chercheurs).
« L’élément capital, c’est le matériel végétal » conclut Aubert de Villaine, qui donne l’impression de dévoiler le secret de la finesse de ses crus de pinot noir. D’ailleurs, « beaucoup d’Américains sont venus voler nos sarments pour les greffer chez eux [dans les vignobles d’Oregon, etc.]. Mais ce n’est pas parce que vous avez un sarment de la Tâche que vous allez faire ce vin chez vous » plaisante-t-il.
* : Face aux records égrenés par les ventes-aux-enchères successives du monopole de la Romanée-Conti, Aubert de Villaine avoue son incompréhension. Même s’il essaie d’en contrôler la distribution, le mythe autour de ses vins « entraîne des problèmes entre les fausses bouteilles, les marchés parallèles et les prix extravagants » reconnaît-il. « Ça nous fait beaucoup souffrir, ça enlève une partie du charme du métier » soupire-t-il.
N’étant plus président de l’association des Climats de Bourgogne, Aubert de Villaine avoue « ne pas être au coeur du réacteur » des projets de Cité du Vin à Beaune (déclinée à Chablis et Mâcon). « Cela va se faire. Pas dans la facilité, mais dans une certaine douleur. La viticulture n’est pas trop chaude pour la financer » glisse-t-il.